j:mag

lifestyle & responsible citizenship

Cinéma / KinoCulture / KulturMusique / Musik

Entretien avec Salim Saab, réalisateur de Beyrouth Street : Hip-Hop au Liban

Salim Saab, alias Royal S, est un rappeur, journaliste et animateur radio franco-libanais, réalisateur du documentaire Beyrouth Street : Hip-Hop au Liban. Le titre est un peu délusoire, car il s’agit plutôt de la culture hip-hop à Beyrouth, voire même une déclaration d’amour à cette ville scarifiée par 15 ans de guerre, mais vibrante d’énergies qui, au-delà de l’instinct de survie et du maintien de l’équilibre fragile trouvé après-guerre civile, font montre de volonté de reconstruction et de réappropriation de sa propre identité. La culture hip-hop est un de ces moyens d’expression qui a émergé dans le milieu des années nonante et instauré une culture urbaine underground militante.

Le documentaire est à plusieurs égards classique dans sa forme, ce qui lui donne un petit côté didactique. L’avantage de cette structure est de faire découvrir à un large public non seulement cette scène artistique, mais de montrer également aux néophytes la contexture de la culture hip-hop qui ne résume pas au rap. Salim Saab donne ainsi la parole à différents artistes, rappeurs, graffiti artistes, danseurs, beat boxer et DJ et permet de retracer l’histoire et l’aspect unificateur de ce mouvement artistique, puisqu’il constitue une exception dans un pays régit par les différentes confessions qui, ici, se retrouve dans une même dynamique. L’aspect le plus visible de la culture hip-hop à Beyrouth est celui du graffiti qui est plébiscité par les habitants pour son côté enjoliveur des bâtiments couverts de cicatrices. Comme le dit ‘Fish’, un artiste de street art, le Liban est le seul pays où les policiers prennent des selfies avec les graffeurs ou demandent à ce que tu tagues son nom !

 

La scène hip-hop libanaise est celle du ‘do it yourself’ – qui n’exclue en aucun cas la professionnalité – et de la liberté que cela procure malgré les petites imperfections inhérentes aux projets mus par la volonté d’indépendance. Le film de Salim Saab est un peu le pendant de cette position artistique, puisqu’il a réalisé seul et avec un équipement minimaliste son documentaire. Salim Saab a bien voulu répondre à quelques questions.

— Salim Saab
Image courtoisie du réalisateur

Le film a une structure assez classique, voire didactique, abordant les uns après les autres les cinq éléments qui forment la culture hip-hop: pourquoi ce parti pris?

Pour plusieurs raisons. Déjà, Je voulais le structurer de la manière la plus simple pour éviter que le spectateur s’y perde. Ensuite, chaque élément a son histoire et ses acteurs, il était donc important de ce concentrer sur ces différents points de manière précise et ne pas tout mélanger. Ceci étant, le personnage principal du documentaire reste la ville de Beyrouth à laquelle j’ai voulu rendre hommage par le biais du hip-hop libanais, ses activités, ses éléments et ses artistes.

Le rap palestinien a une certaine reconnaissance internationale, beaucoup aidé en cela par le fait que certains groupes soient dans la b-o de certains films israéliens ou internationaux parlant de la Palestine. Pourquoi le rap libanais n’a pas cette exposition alors que la scène semble bien dynamique?

Il faut savoir que l’un des premiers morceaux de rap en arabe à s’être répandu dans le monde est le fameux Meen Erhabe? (Qui est le terroriste ?) du groupe palestinien DAM sorti en 2001 durant la seconde Intifada. C’est un super morceau fort et criant de sincérité. Pour moi c’est un classique du rap arabe. Il a permis au groupe DAM de se faire connaitre dans le monde entier. Et donc du coup, les médias se sont intéressés au rap palestinien. Le rap libanais est apparu à peu près au même moment, fin des années 90 via des groupes comme Aks El Ser et Kitaa Beyrouth.  Les thématiques  abordées étaient liées à la société libanaise et c’est peut-être pour cette raison qu’il n’a pas eu une exposition internationale.  Ceci étant, il y a une très bonne entente entre les rappeurs palestiniens et libanais et ils collaborent souvent ensemble sur des morceaux ou des concerts.

Vous êtes vous-même rappeur: comme toute culture, le hip-hop possède des éléments universels et particuliers. Comment définiriez-vous les particularismes de la scène libanaise?

Le hip-hop regroupe 5 éléments, rap, graff, dance, dj’ing et beatbox. Si on parle du rap libanais, sa particularité réside dans les thématiques abordées, qui concernent la société libanaise et par extension moyen orientale, ou bien le fait que certains producteurs samplent dans les classiques de la musique orientale.  Concernant le graffiti, certains graffeurs comme Ashekman, Yazan ou Moe font du calligraffiti qui est un style qui mélange calligraphie arabe et graffiti. De manière générale, le hip-hop libanais est encore assez underground, ce n’est pas encore ancré dans la société comme en France par exemple. Du coup, y a encore cet aspect authentique et confidentiel qui lui donne un certain charme.

— Beyrouth Street : Hip-Hop au Liban
Image courtoisie Salim Saab

Et vous-même, définissez-vous comme un rappeur français, libanais, les deux?

Je suis franco-libanais et  j’ai un pied dans la culture hip-hop  au Liban et un autre dans la culture hip-hop en France… Donc les « deux ».  Je baigne dans cette culture depuis plus de 20 ans, en tant qu’artiste – Royal S -, journaliste/animateur radio et réalisateur de documentaire.

Vous vous dîtes activiste hip-hop: c’est quoi un activiste hip-hop?

Ce que je vais dire est peut-être un peu cliché, mais le hip-hop est un mode de vie. En soi, chaque amoureux du hip-hop est un activiste ! Pour moi le hip-hop est la culture artistique la plus puissante de ces 40 dernières  années, n’en déplaise à Éric Zemmour (qui soutient que le rap est un sous-art, N.D.R.)… Il y a du hip-hop partout dans le monde, c’est puissant.  Être un activiste du hip-hop c’est défendre cette culture, en être acteur.

Votre documentaire est déjà passé dans plusieurs festivals, où pourra-t-on le voir prochainement ?

Les prochaines dates : le lundi 12 mars à Nantes pour le festival Hip OPsession, le 21 mars au musée Aga Khan à Toronto et le 30 Mars à St Denis pour le Festival Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen Orient.

Malik Berkati

Pour suivre l’actualité du film et ses projections : https://www.facebook.com/beirutstreetfilm

La chaîne soundcloud de Salim Saab : https://soundcloud.com/kidroyals

© j:mag Tous droits réservés

Malik Berkati

Journaliste / Journalist - Rédacteur en chef j:mag / Editor-in-Chief j:mag

Malik Berkati has 846 posts and counting. See all posts by Malik Berkati

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*