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Bâle : La Fondation Beyeler offre une vitrine exceptionnelle à l’art du peintre américain Wayne Thiebaud

Jusqu’au 21 mai 2023, la Fondation Beyeler invite le public à découvrir les œuvres du peintre américain Wayne Thiebaud (1920–2021), artiste peu connu en Europe. Les séries répétitives de tartes, de cupcakes, de gratte-ciel et d’autoroutes du peintre américain d’origine suisse, mort plus que centenaire en 2021, sont mis à l’honneur à Bâle et illustrent une vie consacrée à questionner la matière et ses multiples formes.

Two Paint Cans – Wayne Thiebaud
© Wayne Thiebaud Foundation/2022, ProLitteris, Zurich (Photo: Matthew Kroening)

Si le public américain est coutumier de ses œuvres qui fleurent bon le pop art, les Européens le connaissent beaucoup moins bien. Pour la défense du public du Vieux Continent, il faut souligner que les œuvres de Wayne Thiebaud ont eu les honneurs de diverses rétrospectives, au Whitney Museum en 1971 et 2001 ainsi qu’à la galerie Acquavella de New York, qui le représente depuis 2012. En Europe, Wayne Thebaud a eu droit à des expositions d’envergure au Musée Morandi à Bologne, dans le nord de l’Italie, qui l’exposa en 2011 et au Musée Voorlinden à Wassenaar, aux Pays-Bas. La Fondation Beyeler offre une occasion exceptionnelle de découvrir ses tableaux en consacrant au peintre américain (1920–2021) la première exposition individuelle dans l’espace germanophone. Il faut reconnaître combien le cadre – l’architecture épurée aux lignes géométriques du musée dont les grandes baies vitrées qui donne sur son jardin japonisant offrent une luminosité toute particulière – se prête harmonieusement à mettre en valeur ses œuvres.

L’artiste, né au sein d’une famille mormone, avait initialement débuté en tant que graphiste et travaillé brièvement au sein du département d’animation des Studios Walt Disney, une période qui l’a peut-être amené à illustrer les promesses et l’abondance de l’«American way of life» à travers ses séries de tableaux de tartes à la crème géométriquement présentées, de parts de gâteau savamment découpées, de cupcakes et de bonbons rigoureusement alignés tels des soldats au garde-à-vous. Vu l’époque qu’il a traversé, on peut supposer que l’industrie agro-alimentaire ait joué un rôle prépondérant dans ses sources d’inspiration et pour allier l’art à la connaissance, Wayne Thiebaud s’est immergé dans le monde de la consommation : en effet, l’un de ses premiers emplois, à Long Beach, l’avait conduit dans un café, le « Mile High and Red Hot » (pour glace et hot-dog).

C’est cet intérêt pour les objets du quotidien, a priori anodins, voire anecdotiques, confondus ensuite avec ceux de la culture de masse, qui associera son nom au mouvement du Pop-Art. Cependant, ces œuvres, effectuées dans les années cinquante et soixante sont un brin antérieures à celles des autres artistes de ce mouvement, ce qui suggère l’influence de Thiebaud comme précurseur de ce mouvement. Son style est reconnaissable grâce aux pigments colorés ou pastels et aux couleurs vives que le peintre utilise ainsi que le trait ombré qu’on retrouve dans les publicités de cette époque.

L’exposition que propose la Fondation Beyeler présente cinquante-cinq tableaux et une douzaine de dessins, des images de figures ainsi que des paysages urbains et des paysages naturels aux multiples perspectives, qui invitent au voyage et donnent parfois le vertige. Pour retomber les pieds sur terre, il suffit de passer à la salle suivante pour admirer des pompes à essence aux couleurs bigarrées ou le portrait d’un couple perché sur des tabourets de bar. Son utilisation raffinée des couleurs semble donner vie aux motifs représentés et devant ses alignements de pâtisseries ou de sorbets, on en a l’eau à la bouche. Très judicieusement exposés par thématiques, les divers tableaux créent une atmosphère singulière qui oscille entre nostalgie, mélancolie, ironie et humour. Outre les pâtisseries, Wayne Thiebaud a également peint des paysages, des immeubles, des rues, ainsi que des personnages populaires comme Mickey. Certaines de ses toiles récentes, comme Sunset Street (1985) ou Flatland River (1997) sont remarquables pour le traité hyperréaliste, et se rapproche du travail d’un Edward Hopper (1882-1967) que la Fondation Beyeler avait exposé au printemps 2020, un artiste qui avait avec Wayne Thiebaud la même fascination pour ces scènes du quotidien américain.

Flood Waters – Wayne Thiebaud
© Wayne Thiebaud Foundation/2022, ProLitteris, Zurich

Dans sa peinture, Wayne Thiebaud se concentre sur la banalité d’une façon qui suggère l’ironie et la distance vis-à-vis de ses sujets mais il leur confère un intérêt, une essence, une âme. Devant ses tableaux, on en vient à songer à Lamartine et à sa question : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? ». L’artiste a tenu à mettre un point d’honneur à conserver son indépendance par rapport à l’École de New York. Wayne Thiebaud se considère comme un peintre mais paradoxalement pas comme un artiste. Lecteur vorace, Wayne Thiebaud avait pour habitude qui a l’habitude de lire de la poésie à ses élèves, en particulier celle de son poète préféré William Carlos Williams.

Pour prolonger le plaisir de cette découverte, le catalogue montre la qualité picturale de l’œuvre de Wayne Thiebaud comportant des natures mortes, des portraits ainsi que ses paysages urbains et fluviaux aux perspectives multiples, dont émane une sensibilité singulière lorsqu’ils sont dépourvus de toute présence humaine dans des tons pastel lumineux.

www.fondationbeyeler.ch

Firouz E. Pillet

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Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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