Le Sturm und Drang mis à l’épreuve d’un ménage à trois
Un film historique sur la vie amoureuse du poète Friedrich von Schiller qui dure 170 minutes en compétition. Cela sentait le film difficile à supporter lors d’une projection à 8h30 du matin. Et bien non, comme on le dit chez nous, nous avons été surpris en bien. Certes le film est extrêmement classique, mais d’une très belle facture avec des acteurs parfaitement convaincants dans leurs rôles.
Schiller et les sœurs von Lengefeld
Une histoire vraie reconstituée librement par le réalisateur allemand Dominik Graf qui tout d’abord a voulu donner au personnage de Schiller une autre vision que celle de son caractère connu pour son exaltation, son impétuosité et sa théâtralité. S’ajoute à ceci le fait que beaucoup de lettres et autres témoignages ont été détruits ou sont disparus, laissant place aux suppositions.
Deux sœurs de l’aristocratie, l’une mariée par convenance – Karoline von Beulwitz qui plus tard deviendra écrivaine sous le nom de Karoline von Wolzogen – et la cadette Charlotte von Lengefeld, plus timide, rêvant de faire un beau mariage. Elles sont complices comme des jumelles, partagent tout… jusqu’à l’arrivée de Schiller dans leur vie.
À la question de savoir si le réalisateur n’a pas eu trop de respect face à la personne Schiller pour ne pas l’avoir dépeint tel que les écrits le portraitisent, il a cette belle réponse qui rend hommage au mouvement romantique allemand : « je ne voulais pas le caricaturer ni le rendre réaliste. Ce qui est réaliste, c’est la théâtralité de l’amour, nous sommes souvent aussi amoureux de l’amour que de l’être aimé. Je voulais montrer un cœur qui bat pour trois ». Et c’est aussi le cœur du film. L’état d’âme, objet et sujet central du Sturm und Drang. À cet égard, Dominik Graf a réussi le tour de force de filmer sentiment dans toute sa complexité et nous faire plonger dans cet élan du cœur et de l’âme.
Pour rassurer le spectateur, une petite information qui peut avoir son importance pour ceux à qui trois heures dans la fin du XVIII e siècle ferait peur : il sortira en salle avec une durée de 138 minutes. Cela ne devrait pas changer fondamentalement le film, Dominik Graf précisant : « j’ai grandi dans un temps où le cinéma était un spectacle et aller voir un film une expérience de plus de deux heures. Le film fait 171 minutes car c’est le rythme de la vie de l’époque. Les gens ne marchaient à toute allure dans les rues comme aujourd’hui. C’est ceci qui fait la longueur du film. Je réduirai donc à 138 minutes puisque c’est le format demandé, mais cela ne changera pas l’histoire, seul le rythme sera modifié ».
Die geliebten Schwestern ; de Dominik Graf ; avec Hannah Herzsprung, Florian Stetter, Henriette Confurius , Claudia Messner,Ronald Zehrfeld ; Allemagne, Autriche ; 2013/2014 ; 170 min/138 min.
Malik Berkati, Berlin
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