Petit Palais: Worth, l’invention de la haute couture – Un Anglais à Paris
Le paradoxe ne pourrait être plus saisissant : la haute couture, ce savoir-faire français et symbole de luxe, fut inventée par un Britannique, Charles Frederick Worth (1825-1885). Jusqu’au 7 septembre 2025, les grandes galeries du Petit Palais organisent une fantastique rétrospective consacrée à la Maison Worth. L’exposition retrace l’évolution stylistique de ses créations et révèle au public les transformations profondes de l’art vestimentaire aux XIXᵉ et XXᵉ siècles.
© Stanislas Wolff
Des somptueuses crinolines du Second Empire aux silhouettes magnifiques de la Belle Époque, jusqu’aux lignes épurées des Années folles, le parcours dévoile un siècle d’audace. Fondée en 1858 par Worth – ancien vendeur de tissus chez Gagelin – et son associé suédois Otto Gustav Bobergh, la Maison s’installa au 7 rue de la Paix (Paris 2ᵉ). Ils la dirigèrent comme une véritable manufacture, grâce au sens pratique de Marie Vernet Worth, épouse du créateur et mère de ses deux fils, Gaston et Jean-Philippe. Elle parcourut le monde pour négocier des contrats avec les clientes les plus prestigieuses.
Worth fut le premier couturier à signer ses œuvres et à revendiquer le statut d’artiste. Il innova aussi en lançant les défilés avec mannequins vivants. Mousseline, satin, taffetas et, le plus souvent, soie : ces matières incarnent l’élégance et le raffinement de ses tenues uniques. Découvert par la princesse Metternich (épouse de l’ambassadeur d’Autriche), il devint rapidement l’habilleur des têtes couronnées. La reconnaissance impériale et l’effervescence du Second Empire furent les piliers du succès de Worth & Bobergh.
L’héritage en lumière
Déjà 100 000 visiteurs ont admiré ces robes de rêve, exposées sur 1 100 m². Les 400 pièces sélectionnées témoignent du talent et du savoir-faire unique des milliers d’ouvriers qui animaient les six étages de la célèbre maison. L’exposition souligne aussi l’impact mondial de Worth : sa griffe propulsa Paris au rang de capitale mondiale de la mode.
Après la disparition du maître en 1885, ses fils prirent la relève : Gaston à l’administration, et Jean-Philippe – héritier du génie créatif paternel – à la direction artistique. Si l’effervescence de la rue de la Paix culmina sous Paul Poiret (créateur attitré des impératrices Sissi et Eugénie, inventeur de la robe « style princesse » sans couture à la taille), les héritiers de Worth surent embrasser la modernité. Ils lancèrent notamment le fameux parfum « Je Reviens » (1932), dont le parfum a été restitué pour l’occasion grâce à l’Osmothèque, conservatoire international des fragrances.
Commissariée par Annick Lemoine (conservatrice en chef du patrimoine et directrice du Petit Palais) et Miren Arzalluz (directrice du Palais Galliera), cette exposition-événement célèbre l’éternel retour d’un mythe.
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Djenana Djana Mujadzic
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