Simone – Le voyage du siècle, le biopic très attendu d’Olivier Dahan, rend un vibrant hommage à Simone Veil
Dans la clameur de voix d’enfants jouant au bord de la mer, une fillette se démarque du joyeux petit groupe. À la tombée de la nuit, on la retrouve avec sa maman qui l’invite à arrêter sa lecture pour dormir. Simone, Le voyage du siècle, d’Olivier Dahan, relate l’incroyable destinée de Simone Veil, illustrant son enfance insouciante sur la Côte d’Azur, l’émulation intellectuelle qui régnait dans sa famille juive non pratiquante, rappelant ses multiples combats politiques ainsi qu’un chapitre beaucoup plus tragique de sa jeunesse, un chapitre qu’elle a tu pendant des décennies. Par le prisme de ses engagements, Olivier Dahan souligne avec quelle pugnacité et avec quelle combattivité Simone Veil a poursuivi, vaillante, imperturbable, la défense des causes qui lui importaient, solide tel un roc face à des voix contraires et à des critiques issus des milieux conservateurs. La dernière réalisation d’Olivier Dahan à qui l’on doit, entre autres, les biopics La Môme (2007) et Grace de Monaco (2014), offre un hommage cinématographique très attendu à cette personnalité qui a marqué l’histoire de la France moderne.
Il retrace la vie de Simone Veil, en alternant les instants d’une enfance heureuse, puis d’une adolescence emplie de projets, mais fauchée par l’adversité, déportée à Auschwitz à l’âge de seize ans pendant la Shoah, avec des moments de réminiscence de la femme âgée qui se penche sur ses souvenirs pour écrire ses mémoires. Olivier Dahan rappelle le chemin semé d’embûches parcouru par Simone Veil qui, après la guerre, réussit brillamment ses études de droit, se marie et devient magistrate puis haut-fonctionnaire et enfin ministre de la Santé sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Voilà cinq ans que Simone Veil que nous a quittés. Cet hommage est donc le bienvenu pour souligner l’apport immense des actions et des combats qu’a menés cette femme résiliente, rescapée des camps d’Auschwitz.
Olivier Dahan met autant l’accent sur la femme de convictions et aux engagements politiques marqués que sur la facette plus personnelle et intime de sa vie. Si tout un chacun se rappelle de celle qui deviendra célèbre pour la « Loi Veil », votée en 1974, qui dépénalise le recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), d’aucun découvriront que le film d’Olivier Dahan retrace avec justesse la vision d’européaniste convaincue de Simone Veil ainsi que son engagement inébranlable pour une meilleure salubrité dans les prisons françaises. Olivier Dahan développe un pan oublié de l’action de Simone Veil quand elle a pris fait et cause pour les prisonniers algériens dans les geôles de l’Algérie française, se rendant en Algérie pour rencontrer des militantes du FNL incarcérées ; cette femme qui avait connu la déportation et les camps de concentration a découvert les conditions de détention ignobles et la torture pratiquée en Algérie par l’arme française. À son retour en France, elle a aussitôt dénoncé ce qui se passait en Algérie auprès du gouvernement.
Élue première présidente du Parlement européen, entre 1979 et Serge 1982, Simone Weil pourra poursuivre ses combats sur l’agora européenne. Elle fera plus tard partie du Conseil constitutionnel, puis de l’Académie française. Le film brosse avec minutie le portrait épique et intime de cette femme au parcours hors du commun qui a marqué son époque en bousculant la société bien-pensante et le patriarcat. Pour incarner les nombreux messages humanistes portés par Simone Weil, qui demeurent toujours actuels, Olivier Dahan a misé sur une distribution de choix : Rebecca Marder, qui interprète Simone Veil jeune, et Elsa Zylberstein, dont le jeu est remarquable et qui incarne Simone Veil plus âgée. Mentionnons Élodie Bouchez qui incarne Yvonne Jacob, Mathieu Spinosi qui incarne Antoine Veil jeune, interprété par Olivier Gourmet pour la version plus âgée, Judith Chemla qui incarne la sœur de Simone, Milou Jacob, Gilles Lellouche qui donne vie à Serge Klarsfeld, Sylvie Testud qui interprète Marcelline Rozenberg et Laurence Côte qui incarne Ginette Cherkasky, parmi tant d’autres actrices et acteurs, tous formidables, d’une justesse bouleversante.
Le cinéaste a choisi de développer le chapitre qui concerne la déportation de Simone Veil et des camps de concentration, livrant quelques scènes qui s’avèrent parfois insoutenables et qui nous rappellent de plein fouet la violence de ce qu’elle a vécu comme tant d’autres. Les journalistes familiers de la biographie et du parcours de Simone Veil ont toutes et tous apprécié l’hommage rendu à Simone Veil par Olivier Dahan mais pour les personnes qui ignorent tout de ses actions, il est recommandable de connaître un minimum son histoire pour apprécier à sa juste valeur ce film. Le choix formel pour lequel a opté Olivier Dahan avec les retours dans le passé incessants sur les différents moments de la vie et le présent de la femme âgée qui se souvient est susceptible de semer la confusion.
Après plusieurs reports successifs depuis 2020, Simone, Le voyage du siècle sort sur les écrans romands le 12 octobre 2022.
Firouz E. Pillet
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