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Sorry, Baby: premier film d’Eva Victor, invite à une expérience cinématographique intime, emplie de réflexions profondes, de résilience et de personnages subtils

Présenté en clôture de la Quinzaine des Cinéastes à Cannes 2025, Sorry, Baby a connu son avant-première mondiale au Festival de Sundance en janvier, où il a reçu un accueil tonitruant. Porté par l’Américaine née à Paris Eva Victor – révélée sur Twitter grâce à ses vidéos humoristiques devenues virales –, ce premier long métrage signe l’éclosion d’un talent majeur du cinéma indépendant.

— Eva Victor – Sorry, Baby
Image courtoisie Filmcoopi Zurich

À 31 ans, l’autrice-réalisatrice, déjà connue pour son rôle dans la série Billions (2020-2023) et sa série Eva vs. Anxiety (2019), livre une œuvre personnelle où elle incarne aussi le rôle principal. Le film plonge le public dans la vie d’Agnes, doctorante dont l’existence bascule après un rendez-vous tardif avec son directeur de thèse, Preston Decker (Louis Cancelmi). Alors que le monde poursuit sa course, son amitié indéfectible avec Lydie (Naomi Ackie) devient une bouée salvatrice. Entre rires et silences, ce lien unique lui permet d’entrevoir l’avenir… jusqu’au jour où le mariage et la grossesse de Lydie la confrontent à son traumatisme occulté.

Inspiré par l’expérience personnelle de la cinéaste – qui a traversé une crise similaire à celle de son héroïne –, Sorry, Baby explore avec une originalité remarquable les thèmes de la reconstruction et de la résilience post-agression. Eva Victor y mêle avec audace introspection, humour et émotions brutes, évitant tout misérabilisme. « Un film que j’aurais aimé voir quand j’ai vécu cette épreuve », confie-t-elle. L’humour, déconcertant de prime abord, s’impose comme un rempart vital et un choix artistique assumé.

La sororité est au cœur du récit. La relation entre Agnes et Lydie, portée par une bienveillance palpable, illustre comment l’amitié donne la force de surmonter un traumatisme. Cette sororité sincère, où chacune s’oublie pour l’autre, constitue la colonne vertébrale du film.

Épaulée par la réalisatrice Jane Schoenbrun (I Saw the TV Glow, 2024) et produite notamment par l’Oscarisé Barry Jenkins (Moonlight), Eva Victor signe une mise en scène sobre et puissante. Sa direction d’acteur·ices livre des performances d’une intensité poignante, notamment dans les scènes les plus éprouvantes. La finesse de son écriture rappelle l’introspection des personnages de Krzysztof Kieślowski (Trois Couleurs, 1993-1994), Christian Petzold (Phoenix, 2014) ou Wong Kar-wai (In the Mood for Love, 2000), qu’elle admire.

Avec une honnêteté touchante, la cinéaste sonde ses propres blessures pour dépeindre l’impact métaphysique d’un viol. Les combats d’Agnes – entre fragilité et résistance – sont rendus avec un réalisme épuré qui amplifie leur portée. Qu’elle enseigne à ses étudiant·es ou explique à une juge son inaptitude à siéger comme jurée, chaque scène révèle sa quête de grâce dans l’ordinaire.

Ce drame subtil, évitant tout cliché par son traitement nuancé de sujets ardus, impressionne par sa maîtrise. Une œuvre pleine de tact et compassionnelle, tel un journal intime de reconquête personnelle, qui consacre Eva Victor comme une voix prometteuse du cinéma contemporain.

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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