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Une femme indonésienne (Before, Now & Then) de Kamila Andini – La métaphore du chignon

Présenté en compétition à la Berlinale 2022, le quatrième film de la scénariste et réalisatrice indonésienne Kamila Andini a remporté l’Ours d’argent de la meilleure performance dans un second rôle pour Laura Basuki. Une femme indonésienne est basé sur l’histoire de la mère de sa productrice exécutive, Jais Darga. Le titre international permet de poser le fil narratif sur une frise chronologique : le prélude (Before), une longue scène d’ouverture où l’on suit deux jeunes femmes, Nana avec son bébé et sa sœur Ninsingh, fuyant dans la forêt. Des hommes armés – soldats, rebelles ?, nous sommes dans les années 50 aux premières heures tourmentées de l’indépendance du pays où la violence vient de tous les camps – les poursuivent : ils ont tué leur père et le mari de Nana est porté disparu. Comme au réveil d’un rêve, on se retrouve dans un autre espace et un autre temps – Now, le présent qui est le cœur du film, est celui de la fin des années 60. Nana (Happy Salma) est mariée à un riche propriétaire terrien, Monsieur Darga (Arswendy Bening Swara), plus âgé qu’elle, elle est la maîtresse évanescente du domaine et la mère de quatre enfants, son premier enfant étant décédé. La vie semble glisser sur cette femme qui maintient le monde des apparences – celles que l’on attend d’une femme de son rang, qui plus est mal acceptée par la famille et les allié·s de son époux qui la considèrent comme une arriviste. Méticuleuse, elle semble mettre beaucoup de son âme dans la confection de bouquet et celui de son chignon qui, comme elle l’explique à sa fille cadette Dais, renferme ses secrets. Coincée entre son traumatisme du passé et sa vie corsetée du présent, Nana va trouver une voie d’émancipation pour le moins inattendue : l’amitié qu’elle va nouer avec Ina (Laura Basuki), la jeune maîtresse se son mari qui amène un vent de fraîcheur et de liberté dans cet univers sclérosé.

— Happy Salma et Laura Basuki – Une femme indonésienne (Before, Now & Then)
© trigon-film.org

Kamila Andini ne laisse rien au hasard dans son travail de réalisation, le travail sur la reconstitution des décors, des costumes, le design sonore ainsi que la musique originale composée par Ricky Lionardi qui accompagne de manière soutenue le fil narratif sont maîtrisés de bout en bout, tout comme la direction des actrices et acteurs et la cinématographie léchée. La complexité narrative que veut introduire la cinéaste est le seul point faible de son travail d’écriture, il est dommage qu’elle ne se soit pas aventurée plus avant dans l’interstice qui floute les lignes de la réalité et la fantasmagorie. Cependant, on lui sait gré d’avoir poussé son mélodrame à l’opposé de ce que le cinéma propose habituellement : échapper à la rivalité programmée entre deux femmes pour en faire des alliées qui vont ouvrir le chemin à l’avenir, Then, une séquence très courte, mais émouvante où Nana retrouve sa fille Dais, des années après.

Film (presque trop) impeccable dans sa facture et sa composition, auquel il manque un peu d’aspérité pour retenir l’attention en continu de ses 103 minutes, Une femme indonésienne lève le voile sur un pan historique méconnu dans nos contrées et révèle au grand public de d’excellent·es commedien·nes ainsi qu’une jeune cinéaste à suivre.

De Kamila Andini; avec Happy Salma, Laura Basuki, Arswendy Bening Swara, Ibnu Jamil, Rieke Diah Pitaloka, Chempa Puteri, Arawinda Kirana; Indonésie ; 2022 ; 103 minutes.

Sur les écrans romands le 28 décembre 2022.

Malik Berkati

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