Au TKM, Les fourberies de Scapin sont délicieusement servies par les facéties d’Omar Porras
Voilà quatre-cents que naissait Jean-Baptiste Poquelin : pour célébrer Molière et son art, Omar Porras recrée un de ses immenses succès, Les Fourberies de Scapin.
Montée en 2009 au Théâtre de Carouge (coproducteur), à Genève, avec allégresse, dans une mise en scène emplie de vivacité et d’enthousiasme dans sa première version, cette farce inspire toujours autant Omar Porras qui y apporte de savoureux clins d’œil et de délicieuses innovations dans la version de 2022. À commencer par un juke-box dont les néons aux couleurs fluo s’allument par intermittence pour accompagner les chansons qu’entonnent les comédiens, révèle une enivrante bande-son signée Erick Bongcam et Omar Porras, avec la collaboration de Christophe Fossemalle.
En l’absence de leurs père et mère partis en voyage, Octave, fils d’Argante, et Léandre (Karl Eberhard), fils de Mme Géronte (Olivia Dalric), se sont épris l’un de Hyacinte qu’il vient secrètement d’épouser, le second de Zerbinette, une jeune esclave égyptienne. Au retour d’Argante (Peggy Dias), Octave, inquiet de ce que sera la réaction de son père à l’annonce de son union avec Hyacinte, et à court d’argent, implore le secours de Scapin, valet de Léandre.
Après avoir composé des grandes comédies classiques, des comédies-ballets et même une tragédie-ballet, Molière revient avec cette farce qui traverse les siècles et les époques sans prendre une ride. Il y aborde avec audace des thèmes qu’il affectionne tels le mariage d’amour contre le mariage arrangé, osant une critique de la noblesse – Géronte est montré comme un idiot qui se laisse tromper très facilement – et fait l’éloge de la ruse avec le truculent et ingénieux Scapin, merveilleusement servi par Laurent Natrella, ex-sociétaire de la Comédie-Française, qui interpelle avec malice le public dans un jeu interactif et ludique.
Avec Les fourberies de Scapin, Molière se délecte à pointer les travers de son époque en empruntant tous les codes de la commedia dell’arte comme les coups de bâton, les quiproquos de situation et la duperie, si bien incarnée par Scapin.
Omar Porras a tellement lu Molière qu’il en connaît tous les ressorts de ses œuvres. Celui qui a fondé le Teatro Malandro, et qui dirige le Théâtre Kléber-Méleau depuis 2015, raffole tant de Molière qu’il l’a mis en scène par trois fois : avec El Don Juan, Les Fourberies de Scapin et Amour et Psyché.
Pour ces Fourberies version 2022, Omar Porras, assisté par Marie Robert, signe une mise en scène jubilatoire dans une explosion de couleurs et de notes musicales alors que les comédiennes et les comédiens poussent la chansonnette dans un décalage enchanteur pour le plus grand ravissement du public. Les huit comédien.nes, dont la complicité est tangible, transmettent une énergie et un enthousiasme communicatifs. Omar Porras et un homme de troupe, preuve en est la cohésion entre ses comédiens.
Le démiurge Omar Porras, dans une scénographie signée par son frère Fredy Porras, ravit ses inconditionnels spectateurs avec sa signature : les masques et le jeu des genres. Mêlant avec harmonie le théâtre d’art, en développant un style décalé et explosif, et le théâtre populaire festif et joyeux, Omar Porras insuffle une incroyable vitalité aux répliques de Molière.
Essaimant un délicieux vent de folie au TKM depuis le 27 septembre, Les fourberies de Scapin sont à savourer jusqu’au 23 octobre 2022.
Alacrité, éclats de rire et vitalité sont au rendez-vous !
Le Teatro Malandro partira ensuite en tournée en France avec Les Fourberies de Scapin.
Firouz E. Pillet
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