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Bergers de Sophie Deraspe : un récit d’apprentissage entre pastoralisme et transhumance. Rencontre

En adaptant librement le récit autobiographique de Mathyas Lefebure pour le grand écran, prix du meilleur film canadien au dernier Festival de Toronto, la cinéaste québécoise met en lumière la rudesse de la vie pastorale et les difficultés de l’élevage ovin.

Bergers de Sophie Deraspe
Image courtoisie Agora Films

Las de l’univers de la publicité et du rythme trépidant du mode de vie urbain, Mathyas (Félix-Antoine Duval), jeune trentenaire, Montréalais féru de philosophie à ses heures perdues, a décidé, sans crier gare, de tout laisser derrière lui afin de devenir berger en Provence. À peine arrivé à Arles où il cherche un poste d’apprenti berger, il s’éprend d’Élise (Solène Rigot), fonctionnaire française rencontrée au cours de ses péripéties administratives et entretient avec elle une correspondance afin de lui raconter son initiation à la vie pastorale. Embauché par les Tellier (Véronique Ruggia Saura et Bruno Raffaelli), qui croulent sous les problèmes financiers, il apprend à la dure le métier avec Ahmed (Michel Benizri), qui déteste les moutons, mis à part dans son assiette, et qui veut lui inculquer des méthodes guère orthodoxes qui sont indubitablement maltraitantes.

Témoin de la violence faite aux animaux chez les Tellier, dans une scène qui secouera émotionnellement le public, l’apprenti berger quitte son emploi sur un coup de tête. La réalisatrice ne craint pas de dépeindre certaines réalités bien éloignées de l’image d’Épinal et qui questionnent d’emblée l’éthique. Peu de temps après, Mathyas et Élise, qui a également quitté ses fonctions, sont embauchés par Cécile Espriroux (Guilaine Londez), fière bergère prospère, qui cherchait un couple afin d’effectuer la transhumance d’un troupeau de 800 moutons dans les Alpes. Le soleil du Midi, les verts pâturages, les cimes des Alpes, tous les paysages sont mis en beauté par la photographie lumineuse de Vincent Gonneville complétée par la musique signée Philippe Brault qui vient se mêler en parfaite symbiose aux décors. Le récit, fait de vues et de silences plus loquaces que les mots, est soutenu par la direction artistique d’André-Line Beauparlant, le montage de Stéphane Lafleur.

Si elle est moins connue par le public européen, Sophie Deraspe affiche un impressionnant parcours, tant au cinéma – Le profil Amina (2015), Antigone (2019) – qu’à la télévision – Bête noire (depuis 2021), Motel Paradis (2022). Cumulant les casquettes de réalisatrice, directrice de la photographie, scénariste et productrice, la Québécoise a depuis longtemps confirmé l’étendue de son talent. Écrit avec la collaboration de Mathyas Lefebure, l’auteur du récit d’autofiction D’où viens-tu, berger ? (Leméac, 2006), dans un passage de flambeau et une écriture en deux temps et non à quatre mains, le sixième long métrage de Sophie Deraspe restitue avec justesse la beauté picturale des paysages avec la rude réalité des conditions d’élevage. À l’instar de l’auteur, la réalisatrice révèle sur grand écran un univers méconnu, entre pastoralisme et transhumance, soumis aux aléas météorologiques, sans occulter la lassitude des éleveurs, peu soutenus et qui, parfois, arrivent à commettre des ignominies.

Rendant un puissant et vibrant hommage à un métier méconnu, malmené et menacé, Sophie Deraspe signe avec Bergers une fable pastorale qui, comme tous les contes, a sa part de rêves et sa part de noirceur.

Venue à Genève avec son comédien principal, la réalisatrice nous a parlé de son dernier film, de la distribution du film, du travail avec les animaux, des imprévus sur le tournage. Rencontre:

 

Entretien avec Félix-Antoine Duval:

 

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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