Berlinale 2022 – Une 72e édition coûte que coûte du 10 au 20 février 2022
Alors que Berlin attend son pic pandémique Omicron à la mi-février, la Berlinale déroule coûte que coûte son tapis rouge sur la Potsdamer Platz. C’est que l’enjeu est important : en 2021, le festival de Cannes et celui de Venise ont pu se dérouler (presque) normalement tandis que Berlin avait dû se reporter sur une version hybride – en mars en ligne pour la presse et l’industrie et en juin pour le public. Résultat, les noms les plus renommés de l’industrie s’étaient présentés à ces deux festivals et Berlin, si le festival avait dû encore une fois passer en ligne ou être annulé, il aurait perdu du terrain face à ses deux plus grands rivaux dans le circuit des festivals. La Berlinale a donc bien lieu, dans des conditions draconiennes qui pèsent sur l’atmosphère festivalière. D’ailleurs les stars l’ont anticipé : très peu de venues et surtout, un seul film étasunien en compétition, Call Jane de Phyllis Nagy avec Elizabeth Banks et Sigourney Weaver ! En revanche, la présence du cinéma suisse est cette année exceptionnelle ; une belle et exotique (oui, la Suisse est un peu exotique dans le monde du cinéma) compensation !
Carlo Chatrian, directeur artistique du festival, a indiqué lors de la présentation du programme que 50 pour cent des films sélectionnés traitent du thème de la famille. Probablement un effet miroir cinématographique de ce que nous vivons depuis deux ans de pandémie, avec une caméra tournée vers l’intérieur, vers la cellule sociale dans laquelle nous nous sommes confiné·es plutôt que vers le vaste monde. Cette perspective axée sur l’intime n’empêche cependant pas les cinéastes de porter un regard sur des sujets qui traversent les particularismes et font écho aux questions contemporaines globales.
Dans la proposition de cette 72e édition, il est également question de famille Berlinale : douze cinéastes parmi les dix-huit films de la compétition – dont sept réalisés par des femmes – ont déjà été présent·es à la Berlinale, cinq d’entre eux et elles ayant remporté un Ours d’or ou d’argent. En habitué du festival, où il a remporté trois prix dont le Grand prix du jury en 2019 pour Grâce à Dieu, François Ozon ouvre la Berlinale avec Peter von Kant, inspiré par Les larmes amères de Petra von Kant de Rainer Werner Fassbinder (1972), auteur qu’il avait déjà adapté et présenté à Berlin en 2000 avec Gouttes d’eau sur pierres brûlantes.
La France à l’honneur
La France occupe une place de choix dans la compétition avec quatre films auxquels s’ajoutent cinq coproductions. C’est aussi ce pays qui amène les noms les plus connus du grand public comme Juliette Binoche, Vincent Lindon, Claire Denis, Charlotte Gainsbourg, Isabelle Adjani et Isabelle Huppert qui reçoit cette année l’Ours d’or pour l’ensemble de sa carrière. À cette occasion sept de ses films seront projetés, dont La dentelière de Claude Goretta (1977), ainsi que son dernier film, À propos de Joan de Laurent Larivière.
La section compétitive Encounters, introduite par Carlo Chatrian en 2020, prend de l’importance dans le dispositif festivalier avec une sélection de quinze films. Pour Chatrian, il s’agit d’ouvrir un espace « à de nouvelles visions cinématographiques ». Les deux premières années, les films présentés étaient essentiellement des premiers films, cette année des cinéastes plus établis se sont portés candidats, tels que Bertrand Bonello, Peter Strickland, Ruth Beckermann ou Gastón Solnicki, ce qui ravit Chatrian :
« Ces cinéastes, en acceptant notre invitation, nous aident à rendre cette section plus consistance. Leurs films contribuent à créer un champ très fort qui défie néanmoins toute définition rigide et exige beaucoup d’ouverture de la part du public. »
Une édition historique pour le cinéma suisse, avec deux films en compétition, deux film dans la section compétitive Encounters, pour un total de onze films toutes sections confondues
Compétition – La plus attendue est Ursula Meier qui avait reçu l’Ours d’argent – mention spéciale du jury pour L’Enfant d’en haut,film qui avait révélé l’acteur suisse Kacey Mottet Klein. La Ligne, tourné en Valais, met en scène Valeria Bruni Tedeschi et Stéphanie Blanchoud dans une relation mère-fille empreinte de violences.
Drii Winter du Lucernois Michael Koch, met en scène un couple qui vit dans un village reculé des Alpes suisses. Peu après leur mariage, leur amour est mis à rude épreuve ; Marco souffre d’une tumeur au cerveau et perd le contrôle de son comportement, ce qui rend ses relations avec la communauté villageoise et sa cohabitation avec Anna et sa fille difficile.
Encounters – Unrueh de Cyril Schäublin situe son film à la fin du 19e siècle, dans la région horlogère du Jura où les autorités et les gendarmes contrôlent les rythmes de production. Joséphine, jeune ouvrière, produit la roue de l’inertie, oscillant au cœur de la montre mécanique. Elle décide de rejoindre le mouvement où elle fait la connaissance de Piotr Kropotkin, un mystérieux voyageur russe.
À Vendredi, Robinson met en scène deux grands cinéastes, Jean-Luc Godard et son collègue iranien Ebrahim Golestan. Chaque vendredi, Golestan écrit à Godard depuis Londres et lui envoie un nouvel aphorisme, une citation, une image, un collage. Le vendredi suivant, la réponse de Godard arrive en mots et en images depuis la Suisse. Comme deux Robinson Crusoe, chacun sur son île-univers, ils attendent chaque vendredi un message…
Restructuration de taille pour cette édition 2022 otage d’Omicron : les prix seront remis le 16 février déjà pour permettre au public, toujours très nombreux à Berlin, de pouvoir profiter des films jusqu’au 20 février sans les professionnels qui occupent une partie des jauges.
Comme pour tous les grands festivals, vous pourrez retrouver dans nos pages, chaque jour, des articles et interviews en français et en allemand de notre équipe sur place.
Malik Berkati, Berlin
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