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Buffalo Kids : un film d’animation espagnol qui raconte le Far West et prône la tolérance, la solidarité et l’inclusion

Réalisé par Juan Jesus Garcia Galocha et Pedro Solis Garcia, Buffalo Kids a été présenté lors de l’édition 2024 du Festival international du film d’animation d’Annecy, dans la catégorie Annecy présente et propose au jeune public une initiation captivante au western en racontant l’histoire de Nick, un garçon atteint de paralysie cérébrale qui rêve de devenir cow-boy.

Buffalo Kids de Juan Jesus Garcia Galocha et Pedro Solis Garcia
© 4 Cats Pictures S.L.U

Au début du XXème siècle, deux orphelins irlandais, Mary et Tom, traversent les États-Unis à la recherche de leur oncle paternel, la seule famille qui leur reste. Mais à leur arrivée à New-York, leur oncle ne les attend pas au débarcadère, ce qui les oblige à partir à sa recherche. Sur le quai, un chien errant les prend en affection et ne les quittera plus : les enfants baptisent ce joli bichon maltais Sparks. Le frère et la sœur vont donc devoir se débrouiller seuls. Après avoir vainement tenté de gagner quelque argent – John jouant du violon et Mary dansant en faisant des claquettes – ils tentent d’acheter deux billets de train pour Sacramento où vit leur oncle. Mais la somme récoltée ne paie même pas un seul billet. Les enfants n’ont d’autre solution que de prendre le train en resquillant. L’occasion leur est donnée de se fondre parmi un groupe d’orphelins et leurs accompagnateurs. Parmi eux se trouve Nick, un enfant en fauteuil roulant. Il ne peut ni parler, ni bouger et ne s’exprime que par les yeux. Ce qui n’empêche pas Mary, fillette vive, spontanée et généreuse, de décider de le faire participer à leurs jeux. L’insouciance règne mais leur voyage à travers le Far West s’annonce semé d’embûches. Des bandits leur donneront maille à partir cependant les Cheyennes veillent …

Durant ce roadtrip ferroviaire, pour protéger sa petite sœur, Tom se doit d’adopter un comportement plus adulte, même s’il est évident qu’il n’est pas tout à fait prêt pour ce rôle trop lourd pour lui.

Buffalo Kids se révèle une pure merveille d’animation qui mêle habilement aventure et solidarité, paysages grandioses et couleurs éclatantes, personnages attachants et hymne à la tolérance. Pour son premier long métrage, Pedro Solís García adapte l’histoire de ses courts-métrages La bruxa (2010) et Cuerdas (2013), multi-primé et devenu un succès viral – 100 millions de vues sur YouTube ! – en un ambitieux film d’aventure animé pour lequel il s’est associé à Juan Jesús García Galocha, Javier Barreira et Jordi Gasull, respectivement réalisateur et scénaristes de Momias (Sacrées Momies, 2023) et des deux premiers volets de la saga Tadeo Jones, deux des plus grands succès commerciaux du secteur de l’animation espagnol de ces dernières années.

S’inspirant de sa vie personnelle, le réalisateur Pedro Solís García avec Cuerdas avait souhaité faire un film en l’honneur de son fils Nico. Soutenu par un scénario enlevé, Buffalo Kids est porté par dialogues sincères et des dessins ronds et bigarrés qui posent un regard sensible sur le handicap et le droit à la différence, placés à hauteur d’enfant. Pedro Solís poursuit sa création en puissant dans sa vie avec des personnages tous inspirés de ses propres enfants, qui ont fait leurs débuts à l’écran dans le court métrage. Dans le générique de fin, le réalisateur rend hommage au jeune Nico Solis, disparu en 2021.

Avec Buffalo Kids, Pedro Solis propose de réécrire le Far West dans une version accessible aux enfants et inclusive pour les personnes handicapées qui plaira autant aux enfants qu’aux adultes, le propos n’étant jamais infantilisant ni simplifié. Nick et Mary, désormais américanisés, affronteront, avec l’aide des Cheyennes qui, grâce à leur sagesse légendaire, s’allient à la cavalerie fédérale, un bandit redoutable et exploiteur, avide d’or. Ce bandit à la tête d’une horde de malfrats fait songer aux méchants de la bande dessinée Lucky Luke avec sa silhouette longiligne et mince. Coiffé d’un chapeau à larges bords reconnaissable entre mille, mais il semble tout autant le portrait craché du légendaire John Carradine dans La Chevauchée fantastique (1939) de John Ford. Bref, les clins d’œil sont nombreux et régaleront les adultes qui accompagnent les enfants.

Le bichon maltais, qui devient un appui plein de ressources pour les deux enfants face à l’adversité dans est une réplique du chien des autres enfants de Pedro Solis. En outre, Jordi Gasull a réellement eu un accident de voiture avec un bison, brisant le nez de son plus jeune fils. Mais son aîné, lui, a été à la rencontre du bison en train de mourir et l’a touché : une scène représentée de manière onirique quand Nick perd connaissance après s’être élancé avec sa chaise roulante pour contrecarrer le chef des bandits. Le bison, en animal totem, est représenté à la fois puissant et protecteur, impressionnant et bienveillant.

Producteur et scénariste de Buffalo Kids, Jordi Gasull a emprunté la même route en voiture que celle sillonnée par les personnages du film. Au cours de son périple, il est ainsi passé par les lieux de naissance de figures importantes de l’histoire du septième art, comme John Wayne ou Walt Disney, mais il a aussi rencontré les chefs du Conseil des Nations Cheyennes à Lame Deer, dans le Montana, ce qui a certainement induit le souci de réalisme qui transparaît tout au long du récit.

Ce quatuor aussi hétéroclite que créatif entraîne le public dans un monde coloré façon western avec cow-boys, Indiens, terribles méchants et gentils au grand cœur, dans une sorte de chasse au trésor dématérialisée, portée par les valeurs à la fois sociales et familiales de solidarité, d’entraide, de tolérance, de courage et de dépassement de soi. Les péripéties et les rebondissements s’enchaînent dans un rythme soutenu, mais sans frénésie. Les expressions des personnages sont parfaitement rendues grâce à un graphisme précis. Les visages ronds, éclairés de grands yeux rieurs de nos trois jeunes héros, accroissent l’expressivité des émotions et participent activement à répandre bonne humeur, la fougue et l’entrain des jeunes protagonistes même dans les moments les plus sombres.

Buffalo Kids de Juan Jesus Garcia Galocha et Pedro Solis Garcia
© 4 Cats Pictures S.L.U

Au cours de leur épopée, quand les personnages principaux du film croisent la route des Cheyennes, et afin de coller au plus près à la réalité de cette nation amérindienne à la fin du XIXe siècle, des acteurs cheyennes ont été impliqués dans le doublage de Buffalo Kids et des musiciens cheyennes ont participé à certaines séquences musicales.

Tout au long de cette épopée, on apprécie la beauté de paysages aux couleurs chaudes, évocatrices des grands espaces traversés par le premier chemin de fer américain. Le périple est accompagné par la musique de Fernando Velasquez, composée de sons celtiques et folkloriques qui rappellent que John et Mary ont quitté leur Irlande natale.

Buffalo Kids a connu une conception plutôt particulière puisque le film a été entièrement fabriqué en télétravail en raison de la pandémie de Covid-19 et a nécessité un labeur de longue haleine, près de trois ans. Le film a eu un grand succès au box-office lors de sa sortie en Espagne, figurant en bonne place pour les Goyas.

Le film sort sur les écrans romands ce mercredi, sortie idéale un jour de pluie.

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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