Fly Me to the Moon, de Greg Berlanti, replonge le public dans la course à l’espace dans le contexte de la Guerre froide
Le cinéaste américain revisite un moment historique du XXème siècle en mêlant drame historique, comédie romantique et thriller géopolitique, sur fond conspirationniste. Sur un scénario de Rose Gilroy, Greg Berlanti nous entraîne en Floride, à Cap Canaveral, à la fin des années soixante. Chargée de redorer l’image de la NASA auprès du public, l’étincelante Kelly Jones (Scarlett Johansson), aussi sculpturale qu’ingénieuse, y est engagée par Moe Berkus (Woody Harrelson), un énigmatique agent du gouvernement. Depuis la tragédie d’Apollo 1 le 27 janvier 1967 lors de laquelle trois astronautes périrent, l’image de la NASA auprès du peuple américain s’est ternie et la Maison-Blanche veut tout mettre en œuvre pour changer l’opinion publique en vue des préparatifs du lancement d’Apollo 11.
Kelly Jones dirige la commercialisation de l’alunissage d’Apollo 11 et aide à créer une simulation dudit alunissage au cas où le vrai échouerait. L’experte en marketing va perturber la tâche déjà complexe du directeur de la mission, Cole Davis (Channing Tatum), paniqué à chaque apparition aux côtés de la fusée en préparation d’un chat noir supposé placer la mission sous de mauvais auspices. Lorsque la Maison-Blanche estime que le projet est trop important pour échouer, Kelly Jones se voit confier la réalisation du plan B et comme elle a le bras long et un carnet d’adresses bien rempli, elle sollicite son ami Lance (Jim Rash), un réalisateur maniéré et facétieux, en mal de reconnaissance et prêt à relever le défi d’une telle supercherie. Le compte à rebours peut être alors vraiment lancé.
La finalité de ce lancement est connue de tout le monde : Apollo 11, avec pour équipage Aldrin, Neil A. Armstrong et Michael Collins, a été lancé en direction de la Lune le 16 juillet 1969. Quatre jours plus tard, l’alunissage de Neil Armstrong et de Buzz Aldrin découvrant la lune près du bord de Mare Tranquillitatis passionnait la planète entière. Tous les regards de la planète bleue étaient rivés sur leurs postes de télévision en noir et blanc pour suivre, dans une communion planétaire, la retransmission en direct de d’Apollo 11.
Certes, l’événement retracé dans Fly Me To The Moon s’inscrit dans le contexte tendu de la Guerre froide que se livrent L’URSS et les États-Unis mais Greg Berlanti a opté pour une comédie dramatique, légère et enjouée, qui raconte une version alternative et souvent satirique de la planification de la couverture médiatique du vol spatial historique Apollo 11. Le tandem formé par Scarlett Johansson et Channing Tatum, épineux dans un premier temps, puis, au fil des scènes, de plus en plus osmotique, permet au cinéaste de ponctuer son récit de scènes cocasses, savoureuses, parfois truculentes. La rencontre entre le placide directeur du lancement de la NASA, interprété par un Channing Tatum au visage impassible, une statue de cire et la chargée de marketing, menteuse patentée, délicieusement effrontée et rusée à bon escient, ne peut que ravir le public en suscitant fous rires et éclats de rire. Il s’agit de retrouvailles pour le duo d’acteurs : si Scarlett Johansson et Channing Tatum étaient tous deux à l’affiche du film Ave, César ! (Hail, Caesar !) des frères Coen en 2016, ils n’avaient encore jamais partagé de scènes ensemble.
Outre la romance amenée judicieusement au cours du récit, Greg Berlanti imprègne son film des éléments liés à l’ambition et aux avancées aérospatiales. Puisant dans la grande histoire, il nous en sert avec malice une version parallèle, déformant les faits pour suggérer un nouvel ensemble d’enjeux pour cette opération rigoureusement préparée. Le film fait songer à un livre pop-up qui contient plusieurs pistes narratives dans la même séquence et que le réalisateur manie avec dextérité tel un prestidigitateur. Le tout est soutenu, voire enrobé tels des bonbons acidulés qui explosent bouche en suscitant surprise et contentement, par une excellente bande-son qui distille tout au long de l’histoire les meilleurs tubes des sixties : citons Slip Away de Clarence Carter, Moon River d’Aretha Franklin, Security d’Etta James, Sweet Soul Music d’Arthur Conley, These Foolish Things de Sam Cooke, Big Bird d’Eddie Floyd, Hold On I’m Coming de Chuck Jackson & Maxine Brown ou encore Fly Me To The Moon de Bobby Womack, en autres. Bref, une bande-son qui vous restera en tête après la projection et vous rappellera vos meilleurs vinyles !
Depuis cinq décennies, les rumeurs vont bon train au sujet de cet exploit américain qui a coiffé au poteau les Soviétiques et d’une éventuelle mise en scène de l’alunissage d’Apollo 11. S’inspirant des théories aussi nombreuses que rocambolesques, comme un canular lunaire – le fameux « moon hoax » qui alimenta le climat de défiance de la part de la population vis-à-vis des institutions, le cinéaste s’amuse à faire flotter au vent le drapeau américain alors qu’il n’y a pas d’air à la surface de la lune, ou ose faire surgir sur le sol du satellite terrestre le chat noir qui angoisse Cole Davis tout au long du film.
Le public décidera si Fly Me To The Moon est ou n’est pas entièrement basé sur une histoire véridique. Cependant, le scénario s’inspirant fortement d’événements historiques, ce long métrage, servi par l’excellent jeu des comédien.ne.s, permet de passer un moment divertissant. Officiellement, il n’existe aucune preuve que la NASA ait planifié ou organisé un faux alunissage. D’ailleurs, l’organisation nie avec véhémence les théories selon lesquelles l’alunissage était faux. Les sceptiques insistent toujours sur le fait qu’il s’agit d’une mise en scène, soit par Stanley Kubrick, soit par quelqu’un d’autre (le réalisateur Lance dans cette version), à des fins publicitaires.
Le film sortant sur les écrans romands, on vous laissera en juger !
Firouz E. Pillet
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