Genève – Les Cinémas du Grütli proposent El Reino, le troisième long métrage de Rodrigo Sorogoyen, qui autopsie les divers scandales politiques en Espagne
Manuel López-Vidal (Antonio de la Torre) est un homme politique influent dans sa région. Alors qu’il doit entrer à la direction nationale de son parti, il se retrouve impliqué dans une affaire de corruption qui menace ses amis les plus proches. Pris au piège, il plonge dans un engrenage infernal…
Le film s’ouvre sur un homme, de dos, au téléphone, devant une plage. Puis, la caméra le suit au pas de course alors qu’il déambule dans des dédales avant de retrouver ses amis attablés dans un restaurant. Tout au long de cette séquence, une musique au rythme soutenu, qui semble marquer un compte-rebours, accompagne l’acteur et reviendra, de manière récurrente, tout au long du film.
Un an après avoir participé au Festival du film de Toronto avec son court métrage Madre, le réalisateur madrilène Rodrigo Sorogoyen est le premier de deux cinéastes espagnols à passer par la compétition canadienne avant de concourir pour la Concha de Pro de Saint-Sébastien. Ils’y est présenté avec El Reine (Le royaume), un film qui suscitera certainement la polémique en Espagne puisqu’il traite, sans concession, des divers scandales qui ont entaché tous les partis politiques ces dernières années.
Bien évidemment, le cinéaste a eu la sagesse ne pas mettre les partis politiques et les lieux aux situations dénoncées mais les allusions restent évidentes et le propos du réalisateur de dénoncer la corruption palpable. Il est vrai que ces nombreux scandales ont secoué l’Espagne et provoqué une plus grande discrépance entre politiciens et citoyens dans l’histoire de la démocratie ibérique.
Il s’agit du troisième long métrage de Rodrigo Sorogoyen qui s’affirme comme l’un des réalisateurs espagnols du moment. Ce film reprend le rythme du précédent, Que dios nos perdone (Que Dieu nous pardonne), dont il maintient cette tension constante. En même temps, ce style visuel rappelle Seven de David Fincher. Le contenu politique fait une référence fictive à la situation politique espagnole récente. En particulier, la corruption du PP (Parti populaire, Partido Popular) et les conséquences de sa découverte. Le style est celui d’un thriller extrêmement nerveux avec des personnages toujours au bord du désastre ou du fracas. Tout cela, après être devenu riche de toutes sortes de méthodes illégales. L’évolution du film est celle d’une évasion totale, en voyant les effets des actes accomplis par chaque protagoniste. Tout ce que le film représente est résumé dans la dernière séquence, un face à face entre le protagoniste, Manuel López-Vidal (Alberto de la Torre), le politicien corrompu qui, au risque d’être assassiné, a réussi à se procurer un carnet qui contient toutes les tractations financières et les pots-de-vins versés, qui impliquent les politiciens de tous bords, et la journaliste de télévision Amala Marin (Barbara Lennie), animatrice de l’émission de grande audience, « La voz del pueblo ». La journaliste, guidée par les directives qu’elle reçoit dans son oreillette, finira par ôter cette dernière au moment où le politicien lui fait remarquer que les chefs de son antenne sont impliqués dans le scandale et qu’elle va assister en direct à son suicide médiatique … Un véritable panier de crabes !
Il est audacieux d’oser traiter des scandales qui ont affecté les principaux partis politiques espagnols. Sorogoyen et sa co-auteur Isabel Peña le montrent dans une des scènes les plus inspirées du film : un client d’un bar paie dix euros au serveur et lui, sans le réaliser, retourne plus de quinze euros. En quelques secondes, il doit décider s’il est honnête et rend l’argent, ou s’il est malhonnête et garde le surplus. La réponse est évidente et donne le ton du film.
Un film qui peut paraître parfois bavard car les discussions, plus ou moins violentes, se succèdent mais on comprend l’intention du cinéaste qui a voulu montrer les tensions à mesure que les personnes impliquées et corrompues tombent.
Qui sait ? Peut-être aurons-nous bientôt droit à un film sur les Genfereien et Maudet ?
Firouz E. Pillet
© j:mag Tous droits réservés