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How to Have Sex, de Molly Manning Walker, livre un film puissant et provocateur sur le consentement sexuel en état d’ébriété

Récipiendaire du Prix Un Certain Regard au Festival de Cannes 2023, Molly Manning Walker signe son premier film, livrant de manière réaliste un drame captivant, troublant, puissant et magnifiquement interprété qui suscite questions et discussions. Afin de célébrer la fin du lycée, Tara (Mia McKenna-Bruce), Skye (Lara Peake) et Em (Enva Lewis) s’offrent leurs premières vacances entre copines dans une station méditerranéenne ultra-fréquentée et aux soirées branchées. Le trio compte bien enchaîner les fêtes, les cuites et les nuits blanches, en compagnie de voisins de chambre anglais rencontrés à leur arrivée. Parmi ceux-ci, Badger (Shaun Thomas) qui a immédiatement repéré la jaune Tara alors qu’elle se maquille sur le balcon de leur appartement et la drague en douceur. Parmi ses acolytes de fête, Paddy (Samuel Bottomley), son ami d’enfance, est plus direct et ne met aucune fioriture dans sa technique d’approche. Pour la jeune Tara, ce voyage de tous les excès a la saveur électrisante des premières fois : l’adolescente joue en toute inconscience avec les limites, allant jusqu’au vertige et à la perte totale de repères. Face au tourbillon virevoltant de l’euphorie collective, accentuée par une émulation provoquée par les « gentils animateurs » du club de vacances, est-elle vraiment libre d’accepter ou de refuser chaque expérience qui se présentera à elle ?

Mia McKenna-Bruce – How To Have Sex
Image courtoisie Praesens-Film AG

Dès le générique d’ouverture, sur l’écran noir où défilent des inscriptions, alors que l’on entend une voix d’hôtesse de l’air réciter d’une voix monocorde les remerciements d’usage aux passagers arrivés à bon port, Molly Manning Walker démontre avec brio son sens de la mise en scène qui accompagnera tout le récit. La cinéaste britannique pose un regard brut et sans filtre sur les réalités d’un melting-pot explosif composé des premières expériences à l’adolescence, de l’alcool, des excès en tous genres et des idées peu claires sur le consentement sexuel.

La question du consentement sexuel et des abus n’est pas nouvelle au cinéma : on songe immédiatement au très réussi film de Jonathan Kaplan, Les Accusés (1988), avec Jodie Foster qui livrait une incroyable interprétation. Pour son premier long métrage, Molly Manning Walker ose aborder cette délicate question des agressions sexuelles en dépeignant un univers festif réaliste, frais, passionné et remarquablement porteur d’énergie et d’exaltation. Suivant ces jeunes Britanniques venus s’amuser, s’enivrer sans limites, la cinéaste ne sombre jamais dans le didactisme facile, mais suscite, au fil des scènes, de multiples interrogations. À travers ce film de fête à l’énergie communicative, en particulier grâce à la bande-son, mais aussi extrêmement pertinent, Molly Manning Walker offre un portrait de la jeunesse contemporaine qui se joue des risques et s’amuse constamment à flirter avec les limites. À voir ces jeunes engloutir des litres d’alcool, à initier les jeunes filles à singer des fellations alors que les jeunes hommes leur font couler à flots des canettes de bières qu’ils tiennent en guise de pénis, le tout dans une hilarité et une frénésie collective orchestrée par les animateurs qui vocifèrent dans les micros au thème de ma musique techno, on se dit que les sages surprises-parties de nos parents et les booms de notre adolescence ont pris un sacré coup de vieux.

Molly Manning Walker montre avec subtilité, par touches progressives, à quel point les choses peuvent subtilement et brusquement mal tourner pour les jeunes femmes et à quel point il est essentiel d’avoir des ami.e.s qui vous soutiennent. Ce sera le cas de Tara qui pourra compter sur la bienveillance de Badger et sur le soutien infaillible de Skye quand celle-ci comprendra ce que Tata a subi. Mais les copines de fiesta ne sont pas toujours des amies : Em ne sera guère là pour elle si ce n’est pour solliciter des confidences sur des détails graveleux.

Tant par ses gestes, par ses actions comme par ses mots, Mia McKenna-Bruce est une actrice extraordinaire qui mérite que l’on suive avec attention sa carrière. Elle porte le film sur ses épaules et livre une remarquable interprétation, distillant un délicat mélange de vulnérabilité, d’inconscience, de fougue intempestive et de bravade impétueuse, laissant le public ressentir la douleur et le désarroi de Tara qui transmet ses doutes, ses pertes de repères puis sa clarté de vision.

Si, de prime abord, How To Have Sex propose une aventure effrénée, intense, presque sauvage et divertissante dans les abimes de la bière et autres breuvages alcoolisés, les moments de sobriété sont tout aussi importants qu’inconfortables, amenant la protagoniste à un progressif et douloureux éveil de conscience dans lequel Mia McKenna-Bruce confie des observations sur l’état liminal entre l’enfance et l’âge adulte. On sort de la projection secoué, ébranlé, en compassion avec Tara et souffrant avec elle de la terrible expérience qu’elle a vécue. On ne peut qu’admirer l’habileté de Molly Manning Walker à dépeindre les montagnes russes tant émotionnelles que physiques d’une jeunesse qui joue avec les extrêmes à travers cette fresque profondément et délibérément troublante sur la découverte du plaisir et de la liberté.

How to Have Sex regorge de questions délicates, voire difficiles et semble susceptible de provoquer conversations et débats. Le film de Molly Manning Walker propose des observations directes sur la consommation excessive d’alcool, sur l’éveil à la sexualité et ses circonstances, du consentement exprimé et du consentement interprété, les liens de l’amitié féminine, de la dégradation joyeuse et du sexe récréatif à travers une série impressionnante de performances naturalistes qui ne peuvent guère laisser indifférents.

Le film de Molly Manning Walker pourrait amener des publics de différents groupes d’âge à se rencontrer pour échanger sur de telles situations.

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

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