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Kiss the Sky Volume 1 – Jimi Hendrix 1942-1970, de Jean-Michel Dupont et Mezzo, propose un roman graphique captivant à travers le portrait intime d’un artiste et la chronique d’une époque emblématique

Jimi Hendrix aurait eu quatre-vingts ans cette année : c’était donc l’occasion idéale pour le scénariste Jean-Michel Dupont et le dessinateur Mezzo de réaliser une biographie – Kiss the Sky Volume 1 – Jimi Hendrix 1942-1970, publiée aux Éditions Glénat – très détaillée de ce guitariste de légende.

Jean-Michel Dupont et Mezzo ont réuni leurs talents pour se consacrer à la destinée fulgurante de celui que tous les mélomanes considèrent comme LE meilleur guitariste rock du XXème siècle. Malgré son apparence et son format carré, cet album est bel et bien un roman graphique et non un vinyle : ne vous y trompez pas !

Ce premier volet d’une série qui s’annonce déjà culte plonge les lectrices et les lecteurs au cœur de Seattle, en novembre 1941. C’est en dansant le Jitterburg que nait une idylle entre Lucille et James Allen Hendrix, dit Al. Ce dernier est venu de Vancouver, empli de rêves de carrière comme boxeur professionnel avant d’être frappé brutalement par la dure réalité de la vie. Malgré de nombreuses défaites sur le ring, Al Hendrix a réussi à gagner le cœur de la jeune Lucille. Très vite, le jeune couple fou amoureux partage une vie d’insouciance. Quelque temps plus tard, Lucille tombe enceinte. À peine a-t-elle le temps de se marier avec Al devant un petit comité que son mari doit partir pour servir son pays. C’est donc loin de sa patrie qu’Al apprend, via un télégramme envoyé par sa belle-sœur, Delores, la nouvelle de la naissance de son fils, John Allen, le 27 novembre 1942. Malheureusement, le jeune père n’obtient pas la permission pour se rendre auprès de sa femme et de leur fils. D’ailleurs, pour éviter toute désertion, Al est enfermé en prison.

De son côté, Lucille se consacre dorénavant au monde de la nuit et a déjà oublié Al et leur fils. Fort heureusement, Delores se charge souvent du petit John pour pallier les absences de sa mère. Elle en profite pour donner régulièrement des nouvelles de son fils au soldat Allen, toujours bloqué loin de chez lui. À la fin de la guerre, lorsque Al frappe à la porte de sa belle-sœur pour enfin voir son enfant, il apprend que ce dernier a été placé en famille d’accueil en Californie. Le jeune père décide alors de faire le voyage pour retrouver son fils…

Ce premier volume souligne l’enfance difficile de Jimi Hendrix, malmené et confronté dès son jeune âge à l’alcoolisme et à la maltraitance de son père et l’absence puis le décès de sa mère. Si le répertoire de Jimi Hendrix est connu et que ses concerts mythiques demeurent dans les mémoires, Kiss the Sky révèle avec clarté et exactitude qu’avant de devenir le plus célèbre guitariste de tous les temps, Jimi Hendrix fut un gamin laminé par une enfance à la Dickens puis se révéla un obscur musicien au parcours semé de galères et d’humiliations. C’est cette part d’ombre de sa vie et sa soif désespérée de reconnaissance que raconte cette première partie du portrait intime que lui consacrent Mezzo et Jean-Michel Dupont, auteurs du remarqué Love in Vain, bande dessinée parue en 2014, qui relatait l’histoire de Robert Lee Johnson, autre guitariste virtuose.

Ce premier volume qui entraîne le lectorat jusqu’au 23 septembre 1966, date de son départ pour Londres, illustrant le passage de l’ombre à la lumière de Jimi Hendrix qui, se libérant de sa famille dysfonctionnelle, découvre le blues, la guitare, ce qui nourrit sa volonté de créer des nouveaux sons en jouant avec l’amplificateur. Certains spectateurs restent médusés devant cet hurluberlu mal fagoté qui joue trop fort et casse les codes. Kiss the Sky permet aux lecteurs de croiser, à l’instar de Jimi Hendrix, Little Richard, Elvis Presley, Aretha Franklin, Sam Cooke, les Isley Brothers, Ike & Tina Turner, BB King, Curtis Mayfield, Sam Cooke, Wilson Pickett, Bob Dylan et les Rolling Stones. Le texte, teinté de mélancolie et de désespoir, s’allie au noir – intense, dense et épais – et blanc de Mezzo pour illustrer parfaitement le destin tragique du musicien et sa rage de réussir à vivre de sa musique alors que sa condition sociale et sa famille ne le destinaient pas à devenir une icône de la musique rock.

Mezzo opte pour des contrastes intenses et réussit à reconstituer avec minutie l’Amérique des années quarante aux années soixante, partant des slums de Seattle pour aller aux salles de spectacle de New-York dans la société américaine compartimentée par la ségrégation. L’album rappelle que Jimi Hendrix se surnommait voodoo child dans l’une de ses chansons pour mentionner qu’il croyait à la magie et aux superstitions, en apportant une vibration supplémentaire à ses paroles agrémentées d’images psychédéliques et inspirées de la science-fiction. Les planches foisonnent de nombreux détails qui apportent authenticité et profondeur au parcours mouvementé de ce jeune Afro-américain à l’âme tourmentée, mais révèle aussi toutes les étapes d’un itinéraire musical méconnu. Chaque case dénote un sens élaboré de la composition et mériterait indubitablement de figurer sur la pochette d’un vinyle.

Alimentant cette biographie de nombreuses et enrichissantes anecdotes, le tandem a su relater avec justesse la vie tumultueuse de ce guitariste hors norme, de ses premières gammes à de multiples concerts dans des cabarets miteux, avec la constante du blues qui coule dans les veines de ce guitariste prometteur qui a connu un succès plantaire, mais qui, tel Icare, a frôlé le soleil jusqu’à s’en brûler les ailes. Si le titre de cet album fait référence à l’un des succès de Jimi Hendrix, il est d’autant plus judicieux et pertinent vu sa disparition prématurée à vingt-sept ans, faisant à jamais partie du tristement nommé Club des 27.

Avec Kiss the Sky Jimi Hendrix, Jean-Michel Dupont et Mezzo réussissent un coup de maître avec cet hommage empli d’érudition en proposant une instructive et divertissante entrée en matière dans l’œuvre du célèbre guitariste pour les néophytes et une biographie richement détaillée pour les inconditionnel.le.s du maître.

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

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