Le répondeur, de Fabienne Godet : « to answer a phonecall or not to answer, that’s the question ». Rencontres avec la réalisatrice et Salif Cissé
La réalisatrice et scénariste française a écrit le scénario à quatre mains avec Claire Barré d’après l’œuvre éponyme de Luc Blanvillain parue aux Éditions Quidam en 2020.
Image courtoisie Agora Films
Baptiste Mendy (Salif Cissé), imitateur de talent, ne parvient pas à vivre de son art malgré les encouragements constants de sa meilleure amie, Fanny (Manon Clavel). Un jour, il est approché par Pierre Chozène (Denis Podalydès), romancier célèbre mais discret, constamment dérangé par les appels de son éditeur, de sa fille Elsa (Clara Bretheau), de son ex-femme Claire (Aure Atika) … Pierre, qui a besoin de calme pour écrire son texte le plus ambitieux, propose alors à Baptiste de devenir son « répondeur » en se faisant passer pour lui au téléphone. Peu à peu, celui-ci ne se contente pas d’imiter l’écrivain : il développe son personnage !
Fabienne Godet suit des études de psychologie puis travaille dans le milieu médical. En parallèle, elle fait trois ans de théâtre au conservatoire d’Angers. Après un licenciement abusif, elle décide de se lancer pleinement dans le cinéma, sa passion, qu’elle découvre notamment grâce au Festival Premiers Plans d’Angers.
La cinéaste angevine s’est inspirée de son expérience dans le monde de l’entreprise pour son premier long-métrage, Sauf le respect que je vous dois (2005) où elle décrit la violence et la mécanique de la soumission. On peut aisément comprendre que ses études en psychologie lui ont été très inspirantes tant son observation de l’âme humaine et de ses méandres dans ce dernier long métrage est emplie d’acuité et de finesse. Dès la rencontre entre l’imitateur professionnel et son employeur inattendu, Le Répondeur séduit par le rythme et les répliques qui font mouche, laissant immédiatement le public s’imaginer au théâtre. Dans de nombreuses scènes, le verbe devient protagoniste à part entière et réserve de savoureux moments de quiproquos qui déboucheront inéluctablement sur des malentendus, voire des bévues.
Quand on demande à Fabienne Godet si Marivaux et son théâtre l’ont imprégnée dans l’écriture de ce film, elle se réjouit que cette dimension soit perceptible pour le public. Le marivaudage permet à la réalisatrice de parler de la psychologie amoureuse des personnages en disséquant les diverses strates avec un style soutenu et un langage recherché pour exprimer de manière percutante des sentiments amoureux.
Si Le Répondeur enthousiasme pour son approche originale et sensible de la communication humaine, de ses malentendus et de ses maladresses, il faut souligner que le film est servi par une merveilleuse distribution. La performance de l’acteur principal, Salif Cissé, qui trouve dans cet imitateur son premier grand rôle au cinéma face à un Denis Podalydès rompu à l’exercice, est particulièrement convaincant pour sa capacité à transmettre des émotions complexes avec subtilité. Il faut souligner que le jeune comédien trentenaire, qui avoue être arrivé au théâtre par hasard alors qu’il rêvait de devenir footballeur, a suivi une formation classique au Conservatoire du 1er puis du 8e arrondissement de Paris en terminant diplômé du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris. Dans son observation à la Daumier de l’être humain et de ses tourments, la cinéaste adopte un rythme contemplatif, parfois lent et introspectif, à l’instar de l’état d’esprit du protagoniste et aussi en écho aux situations qu’il vit comme quand Baptiste commence à poser comme modèle pour Elsa qui, artiste comme son père, exprime son talent dans la peinture.
Fabienne Godet est parvenue à capturer avec justesse l’authenticité des interactions humaines, et pour ce faire, a privilégié des prises de vue en extérieur et des éclairages naturels, rendus picturaux par la photographie signée Eric Blanckaert.
N’oublions le ressort narratif de premier plan qui permettra des rebondissements dans le récit : le choix pertinent du répondeur comme élément central de l’intrigue découle d’une volonté de la cinéaste de montrer comment la technologie, devenue désormais incontournable, influence nos vies et nos relations.
De bout en bout, le film est soutenu par une bande sonore soigneusement élaborée par Éric Neveux, qui accompagne de manière symbiotique les émotions des personnages, en particulier avec des morceaux musicaux reflétant les états d’âme du protagoniste.
Fabienne Godet et Salif Cissé sont venu·es en Suisse romande pour nous parler du film. A cette occasion, hors micro, la cinéaste nous a précisé que les dialogues ont été largement improvisés par les acteur·trices pour donner une touche de réalisme et de spontanéité aux échanges.
Récompensé par le Prix du Public du Festival de l’Alpe d’Huez 2025, Le Répondeur sort sur les écrans romands ce mercredi.
Rencontre avec Fabienne Godet
et Salif Cissé
Firouz E. Pillet
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