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Le Sixième enfant, premier long métrage du jeune cinéaste Léopold Legrand, mêle avec maîtrise cinéma social, thriller, film noir et onirisme – Rencontre (audio)

Membres de la communauté des gens du voyage, sédentarisés dans une banlieue parisienne, Franck (Damien Bonnard), ferrailleur, et Meriem (Judith Chemla) ont cinq enfants, un sixième est en route mais, loin de les réjouir, cette nouvelle les inquiète, vu leurs sérieux problèmes d’argent. Julien (Benjamin Lavernhe) et Anna (Sara Giraudeau) sont avocats et n’arrivent pas à avoir d’enfant. C’est l’histoire d’un impensable arrangement.

— Judith Chemla – Le Sixième enfant
Image courtoisie JMH Distributions

Le Sixième enfant est adapté du roman Pleurer des rivières d’Alain Jaspard. Le jeune cinéaste Léopold Legrand a conservé les thèmes principaux du roman, mais a apporté sa touche personnelle en choisissant de provoquer la rencontre de deux univers diamétralement opposés : le monde des gens du voyage et celui des bourgeois bohèmes des quartiers chics parisiens. Pour ce faire, et dans un souci d’authenticité, Léopold Legrand a rencontré des communautés de gens du voyage lors de l’écriture du scénario. Le cinéaste est d’abord allé au pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer, où il a fait la rencontre de Nathalie Meyer, une femme Yéniche originaire d’Alsace, rencontre qu’il nous a décrit en ces termes :

« J’ai passé un moment avec elle dans le camping où elle séjournait avec sa famille, je lui ai raconté mon projet de film et elle m’a ensuite accompagné tout au long de sa réalisation. J’ai d’ailleurs donné son nom de famille aux personnages de Meriem et Franck, en souvenir de cette première rencontre. »

Dans Le Sixième enfant, Léopold Legrand explore avec finesse et subtilité les thèmes de la filiation, de la maternité physique et symbolique, de l’impossibilité d’enfanter et du désespoir qui en découle ainsi que de l’abandon. C’est avec une acuité toute particulière qu’il développe les diverses facettes de ces situations par le prisme des émotions, révélant avec exactitude les ressorts des mécanismes humains, Il faut souligner que le jeune cinéaste est particulièrement sensible à ces thématiques qu’il a déjà abordées dans ses deux courts métrages réalisés lors de ses études à l’INSAS : Angelika était un portrait documentaire d’une enfant de l’assistance publique polonaise et Les Yeux fermés une fiction sur un jeune apnéiste qui accompagne sa mère mourante.

Analysant les réactions et les soubresauts émotionnels, Léopold Legrand offre une fine analyse de la psychologie humaine, jouant avec le hors-champ. Dans la veine des films noirs des fifties, Le Sixième enfant évolue vers la face obscure de l’âme humaine, scrutant avec minutie les actes, parfois irréfléchis, quand le désespoir ne permet plus à la raison de fonctionner. Empruntant les ressorts du thriller dans une luminosité clair-obscur, matinée de tons chauds et ponctuée de plusieurs séquences de nuit, Léopold Legrand pose une action avec fluidité et insuffle un rythme soutenu et efficace qui capte l’attention des spectateurs en maintenant un suspense bienvenu par un récit elliptique qui distille une intensité narrative bien maîtrisée.

Les décors choisis appuient le contraste entre les personnages et leurs univers : d’un côté il y a un couple d’avocats bobos et leur appartement parisien confortable et huppé, et de l’autre un ferrailleur et sa femme qui vivent dans une caravane, entassés à sept dans un espace exigu et précaire, mais accueillant, sur un terrain à Aubervilliers. Le jeune cinéaste ne force pas le trait et dépeint ces deux univers avec justesse, en s’inspirant du réel qu’il a observé et qu’il restitue avec crédibilité.

Lors de sa venue à Genève nous avons rencontré Léopold Legrand qui nous s’est confié, avec une grande modestie, sur les arcanes de son film, ses sources d’inspiration et a souligné le travail de son équipe :

« Ce film raconte clairement la rencontre de deux mondes très distincts, qui se fréquentent peu, mais, avec le chef-opérateur Julien Ramirez Hernan, le décorateur Florian Sanson, la costumière Elsa Bourdin, la maquilleuse Bilytis Barabas, la coiffeuse Jane Brizard, nous avons essayé de dire cette rencontre sans la caricaturer, sans misérabilisme et sans pathos. »

Pour ce premier long métrage qui s’inscrit dans le cinéma social de Ken Loach ou de Robert Guédigian, Léopold Legrand a réussi avec brio.

 

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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