Mostra 2017 : La mélodie, de Rachid Hami ou l’intégration grâce à la musique classique
La mélodie est le film présenté hors compétition du 74ème Festival de Venise réalisé par Rachid Hami et écrit avec les coscénaristes Guy Laurent (C’est beau la vie quand on y pense , Stars 80, À bras ouverts) et Valérie Zenatti (Ultimatum, Une bouteille dans la mer de Gaza).
La mélodie est l’histoire de la formation entre les quatre murs d’une classe de musique pour de jeunes collégiens de banlieue, qui trouveront dans la merveille des notes une meilleure façon d’aborder la vie, mais il s’agit aussi du chemin initiatique d’un professeur de violon improvisé qui comprend peu à peu l’importance de son rôle dans la vision que ses élèves auront de leur avenir.
Simon (Kad Merad, très convaincant dans ce rôle pausé et circonspect, inhabituel dans sa filmographie), violoniste reconnu mais au creux de sa carrière et de sa vie, est précipité dans la réalité de l’école publique en tant que professeur de violon. Pour rendre sa première expérience dans la classe plus difficile, ses très jeunes élèves, des enfants perturbateurs et irrespectueux de toute hiérarchie, vont être confrontés à l’autorité et à la fermeté du musicien, qui est déterminé à abandonner les concerts et les tournées pour sa nouvelle estrade d’enseignant.
Inutile de préciser que les débuts de Simon Daoud comme enseignant de violon sont laborieux, houleux et difficiles mais la musique a le pouvoir d’unir et les enfants, ainsi réunis par la même passion et guidés, partagent par là-même la capacité de mûrir: ce sera aussi pour Simon le temps de grandir et il le fera avec ses étudiants qui, tels des instruments de musique, s adoptent progressivement à force de persévérance et de labeur.
Si le propos du film de Rachid Hami est dans la mouvance actuelle du film « feel good », supposé révéler au grand jour des entreprises méritantes, le réalisateur a tendance a forcer le trait quand il confronte son public plus d’une demi-heure avec des collégiens indomptables qui hurlent, insultent et castagnent. Les spectateurs ont compris la difficulté à laquelle Simon est confronté, il est inutile de tant insister. Précisions que Rachid Hami est entré en contact avec Démos, qui, comme on peut lire sur le site, est «un instrument d’éducation musicale et éducative orchestrale pour la vocation sociale», un projet de démocratisation culturelle qui s’adresse aux enfants issus de quartiers particuliers des villes ou des régions zones rurales insuffisamment équipées d’institutions culturelles “.
Rachid Hami est né le 16 août 1985 à Alger. Après une interprétation remarquée dans L’Esquive d’Abdellatif Kechiche et dans Pour l’amour de dieu de Ahmed Bouchaala, il entreprend de passer à la réalisation de plusieurs moyens métrages, dont Point d’effet sans cause et Choisir d’aimer (Prix du public au festival Premiers plans d’Angers et Prix du public au Festival du cinéma de Brive – Rencontres du moyen métrage) en 2007 où il interprète également un rôle aux côtés de Louis Garrel et Leila Bekhti. Il est très proche du réalisateur Arnaud Desplechin qui le soutient depuis ses débuts.
Si l’intrigue vous semble familière, c’est que La mélodie suit la trace de nombreux films mettant l’accent sur l’éducation et l’apprentissage comme moyen de rédemption sociale et d’intégration des jeunes issus des zones dites « difficiles ». La mélodie remplit son rôle ici malgré la pénurie d’originalité, le film fonctionne, grâce à un scénario sec et bien rédigé et aux bonnes répétitions de la distribution multiethnique des enfants, bien dirigée par Rachid Hami. Il est difficile de ne pas éprouver de la sympathie pour ces jeunes a priori indomptables, si différents et pourtant si semblables, unis dans un destin qui les condamne en marge de la société française. La musique est leur seule opportunité de rançon, un outil qu’ils apprendront à améliorer à la fois en tant qu’individus et surtout en groupe.
La musique devient donc non seulement un outil d’inclusion sociale, mais aussi un dialogue, capable de guérir les convoitises et les rivalités et de faire mouvoir tous les enfants vers un but commun, ce concert avec l’Orchestre Philharmonique qui semble être un mirage inaccessible tant pour les collégiens que pour leurs parents. La parabole personnelle de Simon se développe en arrière-plan : alors que Simon serine a ses élèves que le premier secret pour le succès d’un musicien est de s’amuser, il réalise, grâce à sa classe indisciplinée, qu’il ne s’est pas amusé depuis très longtemps et qu’il a laissé sa vie passer, sans y mettre ni de la passion ni de l’engagement nécessaires.
Le film de Rachid Hami comporte quelques maladresses mais le cinéaste franco-algérien confirme son talent avec La mélodie. A suivre !
Firouz E. Pillet de la Mostra 2017, Lido
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