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Rencontre avec Margarethe von Trotta présente au Festival International de Films de Femmes de Créteil et du Val de Marne (FIFF) pour la projection de Ingeborg Bachmann – Voyage dans le désert

Votre évolution d’actrice de théâtre à celle de réalisatrice connue et reconnue étonne et fait rêver. Vous avez joué dans des films de Fassbinder, Klaus Lemke, Gustav Ehmck, Herbert Achternbusch, Reinhard Hauff et Volker Schöndorf, qui fut votre mari pendant 20 ans. A-t-il réveillé le cinéaste en vous, ou était-ce un projet plus ancien ?

Qualifier cela de « projet » est peut-être trop ambitieux, mais je dirais que c’était un rêve, un désir né dès que j’ai vu Le Septième Sceau d’Ingmar Bergman. C’était au début des années 60, alors que j’étudiais à Paris et que je découvrais le cinéma.

— Margarethe von Trotta
Image courtoisie Festival International de
Films de Femmes de Créteil et du
Val de Marne (FIFF)

Vous êtes considérée comme une figure marquante du Nouveau Cinéma Allemand des années 60-70, puis du Frauenfilm une décennie plus tard. Selon vous, est-il nécessaire de catégoriser le 7ᵉ art en cinéma féminin et masculin ? Le Frauenfilm était-il indispensable pour affirmer les femmes comme artistes à part entière : scénaristes, monteuses, productrices… ?

J’ai débuté comme actrice, mais inconsciemment, c’était un tremplin pour devenir réalisatrice. Quand j’ai pu réaliser mon premier film, Le Second Réveil de Christa Klages, j’ai arrêté de jouer. L’expression « Frauenfilm » m’a toujours déplu. C’était une invention de la presse masculine, comme pour dire : « Ce n’est pas un vrai film, juste un film de femmes », donc moins important que ceux des hommes.

Quels souvenirs gardez-vous de Rainer Werner Fassbinder, toujours aussi inoubliable et actuel ?

J’ai beaucoup appris de lui. Sa méthode de tournage m’a inspirée : préparer chaque plan à l’avance pour gagner du temps et éviter le gaspillage. Grâce à cela, il tournait quatre films par an. À sa mort prématurée, il a laissé une œuvre monumentale.

Vous êtes mère de Félix. Travaille-t-il dans le cinéma ? Croyez-vous aux dynasties de réalisateurs ou d’acteurs ?

Mon fils est documentariste. Il avait étudié l’histoire et la politique, fuyant le cinéma… Mais il en était trop imprégné sans le savoir, j’imagine.

Vous avez exploré les vies de femmes remarquables : Rosa Luxemburg, Hannah Arendt, Hildegard von Bingen, Katharina Blum… Pourtant, c’est un homme, le Suédois Ingmar Bergman, qui vous a le plus influencée. Pourquoi ?

À mes débuts, il y avait si peu de femmes cinéastes. Dans la Nouvelle Vague, seule Agnès Varda émergeait, mais on ne l’a reconnue comme modèle que bien plus tard. Bergman, lui, était incontournable.

Le Festival International de Films de Femmes de Créteil, l’un des plus connus en Europe, vous a souvent accueillie. Quelle est selon vous l’utilité de tels événements ?

J’étais réticente au terme « cinéma de femmes », mais ces festivals ont permis de valoriser les réalisatrices. Même les hommes ont fini par reconnaître leur talent. Un jour, Bergman a cité ses cinéastes préférés… J’étais la seule femme, la plus jeune, et la seule Allemande. J’en reste fière.

Pourriez-vous nous révéler les thèmes de vos futurs projets ?

Je n’en parle jamais avant d’être sûre des moyens et des acteurs. Comme dans les contes, dévoiler un secret trop tôt pourrait tout gâcher.

Propos recueillis par Djenana Djana Mujadzic

Lire ici la critique du film publiée lors de sa sortie en Suisse et l’entretien réalisé par Malik Berkati

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Djenana Mujadzic

Rédactrice / Reporter (basée/based Paris)

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