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Une équipe de recherche de l’Université de Genève (UNIGE) démontre que la méchanceté a mauvaise odeur !

Les comportements malsains déclenchent des jugements moraux proches des émotions de base utiles à notre capacité de survie. Deux postulats différents existent dans la littérature scientifique actuelle quant à l’identité de ces émotions. Certains optent pour le dégoût, les autres pour la douleur. En développant une nouvelle approche d’imagerie cérébrale, une équipe de recherche de l’Université de Genève (UNIGE) a pu trancher pour le dégoût. L’étude montre que les comportements malsains enclenchent des réponses cérébrales similaires à celles provoquées par les mauvaises odeurs et identifie pour la première fois un biomarqueur cérébral du dégoût.

— Partie du cerveau humain contribuant le plus à la prédiction du dégoût olfactif (petites aires bleues)
© UNIGE Corrado Corradi Dell’Acqua

En effet, le dégoût est une émotion de base liée à notre capacité de survie. L’odeur renseigne sur l’état de fraicheur d’une denrée alimentaire, il nous permet de réagir pour éviter une éventuelle source d’intoxication. Selon le même principe, la douleur nous permet de faire face à d’éventuelles lésions en actionnant nos réflexes de retrait. Les psychologues pensent que de tels réflexes de survie pourraient également intervenir en réaction aux mauvais comportements d’autrui.

Corrado Corradi-Dell’Aqua, chercheur au Département de psychologie de l’UNIGE et investigateur principal de l’étude explique que

«Ces liens ont été démontrés à travers des associations entre des situations et des sensations. Par exemple, si je bois quelque chose en lisant un article sur la corruption qui touche mon jugement moral, il est possible que je trouve que ma boisson sente mauvais et qu’elle ait un gout infâme. L’inverse est vrai, les odeurs peuvent provoquer un jugement moral inapproprié. Concrètement, une personne qui sent mauvais aura tendance à être jugée comme malsaine par les autres.»

D’autres études optent pour la douleur et considèrent que les jugements moraux se font à travers des faits réels, d’où le parallèle avec les mécanismes de la douleur.

«Si un conducteur distrait ne voit pas un piéton traverser la route, je porterai un jugement plus négatif sur lui si le piéton a effectivement été blessé, plutôt que s’il est évité»

précise le psychologue. Afin de trancher entre ces postulats contradictoires, son équipe a mis en place un paradigme expérimental et des techniques d’imagerie à résonance magnétique (IRM) sur mesure.

Son laboratoire a d’abord soumis des personnes volontaires à de mauvaises odeurs ou à des douleurs provoquées par la chaleur.

«Tout le jeu consiste à évoquer un degré d’inconfort similaire avec les deux techniques afin de pouvoir travailler sur les mêmes niveaux.»

Une fois ce travail de calibration fait, les participant.es à l’étude ont été soumis à des lectures évoquant des jugements de valeur.

«Nous avons utilisé le dilemme du train où cinq personnes sont bloquées sur une voie de chemin de fer alors qu’un train arrive. La seule possibilité pour les sauver est de pousser une personne du haut d’un pont pour qu’elle entraine l’aiguillage pendant sa chute. Il faut donc tuer une personne pour en sauver cinq, une situation hautement immorale».

L’effet de cette lecture désagréable a influencé les odeurs ressenties et provoqué du dégoût, mais n’a pas influencé la douleur, un résultat confirmé par l’activité électrodermale des participant.es.

Corrado Corradi-Della’Aqua s’est ensuite intéressé à la réponse cérébrale.

«Il est difficile de déduire la douleur et le dégoût de l’activité neuronale, car ces deux expériences impliquent souvent les mêmes zones du cerveau. Pour les dissocier, nous avons dû mesurer l’activité neuronale globale par IRM plutôt que de nous focaliser sur des régions spécifiques».

L’équipe genevoise s’est donc dotée d’une technique capable de prédire les traces du dégoût et de la douleur –tels des biomarqueurs spécifiques–, de l’activité cérébrale globale. Grâce à cet outil, elle a pu prouver que la réponse cérébrale au dégoût est influencée par un jugement moral antérieur.

«Au-delà de la découverte d’importance pour la psychologie, cette étude a été l’occasion de développer un prototype de biomarqueur pour le dégoût olfactif. C’est une double avancée!»

conclut Corrado Corradi-Della’Aqua.

Etude à lire dans Science Advances.

Malik Berkati

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