Votation 28 février – Alain Bittar: “N’oubliez pas d’aller voter avec la tête et le cœur et non pas avec la peur instillée au ventre”
Nous avons décidé de reproduire ici la lettre d’Alain Bittar, créateur de la librairie L’Olivier à Genève qui depuis 3 décennies est l’endroit où les cultures et les gens se rencontrent dans un dialogue constructif et empreint de respect, concernant la votation fédérale du 28 février 2016 sur l’initiative de l’UDC «Pour le renvoi effectif des étrangers criminels (initiative de mise en œuvre)».
Chers ami(e)s suisses(ses),
Si aujourd’hui je me permets de vous interpeller sur un sujet qui me concerne au premier plan et qui me tient à coeur, c’est entendu que la solution dépend de votre vote.
Pour tous les étrangers qui partagent votre quotidien, qui sont vos collègues de travail, vos voisins, vos amis, des membres de vos familles… pour tous ces étrangers qui aiment ce pays et leur canton…. Votez NON ! à l’initiative discriminatoire de l’UDC… Ne vous dites pas “mais eux ils sont bien intégrés, il ne va rien leur arriver”, car ce sont et ce seront les premiers touchés par cette initiative dangereuse. Ce ne seront pas les petits prédateurs qui créent l’insécurité et qui ne pourront pas être renvoyés faute de pays d’accueil…
Si cette initiative devait passer, tout le tissu social de la Suisse serait mis à mal, de l’ouvrier(e) au cadre, au chef(fe) d’entreprise, au père ou à la mère de famille, aux jeunes qui sont nés en Suisse, tous les étranger(e)s de ce pays soient près de deux millions de personnes seraient stigmatisés comme criminels potentiels….
Un délinquant est un délinquant, qu’il soit suisse ou étranger. C’est la délinquance doit être combattue pas les étrangers…
Jeune homme à Genève, j’ai vécu l’angoisse de mon père lors de la première et de la deuxième initiative Schwarzenbach contre la surpopulation étrangère. Aujourd’hui j’ai hérité de son angoisse face à l’Initiative xénophobe de l’UDC qui n’apporte aucune solution au problème de la criminalité. Mais qui stigmatise 2 millions de citoyens. Cette votation qui semble très serrée au vu des moyens investis par l’UDC et de son caractère démagogique pourrait aussi être une occasion de dire NON à la politique de radicalisation
En supprimant toute posibilité de recours, en mettant hors-jeu la justice, cette initiative ouvre la voie à l’arbitraire et cela dans la vie de tous les jours aussi bien pour les étrangers que pour les suisses.
Après avoir vécu 56 ans en Suisse, ayant reçu en 2006 du Conseil administratif de la Ville “La médaile de la Genève reconnaissante», après avoir lu le Pacte du Gruttli lors de la fete nationale du 1er aout dans la commune ou j’habitais, Je me sens stigmatisé comme criminel potentiel susceptible d’être expulsé en cas de moindre faux pas dans ma vie et sans aucun recours.
Ma foi, vais-je devoir me faire à l’idée, que pour une raison ou une autre, comme 40% de la population genevoise je pourrais être expulsé sans aucune voie de recours après toutes ces années en Suisse et que mes enfants soient nés dans ce pays ainsi que mes petits enfants et que j’y tienne une librairie depuis 37 ans…?
J’espère que ma voiture ne glissera pas sur une plaque de verglas, et que la vie ne me fera pas commettre le moindre délit punissable….
Certains partisants du OUI m’objecteront qu’il suffit de demander la naturalisation pour ne pas être expulsable…. Je ne crois pas que ce soit une merveilleuse preuve de patriotisme que d’effectuer cette démarche de peur d’être expulsé.
Si le OUI devait passer le 28 février, soyez sûrs que la prochaine étape UDC sera le retrait de la nationalité aux binationaux et que la suivante sera le retrait de la nationalité à ceux qui l’ont acquise depuis moins de 5 ans…
Si le Oui devait passer, la stigmatisation d’une grande partie de la population ne manquerait pas de laisser des traces indélébiles dans la société et dans le vivre ensemble.
Je m’adresse par ce courriel, à tous ceux qui n’ont pas encore voté ou qui ne pensaient pas voter, pour leur demander de ne pas sous-estimer l’importance de leur vote sur une initiative qui remet en cause plusieurs piliers de l’État de droit suisse.
N’oubliez pas d’aller voter avec la tête et le cœur et non pas avec la peur instillée au ventre.
Alain Bittar
Directeur de l’Institut des cultures arabes et méditerranéennes – l’OLIVIER
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