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Aimons-nous vivants, de Jean-Pierre Améris, invite à une comédie romantique qui célèbre le hasard, l’amour, la vie. Rencontre avec Jean-Pierre Améris et Valérie Lemercier

Dans le dernier film du cinéaste lyonnais, Valérie Lemercier et Gérard Darmon forment un duo jubilatoire dans des rôles où tous deux excellent.

— Gérard Darmon et Valérie Lemercier – Aimons-nous vivants
Image courtoisie Pathé Films AG

Le film s’ouvre sur le concert, devant une salle comble, d’un crooner à succès, Antoine Toussaint (Gérard Darmon), à la voix rauque et au tube indémodable : Mambo Italiano. Son imprésario, Claude, (Patrick Timsit) veille depuis les coulisses, ému et guettant la réaction du public. Soudain, la star s’écroule sur scène. Au bout du rouleau, et malgré ses vingt-deux albums, ne supportant pas son état de faiblesse, il décide d’en finir en organisant son suicide assisté en Suisse. Son imprésario, qui est son unique ami, l’entoure de sa présence bienveillante mais Antoine le congédie à l’entrée de la Gare de Lyon. Ce funeste projet, il l’accomplira seul !

Dans le train, la place face à lui est donc vide. Il garde ses lunettes de soleil, histoire de voyager incognito et de ne pas être importuné. C’est sans compter sans l’arrivée d’une furie virevoltante qui s’y assied avant même de savoir si la place est libre. Victoire (Valérie Lemercier) réalise aussitôt qu’elle vient de s’asseoir en face de son idole. Cette passagère de dernière minute, envahissante et qui, tel un moulin à paroles, babille sans interruption, fait les questions et les réponses.

Victoire est spontanée, la plupart du temps très enthousiaste et décomplexée. Elle avoue donc à Antoine qu’elle part à Genève pour le mariage de sa fille, Constance (Alice de Lencquesaing), mais celle-ci ignore tout du projet de sa mère qui est … en permission de prison.
Elle va lui rappeler à quel point la vie peut être joyeusement imprévisible et déconcertante, mettant un grain de sable bienvenu dans des rouages a priori infaillibles. Elle est fougueuse, drôle, audacieuse, il est bougon, renfrogné, bien décidé à ne plus regarder ce qui ne l’entoure, indifférent à la beauté de la vie. Entre lui, au bout du rouleau, et elle, débordante d’énergie, la rencontre sera explosive…

À l’origine de ce projet, ce sont des démarches administratives que, craignant de ne plus pouvoir faire de cinéma, Jean-Pierre Améris devait faire pour son dossier de retraite, qui l’ont inspiré. Comme le réalisateur le mentionne, cette peur existentielle est devenue le cœur du film. Il s’est mis à échanger sur ce sujet avec Marion Michau, sa coscénariste. Le tandem d’écriture a réalisé que ce sujet propose un vrai postulat de comédie classique, en partant d’un fait tragique pour déboucher sur une comédie. JLe cinéaste l’a prouvé à plusieurs reprises dans sa filmographie comme dans Les Émotifs anonymes, (2010), Une Famille à louer (2015), Les Folies fermières (2022) : il affectionne la comédie comme parade au désespoir et comme moyen de « prendre des choses tragiques par le biais de l’humour, sans pathos, tout en tordant le cou au tragique. »

Le cinéaste a spécifiquement écrit, avec sa coscénariste, pour Valérie Lemercier et Gérard Darmon. L’alchimie évidente du duo est tangible et savoureuse. Jean-Pierre Améris voulait un acteur qui soit aussi chanteur pour incarner Antoine, c’est pourquoi il a jeté son dévolu sur Gérard Darmon. Pour le rôle de Victoire, son choix s’est porté sur Valérie Lemercier pour son humour et son excentricité. Les dialogues ont été élaborés avec soin et font mouche à chaque réplique avec des jeux de mots qui font songer à l’art oratoire de Raymond Devos. Dès la scène de rencontre dans le train pour Genève, le plaisir des mots est déjà jubilatoire. Un pur délice !

À propos de cette scène, Jean-Pierre Améris avoue qu’il trouve très inspirante l’idée du road-movie ferroviaire, influencé par Truffaut, qui suggère le voyage donc de nouveaux horizons. Avec le recours au voyage en train, le cinéaste insuffle l’idée que le destin du personnage bascule au cours d’un voyage en train, ce qui déclenche un moteur narratif fort. En plus de son potentiel dramatique et comique, le train symbolise ici la trajectoire de vie du personnage principal : un trajet vers la mort qui prend un détour inattendu.

Malgré le postulat de départ – le suicide assisté, le cinéaste a opté pour une photographie lumineuse et colorée. Comme il voulait une mise en scène qui contraste avec la mélancolie du personnage principal, il a choisi des décors et des costumes vifs pour créer une atmosphère joyeuse et éclatante. Ainsi, malgré son air renfrogné, Antoine arbore un costume rose pâle. Quant au décor du récit, le cinéaste a porté son choix sur une ville et une région qu’il adore : Genève, et ses environs à la saison estivale. Le réalisateur voulait un décor qui soit gai, coloré, que cela finisse par exploser aux yeux de ce chanteur revenu de tout et qui n’a plus envie de regarder ce qui l’entoure. La direction artistique a été particulièrement travaillée pour accentuer l’effet de fable et éviter le naturalisme, renforçant ainsi la tonalité comique du film.

Dans la bande originale, la chanson-phare qui revient régulièrement et qui joue un rôle clef dans le film est la chanson Mambo Italiano qui provient d’un album de Gérard Darmon sorti dans les années 2000. Le réalisateur, fan de Dean Martin, qui a chanté ce morceau pour la première fois, a voulu intégrer cette chanson pour son énergie communicative. Mais pour le personnage d’Antoine Toussaint, ce tube est devenu un fardeau : il est constamment ramené à cette chanson, qui semble définir toute sa carrière et qui occulte le reste de ses compositions.

Le réalisateur lyonnais se démarque par sa régularité dans le travail, sa sensibilité et sa modestie, sa fine observation de l’humanité et sa générosité en interview. Présent avec Valérie Lemercier à Genève et à Lausanne à l’occasion de la présentation de Aimons-nous vivants en avant-première, Jean-Pierre Améris nous a parlé de la genèse de son nouveau film, du choix de Genève et de ses environs pour son décor, du choix des comédien·nes, de son amour de la Suisse, entre autres.

 

Quant à son actrice, Valérie Lemercier nous a parlé de ce qu’elle partage avec son rôle, de sa complicité avec Gérard Darmon, de ses projets au cinéma et au théâtre.

 

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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