Cannes 2025 : Présenté en hors-compétition au Festival de Cannes 2025, Partir un jour, d’Amélie Bonnin, fait l’ouverture de la 78e édition
Court métrage primé aux César 2023 et devenu long, le film de la cinéaste française met en vedette Juliette Armanet et Bastien Bouillon en revisitant les occasions manquées du passé, les souvenirs et les choix de vie, les regrets et les remords.
© Topshot Films – Les Films du Worso – Pathé Films – France 3 Cinéma
Alors que Cécile (Juliette Armanet) s’apprête à réaliser son rêve, ouvrir son propre restaurant gastronomique à Paris, elle reçoit un appel inattendu de sa mère (Dominique Blanc) : elle doit rentrer dans le village de son enfance à la suite de l’infarctus de son père (François Rollin). À quelques jours de passer le concours qui doit lui permettre de décrocher une étoile, Cécile confie les préparatifs des plats à son second qui est aussi son compagnon (Tewfik Jallab). Loin de l’agitation parisienne, elle croise son amour de jeunesse (Bastien Bouillon). Cette rencontre fortuite ravive les réminiscences d’occasions saisies, mais surtout d’occasions manquées dans le passé. Ses souvenirs ressurgissent et ses certitudes vacillent. Entre présent et passé, entre son rêve de devenir cheffe et les liens troublants qu’elle avait occultés, Cécile devra choisir entre l’avenir qu’elle imaginait et son passé qui perturbe ses projets.
À l’instar de Wes Anderson (Bottle Rocket, 1996) et de Damien Chazelle (Whiplash, 2014), Amélie Bonnin adapte son propre court en conservant le titre, les interprètes et certaines séquences, rejouées quasiment à l’identique. Partir un jour se déroulant dans le monde de la restauration, en particulier dans la cuisine d’une cheffe avec sa brigade, l’intrigue amène, dans une mise en abîme assumée: Amélie Bonnin à faire rejouer par ses comédien·nes les scènes du passé au présent à l’image d’un chef qui revisite des plats et des classiques de la gastronomie.
Convoquant nostalgie, amour, remise en question et quête de soi, Partir un jour le fait en chanson, en invoquant, en guise de juke-box, les chansons populaires qui appartiennent à la mémoire collective : Le Loir et Cher, de Michel Delpech, Sensualité d’Axelle Red, Alors on danse de Stromae, Pour que tu m’aimes encore de Jean-Jacques Goldman, Je l’aime à mourir de Francis Cabrel, Cécile ma fille de Claude Nougaro, Femme Like U de K. Maro, et, bien sûr, le titre Partir un jour des 2Be3.
Si Partir un jour offre à Juliette Armanet une jolie partition pour son premier grand rôle au cinéma, aux côtés d’un Bastien Bouillon taquin et espiègle, entourés par leurs amis quadragénaires alors qu’ils se remémorent leur adolescence et les tubes qui ont accompagné les années de leur jeunesse dans les années 1990 et 2000, le récit ne prend pas de relief et ne suscite guère d’émotions. Avec une telle bande-son, on espérait de grands moments musicaux, ici interprétés par les comédien·nes.
S’inscrivant dans le genre de la comédie musicale, Partir un jour nous fait songer aux films musicaux français comme On connaît la chanson (1997) d’Alain Resnais, Huit Femmes (2022) de François Ozon, Les Chansons d’amour (2007) de Christophe Honoré. Le film d’Amélie Bonnin semble vouloir suivre cette honorable lignée mais le résultat s’avère désopilant, voire désarmant: on chante comme on joue mais l’art lyrique en prend un sacré coup. Seule bouée dans ce naufrage musical : la mémoire collective de ces chansons démodées titille notre « madeleine de Proust » et nous entraîne à fredonner ces airs que l’on entonne entre potes lors des soirées karaoké ou des blind tests.
Le choix de Partir un jour par le festival comme film d’ouverture est sans doute lié à la volonté du comité de sélection de prendre la défense de la cause des femmes. En effet, Cécile est en proie à un dilemme : avouer à son compagnon qu’elle est enceinte, mais qu’elle ne veut pas garder cet enfant pour privilégier sa carrière. Prendre la défense de la cause féminine est louable et noble, mais, malheureusement, et souvent quand le festival le fait, c’est plutôt maladroit. On songe à la Palme d’Or au Festival de Cannes 2021, Titane…
Si ce récit sur les choix de vie, les regrets, les remords et la quête de soi sont des thèmes universels qui peuvent parler à tout le monde, la forme séduira essentiellement un public français grâce aux chansons qui ponctuent le récit et grâce à une distribution de qualité mais laissera certainement indifférente la presse internationale qui n’aura pas les référents desdites chansons. Certes, Partir un jour explore les thèmes du retour aux racines, de la famille, de l’amitié, des amours de jeunesse, mais le film d’Amélie Bonnin s’apparente plus à un téléfilm du dimanche soir qu’à un événement de festival.
Après son baptême en ouverture du Festival de Cannes, Partir un jour est attendu en salle ce mercredi 14 mai 2025 en France comme en Suisse.
Firouz E. Pillet, Cannes
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