Freiheit de Jan Speckenback
Présenté jeudi 3 août à la presse, Freiheit (concorso internazionale), le film de Jan Speckenback, avec, dans les rôles principaux, Johanna Wokalek et Hans-Jochen Wagner, suit la fuite d’une mère de famille, Nora, hors du domicile familial et ses méandres existentiels qui l’entraînent de Berlin à Vienne puis Bratislava.
La séquence d’ouverture révèle une femme, dans la quarantaine, qui suit une visite guidée dans un musée puis abandonne le groupe de visiteurs pour s’asseoir devant un immense tableau du Caravaggio, Saint-Jérôme, La Tour de Babel: métaphore prémonitoire du périple que va entreprendre Nora pour échapper à sa “prison”, à la routine d’un quotidien devenu étouffant. Abandonnant mari et enfants, Nora se jette, au fil des rencontres, dans ce monde multilingue, multiculturel et bigarré. Nora erre dans le musée Kunsthistorischen en Autriche, se laisse séduire par une jeune homme entreprenant dans un supermarché, fait du stop pour poursuivre sa fuite en changeant d’identité à chaque rencontre : Petra, Susanna.
Le film de Jan Speckenbach pose des questions existentielles dont la portée universelle pourrait toucher tout un chacun. Se nourrissant d’un sentiment de désillusion contemporaine et liberté muselée par le carcan sociétal, ladite liberté du titre du film s’avère ne pas être son thème majeur, ce qui est à regretter.
De Vienne à Bratislava – ce périple à travers l’Allemagne, l’Autriche pour aboutir à la Slovaquie a été justifié par le cinéaste par les sources de financement de cette coproduction. Au fil des changements d’identités et de pays, Nora se lie avec d’amitié avec Etela (Andrea Szabová) et son mari Tamás (Ondrej Koval). Elle maintient la façade par de petits mensonges, de légers arrangements qui ne parviendront pas à étouffer la réalité qu’elle a abandonnée et qui refera surface. Pendant ce temps, le mari de Nora, Philip, et leurs deux enfants, attendent de ses nouvelles dans leur maison en Allemagne.
Jan Speckenbach alterne la temporalité narrative, inversant la chronologie entre le présent de la fuite de Nora et le passé familial avec Philip (Hans-Jochen Wagner), qui révèle un homme doux et bienveillant, semblable à un ours. Cet aspect de la personnalité du mari attentionné sera remis habilement en question ultérieurement et légitimera quelque peu l’exil auto-imposé de Nora.
Si le film invite à réfléchir sur les actes égoïstes comme moyen de réalisation de soi, le récit souffre de longueurs et perd en intensité, donc en intérêt. L’interrogation des émotions demeure malheureusement peu développée. Les enfants de Nora et ses collègues de son cabinet d’avocats montrent à peine leur angoisse, seul Philip semble submergé, à la limite de l’hostilité. Si Jan Speckenbach identifie correctement la complexité à saisir les libertés personnelles, il se perd dans les méandres de son scénario.
Firouz E. Pillet, Locarno
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