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Locarno 2022 : Gigi la legge, d’Alessandro Comodin, qui a remporté le Prix spécial du jury, fait la part aux petites gens du quotidien

En pleine nuit, la caméra suit Gigi dans son jardin foisonnant et à la végétation luxuriante qu’ilchérit par-dessus tout. Son voisin, que l’on entend sans jamais le voir, au ton belliqueux et vindicatif, veut obtenir justice contre cette forêt sauvage qui envahit son territoire ; Gigi tente de calmer l’ire de son voisin et de négocier à l’amiable.
Alessandro Comodin recourt au hors champ, ce qui lui permet de mettre astucieusement en scène cet échange insolite entre Gigi et son voisin, exprimant la paranoïa qui imprègne ce village. En fait, Gigi est carabiniere et passe ses journées à patrouiller, ou plutôt à
se promener dans les rues étroites de San Michele al Tagliamento, un village du nord-est de l’Italie, dans la luminosité si solaire du Frioul. Certes, il y a des incidents, voire des accidents : une personne est retrouvée morte à côté des voies ferrées, un étrange individu erre sinistrement sur les chemins de campagne. Cela s’apparente au début d’un film noir, cela pourrait déboucher sur un western contemporain, mais ces diverses pistes ne sont que suggérées par le réalisateur. Et pourquoi pas le début d’une romance… Quand une jeune novice est engagée à la centrale téléphonique du commissariat, Gigi tombe immédiatement sous le charme de sa voix et se met à flirter sans trop de fioritures, à la façon d’Aldo Maccione, suscitant l’amusement des spectateurs. (…)

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Locarno 2022 : Il Pataffio, de Francesco Lagi, propose une fable noire médiévale aux échos contemporains. Rencontre

Un groupe improbable de soldats et de courtisans mené par Marcount Berlocchio (Lino Musella) et sa nouvelle épouse Bernarda (Viviana Cangiano) prend possession d’un fief lointain. Mais leur château est un dépotoir décrépit et les villageois ne veulent pour rien au monde être gouvernés. Entre appétits profanes et sacrilèges, soldats débraillés et pauvres gens affamés, Il Pataffio relate une histoire sur la liberté, sur la faim, sur la soif de pouvoir et le besoin de possession. S’inspirant du roman éponyme de Luigi Malerba, qui fut une véritable révélation pour le cinéaste et « le début d’un voyage imaginaire » qu’il ne soupçonnait pas, Francesco Lagi n’osant pas se risquer à adapter ce roman sur grand écran avant d’être soutenu par des producteurs. Pour celles et eux qui ne connaîtraient pas Malerba, Luigi Bonardi, connu sous le nom de plume de Luigi Malerba, est un écrivain italien, né en 1927 à Berceto, dans la province de parme, et mort en 2008 à Rome. Il est cofondateur du Gruppo 63 d’orientation marxiste et structuraliste et a œuvré comme scénariste de cinéma. (…)

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Locarno 2022 – Alexander Sokurov en compétition internationale avec Skazka (Fairytale), un ovni cinématographique qui convoque les crapules de l’Histoire

(…) La forme visuelle et sonore du film couplée aux protagonistes qu’il implique entraîne le public dans un monde très malaisant où il est difficile de se positionner : faut-il rire aux postures absurdes, à l’humour acide, comment résister à ces envies de régurgiter à l’écoute de leurs leitmotivs assassins, répétés ad nauseam, qui ont souillé l’humanité ? Dans ce conte de fées, il n’y a que des nécromants qui ne cessent de vouloir rencontrer La Force Suprême, Dieu. (…)

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Locarno 2022 : présenté en Compétition officielle, Nação Valente (Tommy Guns), second long métrage du réalisateur luso-angolais Carlos Conceição, traite des douloureux sujets du colonialisme et de la guerre d’indépendance

Le second long métrage, de Carlos Conceição, Nação Valente, entraîne le public, bien malgré lui, dans les affres de la fin du colonialisme portugais en Angola.
En 1974, après plusieurs siècles de présence coloniale, les Portugais fuient l’Angola où des groupes indépendantistes récupèrent leur territoire. Une femme angolaise découvre l’amour, puis la mort, lorsque son chemin croise celui d’un soldat portugais (João Arrais). Dans la séquence suivante, une escouade portugaise, au sein de laquelle combat le jeune Zé, est barricadée à l’intérieur d’un mur dont elle devra s’échapper lorsque le passé sortira de sa tombe pour réclamer la justice attendue. (…)

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Locarno 2021 : Luzifer, de Peter Brunner, présenté dans la compétition internationale, suscite à la fois fascination et agacement

Un jeune homme (Franz Rogowski), à l’équilibre mental fragile, vit avec sa mère, isolé dans les Alpes. Sa mère (Susanne Jensen), complètement tatouée, ancienne toxicomane, et désormais radicalement dévote, voue un culte à Dieu mais surtout à son fils. Une grotte mystérieuse au loin, qui ressemble à un vagin, une bande de drones bourdonnants qui survolent le chalet d’alpage, affole Johannes qui, terrorisé, se cache en hurlant.
Tourné au Höllenstein à Tux dans le Zillertal au Tyrol, Luzifer se déroule dans ces pâturages d’altitude qui deviennent un protagoniste à part entière. Une nature paisible jusqu’aux survols de plus en plus fréquents et menaçants des drones et les incursions d’un commando d’hommes brutaux ; des éléments extérieurs qui viennent déranger la quiétude rodée de ce huit-clos déroutant entre mère et fils.
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Locarno 2021 Compétition internationale : Leynilögga (Cop Secret) Hannes Þór Halldórsson – Une parodie de film de genre jubilatoire !

Quelle curiosité ce Leynilögga (Cop Secret) à Locarno! Tout d’abord, il a été réalisé par le gardien de l’équipe nationale de football islandaise ce qui déjà en fait un objet marketing particulier. Puis sa présence en compétition internationale plutôt que pour la Piazza Grande et son écran géant sur lequel sa dimension d’action aurait pu s’exprimer pleinement. Il s’avère pourtant que sa sélection en compétition est une réussite, le film donne un grand bol d’air au concours traversés par des thématiques assez lourdes et réjouit les sens cinématographiques.
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Locarno 2021 : Al Naher (La rivière), de Ghassan Salhab, présenté dans la compétition internationale, plonge le public dans une atmosphère anxiogène, métaphore de la situation du Liban

Le personnel du restaurant du café où le couple prend un repas disparaît soudainement et l’électricité s’éteint. La réception cellulaire a aussitôt disparu, laissant le couple complètement isolé du reste du monde. Au milieu du paysage rural libanais, dans un ce restaurant de campagne isolé, l’homme et la femme échangent des propos, interrompus de manière soudaine par le vol d’avions militaires que les spectateurs ne voient pas entendent les moteurs vrombir.
La femme (Yumna Marwan) et l’homme (Ali Suliman) se retrouvent soudainement seuls mais, on entend les avions de chasse continuant leur survol dans les environs. Des événements météorologiques étranges se succèdent, créant une atmosphère anxiogène : des nuages ​​sombres couvrent rapidement la terrasse du café pour disparaître tout aussi rapidement, suivies par de violentes rafales de vent qui soufflent pour s’éteindre aussitôt ; des apparitions d’épaisses brumes se lèvent puis se dissipent. Le couple se met à fuir et se met à l’abri dans une forêt aux pins élancés et espacés, filmée de manière picturale qui fait songer à un tableau impressionniste.
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Locarno 2021 Compétition internationale : Gerda de Natalya Kudryashova – L’enfermement de l’âme russe dans un monde prosaïque et brutal

L’actrice et réalisatrice russe Natalya Kudryashova offre avec son quatrième film une vision bien sombre de l’espace moderne russe qui ne laisse plus de place à l’épanouissement de l’âme. Dès la première scène, elle nous déconcerte : on y voit une voiture qui longe une forêt d’arbres longs et minces sans feuilles comme des conduits qui s’élèvent vers le ciel ; une femme, à côté de laquelle se trouve une petite fille, sort précipitamment de la voiture pour faire pipi à l’abri d’un tronc. La chose faite, un sentiment inquiétant semble la posséder ; elle se met à courir. Coupure dans l’espace-temps, nous nous retrouvons dans un club de strip-tease avec une jeune femme, Lera (Anastasiya Krasovskaya), dont le nom de scène est Gerda – comme celui du personnage principal du conte La Reine des neiges de Hans Christian Andersen. Le jour, Lera est une étudiante en sociologie somnolente. L’histoire de Gerda se joue constamment sur deux axes : le monde de la nuit et celui du jour, le prosaïque et la transcendance, le rêve et la réalité, la richesse et la pauvreté, la conscience et l’inconscience…
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Locarno 2021 : Le drame Medea, d’Alexander Zeldovich, présenté en compétition internation, propose une interprétation moderne du mythe grec ancien de cette femme emplie de solitude et de vindicte

Une voix de femme semble raconter puis on comprend qu’elle se confesse dans une église orthodoxe. La caméra d’Alexander Zeldovich suit cette femme errant et soliloquant dans des paysages qui ressemblent à ceux des anciennes républiques soviétiques mais difficiles à situer : Azerbaïdjan peut-être ?
Puis la caméra d’Alexander Zeldovich effectue un flash-back suivant Medea, passagère dans la voiture conduite par son frère. Membre des services de renseignement, celui-ci la violente par des caresses très appuyées, des menaces : il veut faire emprisonner l’amant de sa sœur, Medea, une fille du Trans-Oural tombée amoureuse d’un riche juif Alexei avec lequel elle a eu deux enfants. (…)

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Locarno 2021 Compétition internationale – Sis dies corrents (The Odd-Job Men) de Neus Ballús: La plomberie de la vie quotidienne

Mohamed, migrant marocain à Barcelone fermement décidé à s’intégrer par la langue – il parle le castillan mais apprend le catalan pour passer l’examen – et le travail, trouve un emploi dans une petite entreprise de plomberie-électricité. Il a une semaine de mise à l’essai qu’il pense passer sans encombre. C’est sans compter sur ses deux collègues et les clients, plus excentriques les uns que les autres. L’idée de la réalisatrice Neus Ballús est de dépeindre par petites touches la complexité de la vie quotidienne, les préjugés mutuels qui nourrissent les situations journalières,  inspirée par les histoires de son enfance que racontait son père, lui-même plombier.
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