Cinéma / KinoCulture / Kultur

In The Heights (D’où l’on vient) : musique et danse réunies pour fédérer et effacer les différences

Au cœur de New York, le quartier de Washington Heights, un quartier multiculturel, est celui de tous les possibles pour les émigrés. Usnavi de la Vega (Anthony Ramos), propriétaire d’un petit café dans le quartier, rêve de renouer avec ses origines, en République Dominicaine. Il raconte son histoire à sa fille et trois petits amis de cette dernière devant une cahutte sur une page que le public imagine être en République dominicaine. Mais Usnavi raconte aux enfants comment ses projets ont été différés quand il a croisé le regard de Vanessa (Melissa Barrera), une jeune femme qui rêve à l’époque de devenir styliste en restant à New-York. Leur rencontre, sur fond de danse et de musique, va chambouler leur vie de manière inattendue.

— Dascha Polanco, Daphne Rubin-Vega et Stephanie Beatriz – In The Heights
© 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.

La comédie musicale éponyme de Broadway avait connu un succès tonitruant mais son adaptation pour le cinéma n’a pas rencontré un début des plus prometteurs lors de sa sortie aux États-Unis. Mentionnons que c’est Quiara Alegría Hudes qui a écrit le livret pour l’adaptation à la fois sur scène et à l’écran. Après de nombreuses plaintes de spectateurs pointant le manque d’acteurs afro-latinos dans le film, le réalisateur Lin-Manuel Miranda s’en est excusé. Certains sujets restent très sensibles aux États-Unis même si beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de New-York depuis West Side Story, comédie musicale de Leonard Bernstein, Stephen Sondheim (livret) et Arthur Laurents (paroles), adaptée au cinéma par Robert Wise et Jerome Robbins en 1961.

Si les rivalités entre les deux bandes des Jets et des Sharks, ont laissé la place à plus de solidarité et d’entente entre les communautés, In the Heights partage bien des éléments avec ce qui semble avoir été le modèle de nombre de comédies musicales : les protagonistes appartiennent à la deuxième génération d’émigrés venus de Porto Rico, de Cuba, de République dominicaine ; la musique rythmée et les danses chaloupées issues des Caraïbes et d’Amérique latine, avec l’importance des scènes de danse, occupent une part considérable du film ; l’accent est mis sur les problèmes sociaux et la difficulté de trouver un emploi ou d’accéder à l’université aux États-Unis si l’on est étranger. Pourtant, malgré les reproches liés au manque de parité raciale, de nombreux aspects du film ont été largement salués depuis sa sortie. Les critiques ont salué le genre musical du film, sous-représenté et qui demeure une rareté à Hollywood. Un genre musical qui n’est pas accessible à toutes les bourses au théâtre !

— Lin-Manuel Miranda et Christopher Jackson – In The Heights
© 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.

Très étonnamment, Lin-Manuel Miranda a écrit In The Heights il y a deux décennies alors qu’il était encore étudiant mais les thématiques abordées restent d’une brûlante actualité, peut-être encore plus après cette longue période de confinement qui a exacerbé les mouvements d’extrême-droite aux États-Unis. Rappelons que le compositeur, parolier, rappeur, dramaturge, chanteur et acteur américain a été révélé au grand public avec la comédie musicale Hamilton qu’il a créée à Broadway en 2004 dont la première a eu lieu en 2015 avant d’être adaptée au cinéma en 2020.

Situé dans la communauté latino de Washington Heights, ce film suit un large éventail de personnages locaux, qui partagent tous leurs histoires de vie et leurs rêves pour l’avenir via une abondance de numéros musicaux accrocheurs, qui fusionnent des rythmes latinos trépidants – salsa, merengue, reggaetón – avec des sonorités issues du hip-hop, du RnB, du rap et de la pop. Pour créer ce melting-pot musical, Lin-Manuel Miranda s’est inspiré de ce qu’il connaissait le mieux : son quartier et ses communautés bigarrées. « l’endroit le plus coloré du monde », d’après le réalisateur. Libéré des contraintes imposées par la scène, Lin-Manuel Miranda a pu opter pour des décors naturels pour cette adaptations cinématographique et viser un résultat plus ambitieux. Même si rien ne peut remplacer l’immédiateté du contact entre les artistes et le public lors d’un spectacle, le film a permis à Lin-Manuel Miranda de tourner dans des lieux réels dans The Heights, le quartier le plus élevé de Manhattan.

Usnavi a repris le flambeau de sa grand-mère d’adoption, Abuela Claudia (Olga Merediz), et essaie de maintenir à flots la bodega locale où les habitués viennent surtout pour sa bonne humeur et, accessoirement, pour son café au lait le matin et pour s’acheter des billets de loterie. D’ailleurs, Unavi vend un billet de loterie gagnant au début du film. Cela sous-tend le récit mais, en toute sincérité, ce n’est pas une comédie musicale axée sur l’intrigue mais bien plus sur les chorégraphies, filmées en plans larges et sur la bande musicale qui fait la part belle aux musiques latino-américaines. Vu le nombre important de danseuses et de danseurs qui entonnent leurs chansons respectives, les spectatrices et les spectateurs assistent à une succession de nombreuses histoires individuelles singulières dont le socle fédérateur est Usnavi. Pour les incarner, Lin-Manuel Miranda a sollicité une impressionnante distribution : aux côtés d’Anthony Ramos se trouvent Melissa Barrera, Corey Hawkins, Leslie Grace, Jimmy Smits et Lin-Manuel Miranda en personne et qui joue dans son film un rôle de soutien. Si quelques chansons sont de simples dialogues rappés ou chantés – la marque de fabrique de Miranda – la majeure partie de bande musicale propose de véritables bijoux pour les tympans. D’ailleurs, Usnavi énumère quelques prénoms de femmes caribéennes ou sud-américaines célèbres pour leurs œuvres et les férus de ces régions reconnaîtront quelles artistes auxquelles Usnavi, ou plutôt Lin-Manuel Miranda ! – fait allusion : Celia (Celia Cruz, chanteuse de musique cubaine et de salsa, surnommée d’ailleurs la Reine de la Salsa), Frida (Frida Kahlo (artiste peintre mexicaine.), Gloria (Gloria Estefan , auteure-compositrice et interprète cubaine, naturalisée américaine), Rita Moreno, actrice et chanteuse portoricaine), Claudia (Claudia Cesilia, chanteuse latino-américaine), entre autres.

Cette comédie musicale procure rapidement un entrain, voire une irrépressible envie de se trémousser : pour l’apprécier à sa juste valeur, il est impératif de la découvrir sur grand écran ! Comme dirait Ricky Martin « Un, dos, tres, un pasito pa’delante, María ! Un, dos, tres, un pasito pa’ atras ! »

Firouz E. Pillet

© j:mag Tous droits réservés

Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

Firouz Pillet has 1046 posts and counting. See all posts by Firouz Pillet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*