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Locarno 2024 : présenté en ouverture de cette 77ème édition sur la Piazza Grande ce mercredi 7 août, Le Déluge, de Gianluca Jodice, suit les derniers jours de Louis XVI et de Marie-Antoinette avant leur exécution

Le film du cinéaste napolitain a été précédé par la venue sur le Palco, la scène de l’écran de la Piazza Grande, des deux têtes d’affiche, Mélanie Laurent et Guillaume Canet, qui y ont reçu l’Excellence Award Davide Campari, prix qui récompense l’ensemble de leur carrière.

— Mélanie Laurent et Guillaume Canet – Le Déluge
© The Flood – Ascent Film

Avec Le Déluge, Le cinéaste italien plonge le public au cœur de la Terreur, en 1792, alors que Louis XVI, son épouse Marie-Antoinette et leurs deux enfants sont arrêtés. Emmenés et emprisonnés à la Tour du Temple, un sinistre château de Paris, en attendant leur procès, le couple royal découvre le dénuement, étant privé de mobilier et même de couverts pour se sustenter. Loin des splendeurs de Versailles, la reine et le roi, déchus de leur statut et de leurs privilèges, ont encore droit à la compagnie de quelques membres de leur suite mais sont progressivement isolés, rudoyés et de plus en plus vulnérables au fil des jours … Et ceci pour la première fois de leur vie !

Pour cette fresque historique, production italo-française, Gianluca Jodice a choisi Guillaume Canet (méconnaissable avec sa prothèse faciale qui le grossit et lui donne un visage poupin) et Mélanie Laurent qui excelle en reine exécrable, odieuse, hautaine et méprisante. À leurs côtés se trouvent Hugo Dillon dans le rôle d’Henri, Aurore Broutin qui incarne Elisabeth, Fabrizio Rongione qui joue Cléry et le jeune Vidal Arzoni (de Genève) qui incarne Louis XVII. De nombreux noms figurent au générique mais on ne reconnaît pas de personnages historiques censés être présents durant les derniers mois du roi et de sa famille. Sont-ils passés à la trappe ? Où ont-ils déjà été guillotinés avant leur apparition à l’écran ? Dans les affres de la Révolution française de la prise de la Bastille au coup d’État du 18 brumaire, Jodice relate comment la famille royale française va passer de vie à trépas. Le directeur de la photographie, Daniele Cipri, qui est aussi cinéaste, a travaillé les tons de telle sorte que certaines scènes rappellent des tableaux de Vermeer.

Né à Naples en 1973, Gianluca Jodice est diplômé en philosophie à l’Université Federico II de Naples. Il a commencé très jeune à tourner des courts métrages et des documentaires. En 1999, son court métrage Mouse Meat a reçu le Prix de la critique cinématographique et télévisuelle. En 2001, son court métrage La Miss Holibet remporte le Festival Sacher dirigé par Nanni Moretti. Il a également réalisé Searching for Great Beauty, un documentaire sur La Grande Beauté de Paolo Sorrentino (2013).

Giona A. Nazzaro, directeur artistique du Festival, de Locarno, souligne combien le jeu des comédien.ne.s l’a enthousiasmé :

« Mélanie Laurent et Guillaume Canet livrent des performances mémorables dans Le Déluge. Il était important de célébrer leur parcours qui a contribué à la tradition du cinéma d’auteur français et européen».

Gianluca Jodice de préciser sur son film :

« Il s’agit littéralement d’un film apocalyptique : il raconte le moment où tous les voiles et tous les masques sont ôtés. Il a une ambition métaphysique plutôt qu’historique et explore une apocalypse personnelle : celle des protagonistes. »

Cependant, plus le récit, très linéaire, avance, plus l’ennui se fait sentir ; on se questionne sur l’intérêt historique de cette production. Était-il vraiment nécessaire de reconduire le cliché éculé du bon roi Louis XVI, l’esprit toujours enfantin, voire désespérément naïf, malgré les horreurs qui l’entourent, qui aime les enfants et adore bricoler. Les historiens ont mentionné sa passion invétérée pour les serrures et les rouages mais ici, le cinéaste le filme si furtivement le roi se captivant pour la mécanique de ce qui s’apparente à l’intérieur d’une serrure qu’on en oublie que les contemporains ont reproché à Louis XVI de délaisser son rôle de roi au profit de ses loisirs.
Guillaume Canet a été très compliant de se laisser fabriquer un physique si disgracieux, bon enfant et rondouillard…

Pour Marie-Antoinette, le cliché est, hélas, ici aussi reconduit : elle est la seule à avoir une attitude aristocratique, donc méprisante à l’égard de ce peuple qui se rebelle, mais elle est sauvée parce qu’elle accepte d’être violée par une brute révolutionnaire (dans ce film, c’est un pléonasme !) pour sauver les siens !

Quant aux révolutionnaires, ils sont bien évidemment tous des monstres au physique ingrat à l’instar de leur moralité – le visage grêlé de Robespierre, le regard blanc et empli d’une vacuité sidérale de son copain – mais Jodice sert dans leurs bouches des répliques qui sembleraient vouloir les rendre sympathiques, en justifiant leurs actes.

Un jeune bourgeois essaie bien de parler de droit, mais comme tout le monde le sait, cette période sinistre ayant été abondamment documentée, les autorités révolutionnaires n’avaient cure du droit.

La fresque du cinéaste italien pousse le grotesque à l’extrême et force le trait : ainsi, les pauvres victimes ont heureusement le bonheur de découvrir le plaisir du manque d’hygiène et de l’inconfort, et celui encore plus grand de manger avec les doigts !!!

A l’issue de la projection, une question vien à l’esprit : Gianluca Jodice, qui a élaboré le scénario avec Filippo Gravino, connu pour son excellent travail sur Alaska, Fiore, Land of the Sons mais surtout sur Gomorra, a-t-il renoncé à solliciter l’éclairage d’historien.ne.s ?

Les reconstitutions historiques sont de plus en plus nombreuses : on songe au film Le procès Goldman (2023), au premier volet et au deuxième volet de l’adaptation du roman d’Alexandre Dumas, respectivement Les Trois Mousquetaires : Milady (2023) et Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan (2023).

Apparemment, les maisons de production ont pris goût à l’histoire, la grande comme les petites, et financent tout projet qui s’y apparente. Tandis que Le conte de Monte-Cristo bat un record d’entrées au box-office, on se dit qu’on risque de voir nombre de fresques historiques, plus ou moins heureuses, dans les années à venir. En effet, comme l’a annoncé le producteur français Dimitri Rassam, le troisième volet des Trois Mousquetaires arrive bientôt sur les écrans, sans doute conforté par le succès de Monte-Cristo.

Ces derniers films cités s’en sortant mieux que Le Déluge de Jodice, peut-être parce qu’il s’agit d’adaptations d’œuvres littéraires…

Firouz E. Pillet, Locarno

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Firouz Pillet

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