Loin de Sils Maria de Michèle Kahn: Un voyage passionnant dans le passé et le présent tandis que nous suivons celui du petit gardien de chèvres qui a bâti l’empire Josty
Le jeune Gian, Johann Josty, vit une vie simple dans les Grisons. Gardien de chèvres, il aime Ladina avec qui il mange des noisettes en cachette. Joie simple pouvant paraître anecdotique, or elle changera complètement le cours de sa vie, car inattentif, une des chèvres se blesse. Par peur de la colère de son maître, il s’enfuit et décide d’aller rejoindre son oncle confiseur à Magdeburg. Et c’est ainsi que débute l’histoire du destin extraordinaire de Josty.
Ce voyage, un vrai périple à l’époque, surtout pour un gamin de 11 ans, est parsemé d’aventures parfois agréables parfois dangereuses ; il passe les frontières avec des contrebandiers, se guide en suivant l’étoile du nord et après des semaines d’épreuves qu’il affronte avec courage, il finit par arriver dans le duché de Magdeburg. Tout son périple est étayé d’informations et de références historiques sur les régions et pays qu’il traverse.
D’ailleurs tout le livre est une leçon d’histoire et parallèlement au destin de Johann, nous suivons de celui de Napoléon qu’il admire au début mais qu’il traitera de monstre à la fin.
C’est donc auprès de son oncle qu’il apprend le métier de confiseur. Son but est de gagner assez d’argent pour revenir au pays et épouser Ladina qu’il ne peut oublier. Des années d’apprentissage, de dur labeur et d’obstination feront de lui l’artisan confirmé qui connaîtra la célébrité.
Le livre fourmille d’anecdotes croustillantes, amusantes ou graves, qu’elles soient historiques, géographiques, ou littéraires, sans parler des détails incroyables sur la pâtisserie qui nous met l’eau à la bouche. Il y a sa rencontre avec Bonaparte à qui il offre un pâté que l’empereur lui demande de croquer d’abord par crainte d’être empoisonné. Qu’il est l’inventeur des bonbons à message et le développeur du concept du salon de thé. Que Heinrich Heine dans Lettres de Berlin loue les délices de Josty.
Michèle Kahn réussit aussi à partir d’une description du passé à la relier au présent avec humour, notamment, comment le village de Sils Maria que Johann découvre un jour à son retour, car après des années à Berlin, il a décidé de revenir vivre au pays, est « un petit village ensoleillé, encore réservé aux autochtones » et dans lequel se pressent aujourd’hui toutes les célébrités du monde. La construction du magnifique hôtel Waldhaus ou séjourneront entre autres, Herman Hesse, mais aussi Chagall et Rabindranath Tagore… ou comment le terme touriste né en 1803, désigne selon le Littré « des voyageurs qui ne parcourent des pays étrangers que par curiosité et désœuvrement… »
Loin de Sils Maria, Michèle Kahn, 288 pages, Les éditions Le Passage, 2018.
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Christine Gardon
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