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Mostra 2017 : Hafsteinn Gunnar Sigurðsson nous invite “Under The Tree” mais l’ombre de ce feuillu n’est pas de tout repos

Ce drame de Hafsteinn Gunnar Sigurðsson qui réunit Steinþór Hróar Steinþórsson, Edda Björgvinsdóttir, Sigurður Sigurjónsson est une coproduction entre l’Islande, la Pologne, le Danemark et l’Allemagne mais l’action se déroule à Reykjavík.

Découvrant en pleine nuit son mari en train de se masturber devant une vidéo porno qui le met en scène avec une ex petite amie, Agnes jette Atli hors du foyer conjugal avec l’interdiction perpétuelle de continuer à voir leur fille Ása. Atli retourne vivre avec ses parents dans un quartier résidentiel mais découvre le conflit larvé que ses parents et leurs voisins traversent : le jeune couple a décidé de de faire abattre le grand et majestueux arbre qui trône au milieu du jardin des parents d’Atli, prétextant que son ombre les importune. Alors qu’Atli se bat pour le droit à voir sa fille, la controverse avec ses voisins s’intensifie : la propriété des parents d’Atli est endommagée, les animaux de compagnie sont mystérieusement perdus, des caméras de sécurité sont installées, alors que la rumeur commence à circuler que le voisin semble être a été vu avec une tronçonneuse.

Under the Tree (Undir Trénu)
© La Biennale di Venezia

Présenté dans la section Orizzonti du 74ème Festival de Venise,  Under the Tree (Undir Trénu) du réalisateur islandais Hafsteinn Gunnar Sigurðsson est l’un des deux films de la catégorie “Horizons” qui ont été projetés ce 31 août.

Le thème principal du film est sans doute la désintégration des liens familiaux (qui semble un peu comme le thème de la section Orizzonti du 31 août) que le réalisateur choisit de raconter à travers deux histoires étroitement liées les unes aux autres. La première histoire concerne une “querelle de quartier” qui est née à cause d’un arbre planté dans le jardin d’un couple de retraités, Inga et Baldwin, dont les branches s’étendent jusque dans le jardin de leurs jeunes voisins,  Eybjorg et Konrad.

Malgré les plaintes de ces derniers, Inga et Baldwin n’ont pas l’intention d’intervenir. La femme de Baldwin, Inga, en particulier, éprouve colère et envie contre ses voisins et considère leur volonté de briser l’arbre comme un acte d’intimidation inacceptable. La femme souffrant de malaise psychique, qui se révélera toujours plus fort, causée par l’incapacité d’accepter la disparition de l’un de ses deux enfants, Ulli, l’aine, elle commence par se livrer à un bras de fer féroce avec ses voisins rivaux, destiné à croître inexorablement.

Under the Tree (Undir Trénu)
© La Biennale di Venezia

La deuxième histoire est celle d’Atli, le second fils d’Inga et Baldwin, qui a été surpris par sa femme de regarder cette vidéo amateur qu’il a tournée. L’homme se retrouve confronté à la crise familiale et la séparation de sa fille. Sa femme prend la décision de divorcer.

Les Scandinaves sont doués pour dépeindre par touches subtiles les fissures de certains microcosmes, la banalité du mal, la fatigue de la routine quotidienne, traitée avec une sécheresse typiquement nordique, parfois abrupte mais toujours juste. On songe à l’intensité de Festen (1998) de Thomas Vinterberg ou Jagten (2012). En apparence, il semble y avoir de l’amour au sein de ces familles mais, par touches successives, les fissures s’accentuent et les rancœurs s’exacerbent. Progressivement, insidieusement, les familles, dépourvues de sens de la vie en communauté, implosent.

Sensible, réaliste, puissant et couronné par une fin impitoyable, le drame de Hafsteinn Gunnar Sigurðsson s’apparente à une tragédie grecque. Nous sommes les vrais ennemis de nous-mêmes. Nous sommes la source de tous nos conflits, de nos malheurs et de notre désespoir.

Under the Tree (Undir Trénu)
© La Biennale di Venezia

Le réalisateur Hafsteinn Gunnar Sigurðsson souligne à propos de son film : « Chacun d’entre nous vit, sinon ensemble, au moins avec d’autres personnes. Mais faire partie d’une communauté est un compromis qui peut être à l’origine de problèmes majeurs. Les querelles entre voisins sont un phénomène horrible et fascinant : elles ont tendance à devenir plutôt brutales, mais elles sont aussi amusantes dans leur absurdité. Ils concernent habituellement des citoyens respectables qui n’ont jamais été impliqués dans des activités illégales qui, en raison de la colère et de la haine de leurs voisins, commencent à montrer des comportements agressifs et violents. En d’autres termes, une telle controverse met en évidence le pire des gens : ils pourraient même transformer votre grand-mère en un féroce assassin. Après tout, qu’est-ce que la guerre, sinon un conflit entre voisins, mais à plus grande échelle ? »

Et c’est cette banalité de la colère, de l’envie et de la férocité exacerbée que le cinéaste islandais est parvenu a si bien restituer.

Firouz E. Pillet de la Mostra 2017, Lido

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Firouz Pillet

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