Mostra 2023 : L’anno dell’Uovo (L’année de l’Œuf), de Claudio Casale, élaboré et produit au Biennale College, ou le culte de l’Œuf de la fertilité pur mieux renaître à soi
L’un des trois films présentés dans la section Biennale College, est le premier long métrage de Claudio Casale qui se déroule dans une communauté spirituelle où un jeune couple qui attend son premier enfant cherche à fuir des vices de la société pour donner la vie dans un havre sain et serein.
Le Romain Claudio Casale s’est consacré à son premier long métrage, développé et produit dans le cadre de la onzième édition de la Biennale College à San Servolo, une toute petite île de la lagune vénitienne, où le jeune cinéaste a pu entrer en contact avec des cinéastes et producteurs internationaux du plus haut niveau. Au Biennale College, il a appris comment faire un film en moins de douze mois avec un budget limité.
Divisé en trois parties intitulées Guscio (Coquille), Blanc (Albume), Tuorlo (Jaune), L’anno dell’Uovo suit le cheminement spirituel d’Adriano (Andrea Palma) et Gemma (Yile Vianello, vue cet été à Locarno dans La bella estate), un jeune couple qui attend leur premier enfant et qui a décidé de le faire naître loin d’un monde où l’esprit est embué, voire menacé par le travail, les contraintes sociales, le matérialisme et le profit sans oublier la menace croissante des réseaux sociaux.
Les deux jeunes gens se tournent alors vers la Communauté de l’Œuf : un groupe spirituel qui, sous la direction de la Gourou Rajani (Regina Orioli) accueille le jeune couple, assis devant un immense mandala rose et violet teint sur une immense toile de tissu. La gourou annonce les règles en vigueur au sein de la communauté et indiquant au jeune coule enthousiaste qu’elle attend désormais d’eux « dévouement et fiabilité ». Gemma est à cinq semaines d’aménorrhée, mais la cheffe spirituelle affirme avec fermeté déjà connaître le sexe de l’enfant comme elle assure aux futurs parents d’être connectée à son âme. Et quand Adriano mentionne son expérience dans un ashram indien, Gourou Rajani lui rétorque que vivre au sein de la Communauté de l’Œuf est « une expérience beaucoup plus grande », expliquant que la communauté vit dans la contemplation de la fertilité et passe les moments de repas, de méditation et de prière en communion, dans un doux mélange de mythologie égyptienne, d’hindouisme et de bouddhisme.
Claudio Casale alterne son récit avec des images, générées par ordinateur, de masses fluides, palpitantes, magmatiques, d’abord d’un rouge flamboyant – on saisit que le cinéaste vous nous plonger dans l’utérus de Gemma – puis dans un océan bleu où nage une nuée de spermatozoïdes, peut-être pour célébrer la vie, avec ou sans la bénédiction de l’Œuf.
Dans une atmosphère New Age, les sonorités du gong, des bols tibétains, le guzheng ou du dulcimer égaient le silence imposé par la gourou pour mieux se connecter à l’essence de l’Œuf d’Or – symbole de fertilité depuis l’époque égyptienne – qui domine le temple et qui fait songer aux décorations pascales des confiseurs.
Lors d’une cérémonie d’accueil, Gemma reçoit un œuf doré qu’elle doit précieusement garder dans sa chambre pour accueillir son enfant en lui assurant le bon déroulement de sa grossesse. La jeune femme intègre plus facilement cette étrange philosophie de vie qu’Adriano mais lorsqu’ils se sentent enfin tous deux partie intégrante de la communauté, la rigueur des pratiques leur paraît naturelle. Négociant l’autorisation de sortir pour le suivi de la grossesse de Gemma et les échographies, le jeune couple tarde à revenir à la communauté lors d’un contrôle médical et arrive en pleine nuit, attendu de pied ferme par un membre qui fait le guet, officiellement parce qu’il est inquiet. Il ne faut pas transgresser les règles strictes qui dictent les rituels quotidiens dans une routine méthodique auxquels le groupe de jeunes couples se soumet docilement. Celles et ceux qui les transgressent sont expulsés.
Mais un événement inattendu va soudain transformer ce lieu enchanté en un désert d’incompréhension et de solitude.
Ce premier long métrage de Claudio Casale, Cinema décrit de manière probante le microcosme d’une communauté sectaire qui s’insurge contre le matérialisme et le consumérisme que glorifient les sociétés actuelles et sait suggérer avec subtilité que, malgré un discours très rôdé de bienveillance et d’amour universel, nulle tolérance n’est accordée aux imperfections, même infimes, des êtres humains.
Le film ne prend pas le parti de la communauté, mais ne la diabolise pas non plus, laissant l’interprétation du rebondissement final libre à chacun.e. Si l’intention initiale de Claudio Casale était d’aborder l’abondance contemporaine des mouvements spirituels et des pratiques New Age, on adhère à son projet qui perd progressivement l’attention du public faute d’approfondir les arcanes de son sujet.
Firouz E. Pillet, Venise
j:mag Tous droits réservés