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Présentée en première mondiale lors des Journées de Soleure : la collection de courts métrages documentaires FUTURA! Vol. 2

FUTURA! Vol. 2 est une collection documentaire produite par Akka Films, en collaboration avec Cinédokké, Dschoint Ventschr Filmproduktion et la SSR-SRG avec ses trois antennes linguistiques. Comme pour le premier volet, sorti en 2022, le projet réunit dix jeunes cinéastes suisses issu∙es de divers horizons linguistiques et culturels, chacun∙e réalisant un court-métrage d’environ 15 minutes.

Bodybuilding de Sarah Imsand
@ Akka Films -Sarah Imsand

Ces films esquissent une mosaïque de portraits de communautés, des plus intimes aux plus représentatifs d’un monde en pleine mutation. À travers leur regard sur l’avenir, les personnages explorent des thématiques telles que le vivre-ensemble, les marges, l’altérité, l’engagement et la diversité des futurs possibles. Chaque cinéaste apporte sa propre perspective et son approche dans un format qui lui permet de tracer son propre chemin cinématographique.

Chaque épisode met en lumière des personnages singuliers et leur lien avec leur communauté. Ce projet innovant, dirigé artistiquement par Nicolas Wadimoff (Jean Ziegler, l’optimisme de la volonté, 2017 ; L’Apollon de Gaza, 2018), se distingue par son approche collaborative et immersive, où les protagonistes participent activement à leur propre représentation.

Le résultat est un kaléidoscope engagé et engageant de la jeune scène cinématographique suisse, enrichi par la collaboration entre les différentes régions linguistiques. Destiné également à un jeune public, le projet se déploie au-delà des circuits traditionnels — tels que les festivals, notamment les Journées de Soleure — en investissant les canaux numériques et les réseaux sociaux.

La collection documentaire s’inscrit dans la continuité de la première saison et explore des thématiques liées à la diversité sociale et culturelle en Suisse, au vivre-ensemble et à l’altérité. En mettant en lumière des parcours individuels, elle propose une réflexion plus large sur la société et ses mutations.

Les 10 courts-métrages

Parmi les dix films présentés, trois se déroulent dans l’univers du sport. Leurs protagonistes, chacun animé par sa passion, empruntent des trajectoires différentes, mais tous sont en quête, de manière déterministe, d’un chemin de vie.

Bodybuilding de Sarah Imsand suit Vanessa, une jeune sportive de haut niveau, originaire du Cap-Vert, née au Portugal et travaillant en Suisse comme esthéticienne. Récemment, elle s’est lancée dans le bodybuilding, une discipline qui rythme désormais toute sa vie. « Le sport est pour moi un antidépresseur », confie-t-elle. Enfant, elle était considérée comme obèse et reste marquée par cette image négative d’elle-même. Nous la suivons dans sa préparation pour sa prochaine compétition, qu’elle veut absolument remporter. Plus qu’un simple défi sportif, elle y voit un moyen d’être reconnue comme une battante, une athlète capable d’endurance et de dépassement de soi. Entre muscles saillants, bikini et paillettes, la pratique du bodybuilding demeure socialement peu comprise et encore sujette aux jugements. Certaines pratiquantes se retrouvent même coupées de leur entourage, ami∙es ou famille. Mais pour Vanessa, ce sport est une révélation : il lui a appris à s’aimer et à se respecter. Aller au bout de ses limites physiques est, pour elle, un chemin vers une (re)connexion à sa propre psychologie. « Le sport peut sauver des vies, aider à avancer, même quand tout s’effondre autour de soi », conclut-elle.

Dans Objectif perfection d’Alan Sahin, l’énergie positive du sport ne saute pas immédiatement aux yeux. Au contraire, la pression que subissent les jeunes athlètes de haut niveau peut entraîner des déséquilibres dans leur développement personnel.
Anna fait partie des golfeuses les plus talentueuses de Suisse et rêve de devenir professionnelle. Dès les premières images, filmées en fish-eye, on comprend que sa vie gravite entièrement autour de ces balles blanches qui fusent dans les airs. Elle participe à un camp de sélection pour les championnats d’Europe, où six places sont en jeu.
Sujette à l’anxiété scolaire, elle confie que depuis la fin de sa scolarité, elle se sent mieux, tout en ajoutant : « Je pense aussi que les antidépresseurs aident. » Désormais, la pression repose sur son avenir sportif et sa quête de perfection. Soutenue par une famille qui croit en elle, Anna adopte une philosophie résiliente : si une porte se ferme, d’autres s’ouvriront. C’est ainsi que nous la quittons dans un cadre visuel en écho aux premières images, comme une métaphore de son univers rond, où l’on espère qu’elle trouvera enfin son équilibre intérieur.

Rollstuhl Rugby de Tobias Wanner
© Dschoint Ventschr Filmproduktion – Tobias Wanner

Sport méconnu, le rugby en fauteuil est un sport de contact à part entière, au même titre que le rugby valide. Au-delà de l’aspect sportif, il favorise une plus grande autonomie au quotidien et aide à surmonter de nombreux obstacles. C’est ce que met en lumière Tobias Wanner dans Rollstuhl Rugby, à travers le parcours de Sam, devenu paraplégique après un accident de surf. Dès les premiers instants suivant l’accident, il s’est efforcé de retrouver un maximum d’autonomie. La découverte du rugby en fauteuil lui permet non seulement de renouer avec la compétition, mais aussi d’appréhender sa nouvelle vie avec une énergie positive. Aux côtés de son meilleur ami Yves, il nourrit un rêve : participer aux Jeux paralympiques. Ensemble, ils rejoignent l’équipe nationale suisse et s’envolent pour la Nouvelle-Zélande, où ils se battent pour décrocher leur qualification.

La quête d’identité est un fil rouge qui traverse tous les films, mais elle s’incarne particulièrement dans Kenzi de Dylan Taher et Falene de Chiara Toffoletto et Antonino Mangiaracina.

Kenzi, 20 ans, vit à Genève dans un quartier populaire qu’elle considère comme chaleureux. Sa mère, bien que soucieuse de son avenir en tant que danseuse de hip-hop, la soutient dans sa passion. Pour Kenzi, cette discipline est un véritable moteur d’accomplissement personnel. Après une altercation avec un jeune du quartier qui remet en question sa légitimité en tant que femme dans cet univers, elle se sent incomprise. Pourtant, avec certains garçons du quartier, elle entretient des relations plus complices. Entourée de ses amies danseuses, elle partage ses aspirations et rêve de rendre fiers ses proches, espérant être pleinement acceptée comme artiste dans son milieu.

Depuis toujours, la sexualité exacerbée de Miriam l’a marginalisée et fait se sentir exclue. Récemment, elle a commencé à travailler comme travailleuse du sexe dans un établissement érotique à Chiasso, au Tessin. « Je pense que j’ai une vocation pour ce travail, même si cela peut sembler étrange à dire », confie-t-elle.
Contrairement à nombre de ses collègues qui, sous le poids de la stigmatisation et des préjugés, préfèrent se réfugier dans l’anonymat, Miriam a choisi de vivre à la lumière. Elle refuse les jugements et, surtout, rejette toute forme de honte.

À l’intersection de la quête d’identité et de la recherche d’une forme d’expression, se trouvent Mehkala d’Elena Petitpierre et Leo de Valentina Shasivari.

Mehkala est une jeune femme qui a toujours recherché la douleur. Dans la rue, elle essuie fréquemment des insultes et des regards jugeants. Sa pratique dérange, et la question se pose : pourquoi rechercher la douleur, la choisir et l’orchestrer ? Ancienne sportive de haut niveau en patinage artistique, Mehkala a vu son corps endommagé, subissant des douleurs violentes et handicapantes. Elle a découvert le shibari, une technique d’encordement du corps liée au BDSM. Pour elle, cette douleur est celle qu’elle peut contrôler, sur laquelle elle peut exercer un pouvoir. Ce contrôle lui permet également un « lâcher-prise physique et mental ; cela devient un moment assez serein ».
Qu’elle soit érotique ou non, elle utilise son art pour prendre soin d’elle-même et des autres, en donnant également des cours. Sa pratique s’inscrit dans une dynamique de responsabilité envers autrui, puisqu’elle n’est pas dénuée de danger. L’idée sous-jacente de son approche est de se demander pourquoi la douleur inspire tant de peur, et sa démarche consiste à l’expérimenter et à la comprendre.

Avec un fil de laine et l’aide de Lele et Sandy, Leo crochète un accessoire qui remet en question la binarité de genre. « À partir d’un fil, je peux créer ce que je veux, et cette création peut prendre des formes différentes que je peux changer à ma guise. Le fil est mon corps et la base à partir de laquelle je peux créer une expression de moi-même et de mon identité. » Iel s’identifie comme non-binaire, mais dans une société structurée autour de deux pôles, Leo éprouve des difficultés à s’affirmer dans cette variation. Le trio surmonte les défis d’une société queerphobe, tout en renforçant des liens d’amitié et de solidarité. Maille après maille, se tisse le rêve d’un autre monde.

La solidarité est également au cœur de deux films qui prennent forme dans Lora Jane d’Antoine Harari et Valeria Mazzuchi, à travers la sororité, et dans Anstadt de Taina Lopez, à travers le collectif.

Lora Jane est l’histoire de l’une de ces travailleuses « invisibles » de nos villes, ici Genève. Venue des Philippines pour offrir un avenir à ses enfants, elle vit dans la clandestinité, un statut dangereux au quotidien et marqué par la précarité. Tout est lutte : avoir un toit, travailler, supporter la séparation avec sa famille, ne pas se faire remarquer, car la peur de l’expulsion plane constamment. Pourtant, au milieu de ces difficultés, une communauté composée presque exclusivement de femmes se forme, une « famille loin de la maison », unie par des traditions communes et un instinct de survie.

Anstadt de Taina Lopez
© Dschoint Ventschr Filmproduktion – Taina Lopez

Dans un endroit idyllique de la ville de Berne, au bord de l’Aar, un collectif a fondé Anstadt, un lieu dédié à la réalisation d’un mode de vie alternatif. Pratiquant le collectivisme démocratique populaire, iels partagent le désir de créer du changement. Dans leur vie quotidienne commune, iels rencontrent des obstacles pratiques, mais aussi des limites personnelles. Toutefois, iels découvrent également de nombreuses opportunités et révèlent des capacités d’organisation, d’autonomie, de construction, etc. Leur avenir reste incertain, mais leur rêve est celui d’un monde où la solidarité et l’anticapitalisme occupent une place centrale.

Enfin, Senshi Suni de Valentin Raeber explore le refuge que peut offrir le numérique à des personnes vivant une vie solitaire. Suni, retirée dans son petit appartement, se plonge dans le monde du streaming. Sous le pseudonyme Senshi Suni, elle diffuse des jeux de tir à la première personne, trouvant non seulement du réconfort et un soutien financier dans sa communauté grandissante, mais aussi un « safe space » pour elle-même et pour les autres. Tout en luttant pour sa guérison mentale – elle a effectué plusieurs séjours en clinique – Suni doit également faire face au sexisme omniprésent et aux côtés sombres de la vie en ligne.

Malik Berkati

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