j:mag

lifestyle & responsible citizenship

Cinéma / KinoCulture / Kultur

Sauve qui peut d’Alexe Poukine : le jeu pour surmonter la violence de la réalité. Rencontre avec la réalisatrice

La cinéaste belge immerge le public au cœur des pratiques de simulations humaines en milieu médical, où le jeu de rôle se met au service de l’apprentissage de l’empathie, de l’écoute des patients·es et des autres soignant·es et de la communication.

Sauve qui peut d’Alexe Poukine
Image courtoisie AndanaFilms

Née en 1982, Alexe Poukine a suivi les cours d’art dramatique puis étudié l’ethnologie, la réalisation documentaire puis l’écriture scénaristique. Petites morts (2008), son film de fin d’études, a été sélectionné dans plusieurs festivals internationaux. Son premier long métrage documentaire, Dormir, dormir dans les pierres (2013) rencontre le même succès.

En 2019, elle réalise le documentaire Sans frapper dans lequel elle aborde la thématique du viol. Le film a été sélectionné dans plus de quatre-vingts festivals internationaux. Il a reçu le Prix du Jury du long métrage le plus innovant de la Compétition Internationale du Festival Visions du Réel, le prix du Meilleur long-métrage au Festival Dei Popoli ainsi que de nombreuses autres récompenses. Son moyen métrage de fiction, Palma (2020), a lui aussi été sélectionné par de nombreux festivals.

Avec Sauve qui peut, Alexe Poukine nous entraîne à l’hôpital, filmant des soignantes et des soignants qui interrogeant leur pratique lors d’ateliers de simulation avec des comédien·nes. Pour annoncer un cancer ou accompagner ses proches, l’empathie avec le patient se travaille, s’apprend et peut se perdre au fil des années de pratique. Malgré une certaine routine dans les actes ou les protocoles, les soignant·es doivent conserver une attention et une vigilance face aux collègues en burn-out. En immersion au sein de ce microcosme comme le faisait l’un de ses mentors en anthropologie par le biais de l’observation participante, Pierre Bourdieu, Alexe Poukine explore le milieu hospitalier et les symptômes d’une crise structurelle d’un système voué au libéralisme. Un système nourri par le capitalisme qui porte aux nues les résultats et finit par oublier l’humain.

Dans l’Europe francophone, ce sont les Suisses qui sont les plus avancés en ce qui concerne les pratiques de simulations humaines en milieu médical. C’est ici que la réalisatrice a reçu un accueil chaleureux au CHUV, à Lausanne, où la présence de ses caméras n’a posé aucun problème. En France, il existe de plus en plus de pratiques de simulations humaines en milieu médical, en Belgique aussi, mais Alexe Poukine a eu plus de tracasseries administratives pour obtenir des autorisations de filmer.

À travers les saynètes jouées par le Théâtre des Opprimés – constitué de soignant·es – Sauve qui peut met en lumière un système qui nous oppresse et la manière dont on participe, la plupart du temps inconsciemment, à ce système. Alexe Poukine démontre comment on est souvent à la fois victimes, bourreaux et témoins et dans quelles conditions on peut être bienveillant, et parfois maltraitant, au sein d’un système maltraitant. La cinéaste a voulu faire un film sur la simulation et la violence qui est faite aux patients et patientes en incluant la violence qui est faite aux soignantes et soignants.

De passage à Genève pour présenter son film, la cinéaste nous a donné quelques clefs de lecture sur son travail en immersion et nous a expliqué combien son regard a changé sur l’univers hospitalier après cette expérience. Hors micro, devant notre curiosité face à son patronyme russe, Alexe Poukine nous a confié qu’il signifie « petit flocon de pollen au printemps ».

Alexe Poukine a en effet la délicatesse d’un flocon de pollen, la légèreté d’une sylphide, mais comme le pollen, elle se pose partout, en particulier sur les maux de notre société, pour les observer, les scruter, les ausculter. Rencontre:

 

Firouz Pillet

© j:mag Tous droits réservés

Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

Firouz Pillet has 1087 posts and counting. See all posts by Firouz Pillet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*