Scènes du Grütli : Éric Devanthéry essaime l’art théâtral à la rencontre de ses publics. Rencontre
Pour sa seconde saison à la tête des Scènes du Grütli, le directeur s’inspire de la littérature pour proposer une programmation orientée vers les questions tant écologiques, politiques que sociologiques de notre époque et en poursuivant le décloisonnement des genres théâtraux.
© David Mayenfisch
Né en 1974 à Genève, Éric Devanthéry œuvre comme metteur en scène, traducteur, dramaturge. Ayant fait sa formation à l’ESAD et à l’Université de Genève (français moderne, philosophie, anglais), il travaille comme assistant de Thomas Ostermeier à la Schaubühne Berlin (2002). Il a donné des cours de théâtre pour l’Université de Genève (2005-2008) et a dirigé deux master classes pour metteurs en scène à Osaka et Tokyo autour de Monsieur Bonhomme et les incendiaires de Max Frisch.
Alors qu’il est directeur du Théâtre Pitoëff de 2015-2018, Éric Devanthéry a cofondé en 2016 le TAMCO, Théâtre d’art moderne & contemporain, avec Pierre Dubey, Yvan Rihs, Erika von Rosen et Xavier Fernandez Cavada. Ses mises en scène ont été jouées sur les scènes du Théâtre Pitoëff, Le Poche, La Comédie de Genève, L’Orangerie, L’Alchimic, L’Alhambra, Le Grütli à Genève, et en tournées en Suisse romande et en Suisse allemande. Shakespeare, Schiller, Büchner, Tchekhov, Ibsen ou Hugo n’ont plus de secret pour ce philologue et traducteur à l’aise dans plusieurs langues.
En rebaptisant le théâtre Scènes du Grütli, Éric Devanthéry a allié la sémantique à l’acte en réussissant la gageure de diversifier les publics, d’une part en remplissant les deux salles du théâtre et, d’autre part, en proposant du théâtre extra-muros dans des lieux insolites. Des expériences théâtrales qu’il appelle ses «pop-up», des propositions mues par le désir de diversification des publics et une volonté pugnace d’abolir les distinctions entre les différentes formes théâtrales. En accordant le vocable «Scènes» au pluriel, Éric Devanthéry a fait le choix de diversifier et d’élargir la palette des propositions qui vont du théâtre classique au théâtre contemporain, en passant par la chorégraphie ou par une performance. On se laisse imaginer un jour de l’art circadien…
Pour sa deuxième saison, le directeur continue à proposer une affiche basée sur des « horizons poétiques », formule qu’il affectionne et l’amène à accueillir les divers spectacles durant trois semaines de représentation pour favoriser le bouche-à-oreille et permettre à tout un chacun·e de les découvrir. Pour consolider les ramifications des trois saisons qui s’imbriquent de manière symbiotique, Éric Devanthéry a su s’entourer de son équipe du Grütli, de ses fidèles collaborateur·trices et comédien·nes, dont sa compagne, l’actrice Rachel Gordy. Dans l’organigramme des Scènes du Grütli qu’il dirige, Éric Devanthéry refuse la hiérarchie et place tout·es sur un pied d’égalité, mis·es en valeur pour son expertise, ses compétences et sa singularité.
Très sensible à la cause écologique, Éric Devanthéry pratique la course à pied, la natation en eau froide, et le ski. Il se déplace exclusivement à vélo ou en transport public. Fidèle à sa philosophie de vie, il a convié la presse à déambuler entre les rives de l’Arve en passant par la Vieille Ville pour présenter cette seconde saison. Le programme de la saison 2025-2026, qui commence par un partenariat fructueux avec le Festival de la Bâtie, inclut des «pop-up» théâtraux qui quittent le cadre institutionnel de l’institution genevoise pour sillonner d’autres territoires – appartements, serre tempérée du Jardin botanique… – en nourrissant le désir d’aller vers des primo spectateur·trices pour susciter l’envie de franchir le pas et de venir ensuite au théâtre.
Après la première saison qui s’intitulait L’arbre-monde, inspirée de Richard Powers, cette seconde saison 2025-2026 est inspirée, entre tellurique et cosmique, par Les racines du ciel de Romain Gary, et sera suivie par Un lieu à soi de Virginia Woolf. Le leitmotiv d’Éric Devanthéry : des « horizons poétiques » qui consolident les ramifications entre ces trois saisons et suscitent un stimulus pour une imagination galopante.
Le directeur de théâtre nous a accueillies dans son bureau où il s’est entouré de plantes vertes qui s’épanouissent de manière luxuriante, non pas grâce à la luminosité ou la blancheur des murs, mais très certainement par l’émulation créatrice qui bouillonne en ces lieux. Trônant haut perchée, une Monstera deliciosa s’épanouit au point qu’il a fallu lui couper quelques feuilles. À ses côtés, un Aloe Vera que le directeur des lieux a choisi pour ses vertus curatrices, et deux autres plantes grimpantes dont il espère qu’elles parviendront à végétaliser la pièce. Affectionnant le côté organique des livres qu’il aime feuilleter, parcourir, annoter, Éric Devanthéry a rempli ses étagères de livres, dont certains jouent un rôle particulier dans sa vie. Rencontre:
Firouz E. Pillet
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