Cinéma / KinoCulture / Kultur

Sundance Film Festival : la cinéaste flamande Veerle Baetens présente Het smelt (When It Melts) en première mondiale

La comédienne flamande Veerle Baetens, désormais réalisatrice, a présenté en première mondiale son premier long métrage, Het smelt, une adaptation du roman éponyme de l’autrice flamande Lize Spit, publié dans la version francophone sous le titre de La Débâcle.

Het smelt (When It Melts) de Veerle Baetens
Image courtoisie Savage Film – PRPL – Versus Production

L’année où Eva (la nouvelle venue, Rosa Marchant, qui interprète de manière époustouflante la jeune Eva) est née, seuls deux autres enfants sont nés dans le petit village flamand de Bovenmeer; tous deux sont des garçons. Eva et sa petite sœur Elisa (Charlotte Van Der Eecken) sont très proches, presque fusionnelles, pour se rassurer quand les disputes entre leurs parents éclatent. Le père (interprété par Sébastien Dewaele) se terre dans le déni, ignorant ses filles; la mère (interprétée par Naomi Vellisariou), peu affectueuse envers ses enfants, en particulier Eva qui quémande quelques marques d’affection, se noie dans l’alcool.

Les sorties avec ses deux amis du village sont une véritable bouffée d’oxygène pour Eva. Les trois enfants profitent ensemble de leur enfance, partageant avec complicité des après-midi dans la piscine gonflable, des balades à vélo, des jeux innocents… Jusqu’à la puberté. Tout à coup, d’autres relations naissent, faites de prise de pouvoir entre dominants et dominés. Les garçons élaborent des plans tendancieux et cruels que la jeune et timide Eva accepte afin de continuer à faire partie du groupe d’amis. Eva fait ce choix par contrainte même si la tournure que prennent les jeux l’inquiète.

Veerle Baetens choisit d’élaborer son récit sur plusieurs niveaux temporels, alternant les vacances scolaires durant un été suffocant et la vie actuelle d’Eva (Charlotte De Bruyne, excellente, tout en nuances), jeune femme réservée, taciturne, qui travaille comme assistante d’un photographe à Bruxelles. Eva partage son appartement bruxellois avec sa jeune sœur, mais le jour où celle-ci décide d’emménager avec un ami, ne lui laissant que leur tortue, Molly, comme colocataire, Eva perd pied et décide de braver les personnes qui ont causé son mal-être.

Elle retourne dans son village natal pour affronter son passé et y livrer un message qui restera à jamais dans les mémoires des villageois. Eva y revient avec un bloc de glace dans le coffre de sa voiture. Un bloc qu’elle a soigneusement préparé, entretenu, préparé. Peu à peu, il devient clair pour le public que cette fois, c’est Eva qui détermine les plans et les règles du « jeu », contrairement à son enfance.

Le roman flamand Het Smelt, publié en 2016, avait été un phénomène de librairie. Le film reste fidèle au roman et Veerle Baetens réussit à le retranscrire sur grand écran, procédant par touches progressives, semant des indices discrets tels des cailloux qui jalonnent un chemin à parcourir pour atteindre la catharsis. La réalisatrice maintient tout au long du film son alternance temporelle du récit, entre les vacances estivales de la jeune Eva et son présent.

Il est de notoriété publique qu’il n’y a rien de plus difficile pour un cinéaste que de tourner avec des enfants et des animaux. Si les animaux se limitent ici à un cheval, un chien et quelques poules, les enfants sont nombreux et Veerle Baetens s’en sort avec brio, donnant à chaque enfant un rôle complexe et une partition bien définie qu’elle a su mettre en valeur, orchestrant avec dextérité les relations tortueuses qui se développent au fil des ans.

La jeune Rosa Marchant, dans le rôle de la jeune Eva, livre une interprétation magistrale et retient tous les regards. Dans une performance déchirante qui risque fort de mettre certaines personnes mal à l’aise, Rosa Marchant étoffe les affres traversées par son personnage et passe ainsi magnifiquement le relais à Charlotte De Bruyne pour incarner Eva adulte. Les spectatrices et les spectateurs de Het smelt ne ressortent pas indemnes de la projection.

Il y a quelques mois, Close, de Lukas Dhont, avait livré un portrait poétique et poignant d’adolescents, en dépeignant les conséquences d’une amitié autrefois étroite entre deux jeunes garçons, alors qu’ils entrent dans le monde oppressant du lycée qui juge, catalogue, étiquette et ostracise, réécrivant les amitiés. Sa compatriote Veerle Baeten signe un premier long métrage réussi, parfaitement abouti et dirigé, livrant une histoire émotionnellement puissante sur un destin torturé. À croire que les Flandres belges sont un vivier de jeunes cinéastes !

Que ce soit pour la réalisatrice comme pour ses comédiennes et ses comédiens, talents à vivre !

Firouz E. Pillet

j:mag Tous droits réservés

Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

Firouz Pillet has 1053 posts and counting. See all posts by Firouz Pillet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*