Tournée du Théâtre National Palestinien à Ivry, Strasbourg et Genève
Des Roses et du Jasmin
Des Roses et du Jasmin est un projet collaboratif conçu suite à un atelier de recherche qui a eu lieu au Théâtre national palestinien à Jérusalem du 26 mai au 6 juin 2014 avec les acteurs du théâtre, le dramaturge uruguayen Gabriel Calderón et Adel Hakim, metteur en scène, dramaturge et co-directeur du Théâtre des Quartiers d’Ivry. A partir de cet atelier, Adel Hakim a établit un synopsis puis écrit la pièce au cours de l’été 2014. Le dramaturge algérien Mohamed Kacimi a participé à la création du spectacle à Jérusalem en été 2015 et a écrit un journal de bord de cette expérience.
Le spectacle relate le parcours, à travers trois générations de 1944 à 1988, d’une famille dans laquelle convergent les destins de personnages Israéliens et Palestiniens, incluant chansons, danses et narration d’événements historiques par un chœur.
Adel Hakim sur la pièce
Dans les années quarante, l’Angleterre occupe la Palestine. Une jeune juive venue de Berlin, Miriam, tombe amoureuse de John, un officier anglais. Ils auront une fille, Léa. Dans les années soixante, Léa tombe amoureuse de Mohsen, un jeune palestinien. Ils auront deux filles, Yasmine et Rose. Vingt ans plus tard, au moment de l’Intifada de 1988, Yasmine et Rose se trouveront dans deux camps opposés.
La Tragédie Grecque a servi de modèle pour ce spectacle. L’intime y est mis en rapport avec la société et le monde. Le spectateur se trouve alors seul juge des actes des protagonistes. Le poids du passé, pour tout individu, quel qu’il soit, détermine son identité, son inconscient, ses actions, son destin. Il y a certes une part de libre arbitre dans nos choix et dans nos projets de vie. Mais nous sommes constitués, génétiquement et culturellement, de ce que les générations précédentes ont construit et nous ont légué. Il est fort difficile de se libérer, ne serait-ce que partiellement, de ce poids du passé. A moins d’avoir conscience qu’il existe. Et d’en parler.
Dans Des Roses et du Jasmin ce n’est pas seulement du Moyen-Orient qu’il s’agit ou de communautés particulières. C’est ce que nous vivons tous, d’une manière ou d’une autre.
Antigone
La Comédie de Genève profite de la présence du Théâtre national palestinien pour présenter une deuxième pièce à son répertoire, également mis en scène par Adel Hakim, Antigone – un succès qui a voyagé à Chypre, en Belgique et en France où il a reçu le Prix du « meilleur spectacle étranger 2012 ». Le Théâtre des Quartiers du Monde d’Ivry remet également à l’affiche cette pièce à cette occasion.
Antigone refuse de se soumettre à la loi du roi Créon, qui interdit que son frère soit enterré selon le rite. La dispute politique et religieuse entre les deux personnages ouvre la porte des Enfers où s’engouffrent les vivants, dans une fuite effrénée vers la folie et l’anéantissement. Nulle noirceur ici pourtant : Antigone est un chant d’amour, d’espoir, qui ranime le goût pour la lutte et pour la vie.
Adel Hakim sur la pièce
Ce qui m’a frappé, dès les premières répétitions, c’est la compréhension intime, en profondeur, que l’équipe artistique palestinienne – et en premier lieu les acteurs – avait de l’esprit de Sophocle et de la Tragédie grecque. Comme l’a dit un jour avec beaucoup d’humour Hussam Abu Eisheh qui interprète le rôle de Créon : «Nous comprenons Sophocle parce que la tragédie palestinienne est beaucoup plus ancienne que la tragédie grecque ».
Le défi lancé par Antigone à l’autorité répressive, associé à sa décision de mourir au nom de ses convictions, voilà ce qui en fait une figure palestinienne, une représentante de cette jeunesse que l’on peut croiser tous les jours dans les rues de Jérusalem, de Naplouse, de Ramallah…
Dans le spectacle, on entend la voix de Mahmoud Darwich, une voix qui a été associée, les dernières années de sa vie, aux musiques du Trio Joubran. Leur musique, la voix du poète, les artistes palestiniens qui ont créé ce spectacle, tout cela est au service de la pièce de Sophocle, si lointaine avec ses 2500 ans d’existence et si proche de par sa vérité humaine.
Le grand poète palestinien disait d’ailleurs de lui-même: «J’ai choisi d’être un poète troyen. Je suis résolument du camp des perdants. Les perdants qui ont été privés du droit de laisser quelque trace que ce soit de leur défaite, privés du droit de la proclamer. J’incline à dire cette défaite ; mais il n’est pas question de reddition ».
Le Théâtre national palestinien
Le Théâtre national palestinien est situé dans la banlieue de Jérusalem. Quand on dit «Théâtre national», cela suppose une institution financièrement soutenue par un gouvernement. Or, suivant les accords bilatéraux entre l’État d’Israël et l’Autorité palestinienne, celle-ci ne peut subventionner des institutions à Jérusalem. le Théâtre national palestinien étant légalement enregistré à Jérusalem, il pourrait faire des demandes de subventions auprès du gouvernement israélien. Mais, en tant qu’organisation palestinienne, la direction du Théâtre écarte cette possibilité afin de préserver sa liberté de programmation. Par conséquent, le Théâtre ne fonctionne grâce aux aides internationales et des partenariats avec l’étranger pour la poursuite de son activité en tant qu’unique théâtre palestinien de la cité de Jérusalem. Amer Khalil, le directeur, court donc après les dons et les aides pour que le lieu fonctionne. Faire du théâtre en Palestine est un sacerdoce. Pour surmonter l’enfermement permanent de Jérusalem, ville sous occupation, et afin de maintenir des liens solides avec la communauté palestinienne, le Théâtre national palestinien organise des tournées et des programmes avec des théâtres de Cisjordanie. Ces programmes «hors les murs » sont un moyen d’amener le théâtre à des publics qui n’ont pas la possibilité de se déplacer vers le théâtre et de rapprocher la communauté palestinienne de différentes formes d’art. Depuis de nombreuses années et malgré les épreuves qu’il a dû affronter en des temps difficiles, le Théâtre national palestinien a collaboré avec de nombreux partenaires de France (Le Théâtre des Bouffes du Nord, le Théâtre des Quartiers d’Ivry, la Compagnie La Barraca, Festival de Marionnettes de Charleville,…), de Norvège, d’Angleterre, des États-Unis, du Danemark, de Hollande..
Des Rose et du Jasmin
texte et mise en scène : Adel Hakim
avec les comédiens du Théâtre national palestinien : Hussam Abu Eisheh, Alaa Abu Garbieh, Kamel Al Basha, Mahmoud Awad, Amira Habash, Faten Khoury, Sami Metwasi, Lama Namneh, Shaden Salim, Daoud Touta
20 janvier – 5 février 2017: Manufacture des Œillets / La Fabrique
25 février 2017: La Comédie de Genève
28 février – 8 mars 2017: Théâtre National de Strasbourg
Antigone de Sophocle
texte arabe : Abdel Rahman Badawi
texte français : Adel Hakim
mise en scène : Adel Hakim
avec les comédiens du Théâtre national palestinien : Hussam Abu Eisheh, Alaa Abu Garbieh,Kamel Al Basha, Mahmoud Awad, Yasmine Hammar, Shaden Salim, Daoud Toutah
Musique: Trio Joubran
5 – 15 janvier 2017 : Manufacture des Œillets / La Fabrique
21-23 février 2017 : La Comédie de Genève accompagné d’une conférence de Charles Méla le samedi 25 février 2017 à 11h autour d’Antigone.
Les spectacles sont en langue arabe sur-titrés en français.
édité par Malik Berkati
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