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Tove : Alma Pöysti fait des étincelles en incarnant la jeune Tove Jansson dans la dernière réalisation de Zaida Bergroth

Le film finno-suédois Tove bat des records, étant le film le plus vu en Scandinavie. Cette biographie de Tove Jansson a déjà été vendue dans plus de trente pays, selon les informations fournies par la productrice Andrea Reuter. Tove nous entraîne à Helsinki en 1945. La fin de la guerre apporte un nouveau sentiment de liberté artistique et sociale pour la peintre Tove Jansson, célèbre créatrice des Moumines. Dans une ville en reconstruction, l’Art moderne, les fêtes vertigineuses, voire débridées sont le quotidien de Tove Jansson qui entame une relation ouverte avec un homme politique marié (Shanti Roney) : sa vie peu conventionnelle la met en contradiction avec les idéaux stricts de son père sculpteur. Le désir de liberté de Tove est mis à rude épreuve lorsqu’elle rencontre la metteur en scène Vivica Bandler (Krista Kosonen). Son amour inconditionnel pour Vivica est électrique et dévorant, mais Tove commence à se rendre compte que l’amour qu’elle désire vraiment doit être réciproque.Par la suite, elle fait connaissance de Tuulikki Pietilä (Joanna Haartti), à la fidélité inébranlable.

— Alma Pöysti – Tove
© Sami Kuokkanen

Pour ce biopic de l’artiste Tove Jansson (1914-2001), la réalisatrice Zaida Bergroth s’est imprégnée de la biographie de l’artiste peintre finlandaise Helene Schjerfbeck, Helene (2020), film réalisé par Antti J. Jokinen. Comme nous l’apprend le site finlandais kulttuuritoimitus.fl, le film Helene, dont la première a eu lieu au début de l’année, a été critiqué pour ses protagonistes finno-suédois parlant le finnois. Ainsi, Zaida Bergroth a choisi que la langue de Tove soit le suédois.

Le film de Zaida Bergroth remonte donc à 1944, lorsque Jansson a commencé sa carrière à Helsinki, ravagée par la Seconde guerre mondiale et l’histoire que retrace ce biopic se termine au milieu des années 1950, lorsque l’artiste fait sa percée internationale en commençant à dessiner ses Moumines pour The Evening News. Suivant l’avancement de sa carrière, le film de Zaida Bergroth montre Tove Jansson tant comme autrice de livres destinés à la jeunesse mais aussi comme créatrice d’art, de publicité, sans oublier l’amour et ses multiples passions.La réalisatrice brosse un portrait subtil au travers du cheminement de cette jeune femme qui fait de l’art tout en s’en nourrissant, cherchant avec fougue et obstination l’amour, et par ce biais son équilibre existentiel en bravant les contraintes de l’époque.

Les cinéphiles avaient déjà pu apprécier les compétences scénographiques, filmographies et de metteuse en scène de Zaida Bergroth dans ses précédents films Skavaböle pojat (2009), The Good Son (2011), Miami (2017) et Maia’s Paradise (2019). Zaida Bergroth a choisi de limiter le biopic dans le temps, se concentrant sur les années quarante et cinquante et le scénario a été écrit par Eeva Putro : l’époque couvre exactement la période où Tove Jansson a lutté avec la peinture à l’huile, a réalisé ses premières œuvres Moumines, a commencé cette épopée incroyable qui débouchera sur sa renommée mondiale. Peut-être le reproche que l’on puisse faire à Zaida Bergroth est d’avoir quelque peu laissé dans le flou la genèse des Moumines : le film ne mentionne même pas que le premier livre Moumine qui a été publié en 1945. La cinéaste a opté pur la mise en valeur des passions et des propres moments d’incertitude de l’artiste.

Comme le révèle l’œuvre de Madame Tuula Karjalainen, historienne de l’art, directeur émérite des musées d’art d’Helsinki et auteure de plusieurs biographies d’artistes dont celle sur Tove Jansson, publié en 2013 en finnois et suédois, et en 2014 en anglais, allemand, estonien et japonais, Tove Jansson se considérait avant tout comme une artiste de peintures à l’huile. Cet élément a également été remarqué par son père, le sculpteur Viktor Jansson, qui était un artiste conservateur, rigide quant à ses exigences, et qui ne comprenait pas du tout le « non-sens de l’illustration », selon ses propres termes car il estimait que l’illustration n’allait pas de pair avec gagner suffisamment sa vie. Comme beaucoup d’autres peintres de son temps, Tove a pu payer des factures pendant la guerre avec ses peintures, ce que rappelle avec subtilité le film de Zaida Bergroth.

Si la cinéaste accorde une grande importance à l’amour dans son film, il est développé tout particulièrement autour de trois êtres chers: une relation libre avec l’homme politique de gauche Atos Wirtanen (Shanti Roney), ce qui n’a pas été compris du tout, puis deux les femmes, ce qui était – rappelons-le ! – illégal à l’époque. La superbe directrice de théâtre Vivica Bandler (Krista Kosonen) a apporté de nouvelles nuances à la vie de Tove mais, malheureusement à sens unique en raison de la réticence de Vivica à s’engager. Mais Vivica a emmené les Moumines sur la scène du théâtre suédois. Tove a développé les personnages Tiuhti et Viuhti à partir d’elles-mêmes, donc de Vivica. Fait exceptionnellement osé pour l’époque : les deux femmes ont exposé leur propre vie amoureuse secrète en tant que Tove et Vivica à travers ces personnages. Enfin, à la fin du film, la partenaire de vie de Tove, la graphiste Tuulikki Pietilä, entre dans la vie de Tove. La rencontre entre les deux femmes a été décrite avec beaucoup de chaleur – les spectateurs réalisent immédiatement que la bonne personne – l’âme sœur – a maintenant été trouvée pour les deux.

Alma Pöysti, qui porte le film sur ses frêles épaules, s’avère avoir été le bon choix pour le rôle de Tove. L’actrice a déjà une relation directe avec Jansson par l’intermédiaire de ses grands-parents Lasse Pöyst et Birgitta Ulfsson. Tous deux ont joué les Moumines sur scène, à la télévision et à la radio, et Birgitta Ulfsson a joué au Svenska Teatern au temps de Vivica Bandler. Alma Pöysti avait déjà interprété Tove Jansson sur scène. Au fil des scènes la manière sont Alma Pöysti réussit à exprimer tout le spectre des émotions qui composaient la personnalité de Tove, de la joie enfantine à la lutte et à la passion, est époustouflante. Pour incarner Tove, Alma Pöysti s’est exercée à tracer une ligne, à peindre et à danser comme Tove. Dans le film, la danse tant affectionnée par Tove se retrouve dans de nombreuses scènes, en particulier dans son studio, au festival de danses de salon d’Helsinki et dans la taverne parisienne ; ces abondantes scènes de danse expriment la liberté et la joie de vivre extrêmes de Tove Jansson qui se moque éperdument des exigences de la bienséance bourgeoise et du qu’en-dira-t-on. La scénariste Eeva Putro joue le rôle de Maya Vann, l’épouse du peintre fnlandais, mentor de Tove, Sam Vanni.

Il est à souligner que les biographies des femmes se concentrent souvent sur leur vie amoureuse, tandis que celles des hommes se concentrent sur leur carrière. Zaida Bergroth a su remédier à ce triste constat en trouvant un judicieux compromis réussi entre les deux approches. L’amour de Tove Jansson et Vivica Bandler est dépeint avec passion tout comme le travail et les œuvres de l’artiste. Les historiens de l’art reconnaîtront plusieurs vraies peintures de Tove Jansson ainsi que des œuvres sur le thème des Mouminse. Bien que pointé d’opprobre à l’époque, l’homosexualité faisait partie intégrante de l’identité de l’artiste : le film montre combien Tove jansson a vécu ouvertement avec Pietilä pendant des décennies mais le synopsis rappelle que Tove Jansson a vécu à une époque où l’homosexualité était un crime et considérée comme une maladie. Ainsi, la plus grande perspicacité du film réside dans les dialogues. La scénariste Eeva Putro avait conscience qu’il n’était pas possible de parler directement de lesbianisme dans les années quarante et cinquante et a opté pour une signification cachée des répliques, à comprendre entre les lignes. Le lesbianisme, par exemple, est décrit comme un dragon au pouvoir contre lequel Tove ne peut rien faire.

Tove a fait l’ouverture du Festival international du Film de Göteborg, portant aux nues une personne d’une immense célébrité en Finlande.Le film est sur les écrans romands le 29 décembre 2021.

Firouz E. Pillet

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