Un livre et une exposition célèbrent l’une des plus grandes aventurières du XXe siècle, la Genevoise Ella Maillart
D’une part, le Musée Rath invite à l’exposition consacrée au parcours exceptionnel de l’exploratrice genevoise Ella Maillart jusqu’au 21 avril 2024. D’autre part, l’autrice Gwénaëlle Abolivier propose un portrait illustré d’une femme hors du commun dans un recueil récemment paru aux Éditions Paulsen, Ella Maillart, L’intrépide femme du globe, qui retrace son parcours.
Les cimaises du Musée Rath se retrouvant à nouveau dénudées comme ce fut le cas l’été dernier avant que l’exposition Ils s’aiment ne vienne combler ce vide, le Musée d’art et d’histoire (MAH) est accouru à la rescousse de son homologue en improvisant un hommage à Ella Maillart (1903-1997) vingt-six ans après la disparition de l’autrice. Cette exposition n’était ni prévue ni planifiée dans aucun agenda culturel. Le MAH a fait jouer les contacts de son carnet d’adresses en sollicitant, d’une part, l’association Les Amis d’Ella Maillart et, d’autre part, Photo Elysée à Lausanne qui veille sur les archives de l’écrivaine exploratrice.
Ainsi, à travers une sélection de photographies, d’articles et autres documents d’archives, le Musée Rath se propose de retracer le parcours exceptionnel d’Ella Maillart dont les documents se retrouvent exposés dans une immense vitrine centrale. Mais le manque de planification en amont de cette exposition en fait un résultat minimaliste et plutôt mitigé.
Peut-être conscient de cette réalité, le MAH a voulu mettre une touche contemporaine à cette exposition consacrée à Ella Maillart en convoquant deux vidéastes, la Genevoise Pauline Julier et la Vaudoise Anne-Julie Raccoursier. Le résultat de cette proposition artistique surprend, interroge, déconcerte. L’hommage à Ella Maillart se retrouve ponctué par des écrans vidéo ou présente des murs imposants laissés complètement blancs afin de « créer des ponts entre les générations ». Cet insolite juxtaposition prétend créer des échos entre le parcours de la journaliste, photographe, écrivaine-voyageuse et ces deux artistes contemporaines.
Comme Nicolas Bouvier, l’auteur de L’Usage du monde et grand admirateur d’Ella Maillart, nous le recommande :
«On a souvent plus de profit à lire les voyageurs qui écrivent que les écrivains qui voyagent».
En écho à la visite en demi-teintes au Musée Rath, nous pouvons nous plonger dans la lecture du récent livre de Gwenaëlle Abolivier, Ella Maillart, L’intrépide femme du globe, publié fin 2023 par les Éditions Paulsen, qui permet d’approfondir et de contextualiser les documents originaux très intéressants placés dans la vitre de l’exposition.
À l’instar d’Ella Maillart, Gwenaëlle Abolivier a parcouru le monde en tant que grand reporter radio pour France Inter pendant vingt ans sur des porte-containers, cargo-mixtes ou chalutiers de pêche, de la Tasmanie aux îles Marquises, du canal du Panama à la péninsule Antarctique. Aujourd’hui directrice artistique et littéraire, autrice associée à la Maison Julien Gracq, en Maine-et-Loire, elle privilégie l’écriture littéraire, poétique et documentaire.
Dans Ella Maillart, L’intrépide femme du globe, Gwenaëlle Abolivier rend un passionnant hommage en livrant un portrait illustré d’Ella Maillart et en mettant à l’honneur toutes les facettes de l’exploratrice qui, en sus de son activité de journaliste et de photographe, s’est illustrée comme navigatrice et championne de ski.
Gwenaëlle Abolivier souligne que son remarquable destin a puisé ses inspirations dès sa jeunesse alors qu’Ella Maillart s’affirma déjà comme une femme libre, vaillante et indépendante. Sa jeunesse sportive annonce déjà l’exploratrice indépendante, affranchie et émancipée qu’elle deviendra. L’autrice rappelle qu’à moins de trente ans, Ella Maillart créa un club de hockey sur gazon, représenta la Suisse aux Jeux Olympiques de Paris, catégorie voile. Elle navigua en Méditerranée avec quatre amies et participa aux premiers championnats du monde de ski alpin.
Puis, fuyant une Europe qui doit se reconstruire après la Grande Guerre, « la jeune autodidacte fait ses humanités sur la route », et opte pour la voie de l’Asie. Dans une immersion totale avec les pays qu’elle parcourt et les peuples qu’elle rencontre, Ella Maillart adopte le mode d’existence des nomades et se passionne pour leurs cultures tout comme pour les philosophies orientales. Au fil de ses pérégrinations, l’aventurière développe ses talents de journaliste par le biais d’une approche ethnographique et s’illustre grâce à l’acuité de son regard de photographe.
Gwenaëlle Abolivier et Ella Maillart partagent un rapport documentaire au réel. L’exploratrice et écrivaine genevoise souligne :« J’ai des yeux qui aiment voir ». Et l’autrice française de relater comment Ella Maillart « a capturé avec talent et sensibilité un monde en train de basculer et de disparaître pour mieux en témoigner.»
https://www.mahmah.ch/programme/expositions/ella-maillart
Firouz E. Pillet
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