Aladin de Bosnie : Heureux sans lampe magique !
Il existe une fascinante histoire d’une photographie prise par hasard en Bosnie-Herzégovine, à la fin de conflit fratricide (1992-1996) qui a emporté 250 000 vies de citoyens innocents, a changé l’existence d’un garçonnet handicapé, en lui ouvrant d’autres horizons et perspectives.
Robert Belosevic, reporter de guerre pour l’agence croate Pixell, basé à Zagreb, a vu à Bihac, un enfant marchant courageusement sans se soucier de ses béquilles. Récemment, un webzine croate a encore une fois publié le cliché, en soulignant le souhait du photographe de savoir où est le petit « blondinet », qu’il cherche depuis 27 ans. Un jour, le téléphone de la rédaction a sonné et une agréable voix masculine a annoncé, très naturellement :
Je suis le garçon de la photo. Mon nom est Aladin, je vis en Italie et je vais bien !
Il a expliqué qu’un obus d’artillerie l’avait touché à l’âge de trois ans. Aladin Hodzic est tombé ensanglanté sur la pelouse non loin de sa maison natale à Bihac, en juillet 1994. Il s’est réveillé à l’hôpital et a passé plusieurs heures seul, avant l’arrivée de ses parents qui n’avaient pas été informés immédiatement. Durant une longue convalescence, Aladin a souvent demandé à sa maman, quand son pied poussera à nouveau. Aujourd’hui, à tout juste 30 étés, Aladin travaille, fait du sport, grimpe des montagnes, conduit sa voiture et, avec sa femme, élève Daria, leur fille de quatre ans. Mais il n’oubliera jamais cette terrible journée de 2 juillet 1994 : en jouant avec plusieurs amis, il a été la cible d’un obus serbe. Le jeune papa se rappelle des restes de sa jambe, dispersés sur la pelouse et de la voiture des urgences médicales qui l’a conduit vers l’hôpital de Bihac!
Petit, j’ai pensé retrouver à nouveau mon pied, et cela, très vite. En grandissant, j’ai dû accepter la triste vérité, mais je ne me suis jamais apitoyé sur mon sort. J’ai décidé de me battre. Durant cette période, j’ai connu une petite fille serbe, Sanya Aleksic, elle aussi sans un pied. Un journaliste français nous a photographié et la photo a été distribuée dans plusieurs pays. Grâce à un travailleur humanitaire italien, Marco Becci, nous avons pu partir dans son pays où nous avons obtenu des prothèses, en été 1995. Marco est devenu notre protecteur. Il a aidé mon père Abdullah à me rejoindre en tant que réfugié. Plus tard sont arrivées ma mère Fata et ma sœur Azra! Les parents de Sanya sont venus, aussi. Mon amie Sanya et moi étions très heureux. Avec les prothèses, nous avons acquis une indépendance ; plus besoin d’aide des autres. Le septième ciel nous a ouvert ses portes ! Je n’ai pas eu beaucoup de problèmes à m’habituer à la prothèse. Quelques fois, elle me faisait mal. Mais les nouvelles chaussures le font aussi et j’ai grandi sans me plaindre, sans penser que j’étais une victime ! Rien de grave… J’ai voulu m’adapter à mon handicap et il s’est adapté à moi ! J’ai pu briller à l’école et en exerçant plusieurs sports : le basket, le handball, les arts martiaux. Chaque année, je suis allé en vacances dans ma ville natale et j’ai fait de longues randonnées autour de Bihac.
Une fin heureuse
Robert Belosevic a été très ému par les nouvelles de son petit « héros »:
Je l’ai photographié devant le Quartier général de l’Armée bosnienne. J’ai vu un enfant blond, tenant énergiquement des béquilles, apparemment intéressé par une scène de rue. À côté de lui marchait son père, mangeant une glace.
La photo, on la ressent ! J’ai attrapé mon appareil et fait plusieurs clichés en noir et blanc ! Un négatif a beaucoup plu à l’Associated Press qui l’a distribué ailleurs. La photo a été publiée en Italie, dans plusieurs quotidiens. Quelques mois plus tard, elle a été proclamée Photo de l’année dans ce pays. J’ai reçu le Prix et une considérable somme que j’ai entièrement offerte au Fond pour les enfants victimes de guerre en Bosnie-Herzégovine ! Depuis ce temps-là, j’ai essayé en vain de retrouver le garçonnet qui a eu la prothèse grâce à ce Fond. Je suis enfin, comblé de connaître celui qui habite mes pensées depuis si longtemps !
Djenana Djana Mujadzic
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