j:mag

lifestyle & responsible citizenship

Cinéma / KinoCulture / Kultur

All of Us Strangers, d’Andrew Haigh, invite le public à une envoûtante romance fantastique servie par l’excellente interprétation d’un quatuor de comédiens époustouflants

Avec son nouveau long métrage, le cinéaste londonien signe un récit remarquable, mystérieux et mystique, empli d’émerveillement et de fantaisie, qui laisse entrevoir une lueur d’espoir dans la tristesse et la solitude d’un quadragénaire orphelin de longue date.

All of Us Strangers d’Andrew Haigh
© Searchlight Pictures. All Rights Reserved.

À Londres, Adam (Andrew Scott) vit dans une tour où la plupart des appartements sont inoccupés. Une nuit, la monotonie de son quotidien est interrompue par une sirène qui retentit, stridente et lancinante. Adam sort de l’édifice et en observe la façade : une fenêtre est éclairée. C’est celle d’un mystérieux voisin, Harry (Paul Mescal), dont Adam fait la rencontre. Alors que les deux hommes se rapprochent, Adam est assailli par des souvenirs de son passé et retourne dans la ville de banlieue, dans les environs de Croydon, où il a grandi. Arrivé devant sa maison d’enfance, il découvre que ses parents (Claire Foy, Jamie Bell) occupent les lieux et semblent avoir le même âge que le jour de leur mort, il y a plus de trente ans.

Inspiré par le roman Strangers de Taichi Yamada de 1987, qui avait déjà donné lieu à une adaptation cinématographique avec The Discarnates (Les Désincarnés, 1988), de Nobuhiko Ôbayashi, le réalisateur Andrew Haigh parvient à créer des résonances émotionnelles et sentimentales subtiles servies par quatre acteurs principaux qui offrent des performances sensationnelles.

Les interprètes sont indubitablement l’un des atouts du film : grâce à une distribution exceptionnelle, Andrew Haigh livre une chorégraphie sentimentale avec quatre personnages principaux. Le cinéaste plonge progressivement le public, de manière imperceptible, dans un maelström émotionnel délicieusement vertigineux auquel même le cœur le plus endurci ne pourra résister. Pour réussir à relever un tel défi de mise en scène, Andrew Haigh a su s’entourer d’une palette de comédien.ne.s hors pair dont le jeu est époustouflant. Le comédien qui occupe l’écran durant toute la durée du film, Andrew Scott, confère à son personnage une telle vulnérabilité qu’il suscite en nous l’envie de pénétrer l’écran pour le réconforter. À mesure que son histoire se déroule sous nos yeux, on saisit les similitudes que le protagoniste du film partage avec son démiurge. Dirigeant sa distribution de manière symbiotique et harmonieuse, Andrew Haigh imprègne son récit d’une élégance et d’un raffinement qui rendent de simples observations quotidiennes profondes, emplies de réflexions, de tendresse et d’effusions.

All of Us Strangers invite le public à suivre le cheminement d’Adam sur son chemin de vie endeuillé mais, au-delà de la tristesse et de l’absence, c’est à travers un paysage onirique fascinant, envoûtant que le réalisateur entraîne son public. Au fil des rencontres fils-parents, ces instants volés, beaux et obsédants, se muent en une contemplation incroyablement troublante, poignante qui questionnent le chagrin, l’identité, la filiation, l’héritage et la transmission, la solitude et l’amour.

Si d’aucuns ne verront dans All of Us Strangers qu’un superbe exercice d’écriture, d’autres souligneront l’incroyable jeu d’acteurs dont l’authenticité des échanges vient troubler notre quiétude. Leurs rencontres, visuelles, verbales, sensorielles, émotionnelles, entourent le récit d’une aura métaphysique et donnent une dimension supplémentaire aux éléments, a priori banals, que sont les couloirs intérieurs de l’immeuble, les trains et les clubs dans lesquels se déroule le film, subtilement baignés par les tons délicats que distille la photographie de Jamie D. Ramsay.

Il faut souligner que l’écriture concise et épurée d’Andrew Haigh met à merveille en exergue les émotions humaines et confère au récit une honnêteté brute. Alors que l’adaptation japonaise se voulait un cauchemar tragique, celle d’Andrew Haigh se révèle être un rêve éveillé magnifique et mélancolique qui nous imprègne bien après le générique de fin.

Firouz E. Pillet

© j:mag Tous droits réservés

Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

Firouz Pillet has 1004 posts and counting. See all posts by Firouz Pillet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*