[Audio] Pessac : Sylvie Lindeperg et Ania Szczepanska, historiennes, dévoilent comment les images d’archives façonnent notre mémoire et notre imaginaire du passé
Sylvie Lindeperg est membre senior de l’Institut Universitaire de France et professeure à l’Université Paris1 Panthéon-Sorbonne où elle dirige la composante cinéma et le Cerhec. Ses recherches portent sur les liens entre le cinéma, la mémoire et l’histoire, avec un tropisme particulier pour la Seconde Guerre mondiale. Puisant son inspiration à la croisée de l’histoire et de l’histoire de l’art, dans les œuvres de Carlo Ginzburg, Michael Baxandall ou Daniel Arasse, elle contribue à renouveler un champ disciplinaire ouvert en France par les pionniers Marc Ferro, Michèle Lagny, Pierre Sorlin.
Sylvie Lindeperg a écrit et co-dirigé une douzaine d’ouvrages parmi lesquels Les Écrans de l’ombre ; Clio de 5 à 7; Nuit et Brouillard. Un film dans l’histoire; Univers concentrationnaire et génocide. Voir, savoir, comprendre, en collaboration avec Annette Wieviorka; La Voie des images. Dernier ouvrage paru : Le Moment Eichmann (co-dir. Annette Wieviorka). Elle est récipiendaire des prix : Jean Mitry de l’Institut Jean Vigo (1997); Critique cinématographique (2007); Limina (Italie, 2007); Maurizio Grande (Italie, 2013).
Sylvie Lindeperg s’est également intéressée précocement aux rapports entre techniques numériques et écriture de l’histoire et a collaboré à de nombreux projets et éditions multimédias. Elle a fondé en 2003, avec Christa Blümlinger, Michèle Lagny et Sylvie Rollet, le groupe de recherche Théâtres de la mémoire. Sylvie Lindeperg est l’auteure de plusieurs documentaires parmi lesquels Face aux fantômes de Jean-Louis Comolli (2008).
Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure (ENS Lyon), Ania Szczepanska est maître de conférences en histoire du cinéma. Sa thèse Le groupe de production X d’Andrzej Wajda: un cinéma d’opposition en République populaire de Pologne (1972-1983) visait à comprendre les enjeux de conflits et les modalités de négociation entre cinéastes polonais et responsables de la politique culturelle de l’État-Parti. En articulant esthétique et histoire politique, son travail s’appuyait sur les rapports des commissions de validation des films, les archives privées des cinéastes, les entretiens avec des réalisateurs et d’anciens dirigeants politiques, ainsi que l’analyse des films produits pour le cinéma et la télévision polonaise des années 1970.
A partir de ces travaux consacrés au cinéma polonais à l’époque communiste, elle a mené un travail de réalisation documentaire. Son film documentaire Nous filmons le peuple ! (2013), produit par Abacaris films et Les films de l’air, a été diffusé sur Ciné Plus et TVP Kultura. Elle mène actuellement des recherches sur le cinéaste juif-polonais Aleksander Ford (1908-1980), projet soutenu par une bourse de la FMS.
Ania Szczepanska travaille avec Sylvie Lindeperg sur un ouvrage consacré au statut et aux usages des archives audiovisuelles dans la production documentaire contemporaine. Venues en tandem au Festival du film historique de Pessac pur donner une conférence sur l’utilisation des images d’archives dans le documentaire et elles questionnent sur les thématiques liées aux archives :
« Les images filmées sont infiniment précieuses pour penser et interpréter le passé, écrire et transmettre l’histoire. Depuis quelques années, leur attrait s’accroît de manière exponentielle. Il se manifeste aussi bien dans les œuvres de création que dans les programmes audiovisuels, contribuant à façonner notre mémoire et nos imaginaires du passé. Les usages des images d’archives soulèvent des problèmes historiques, politiques, éthiques. Leurs métamorphoses menacent parfois leur intégrité. Leur définition juridique souffre d’un flou persistant. Leur coût très élevé freine la production documentaire et l’expérimentation de formes innovantes d’écriture de l’histoire. Ces questions entrelacées appellent un débat associant différentes professions et disciplines : historiens, philosophes, archivistes, juristes, réalisateurs, monteurs, producteurs, diffuseurs … Ces métiers travaillent sur des objets communs sans partager toujours le même langage ni les mêmes logiques. La compartimentation des savoirs et des expériences produit souvent fantasmes et malentendus. Ces tensions génèrent une demande d’outils théoriques permettant de penser des pratiques en constante évolution; elles rendent nécessaire une réflexion sur le statut des archives. »
Rencontre avec un binôme d’historiennes enjouées et captivantes.
Firouz E. Pillet
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Sources : Extrait de « A qui appartiennent les images ? » de Sylvie Lindeperg et Ania Szczepanska, Coll. Interventions, Editions Maison des sciences de l’homme, 2017.
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