Avec Apprendre, Claire Simon filme l’école de la République à hauteur d’enfants et rend hommage à ses enseignant.es. Rencontre avec la cinéaste et deux enseignantes.
Le milieu scolaire, comme celui de la santé, inspire la documentariste française : après avoir filmé les rapports enfants-adultes d’une école maternelle dans Récréations (1992) puis les étudiants de l’école de cinéma Fémis dans Le Concours (2016) ou encore la vie de lycéens dans Premières solitudes (2018), la cinéaste retrouve les bancs de l’école et l’univers scolaire dans son dernier documentaire présenté en séance spéciale de la Sélection Officielle du Festival de Cannes 2024.
Image courtoisie Adok Films
Dans Apprendre, Claire Simon a choisi l’école élémentaire Anton Makarenko (le célèbre pédagogue soviétique né en Ukraine), d’Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. Une école en Zep – zone d’éducation prioritaire – limitrophe de Paris. Ure école de banlieue qui demeure, malheureusement, encore souvent connotée négativement par l’opinion publique.
En posant sa caméra au milieu d’une classe de cette école primaire, Claire Simon apporte un éclairage bienvenu sur une école où le respect de l’altérité, la curiosité, les échanges sont de mise à l’instar de l’agora grecque. Bien éloigné des discours alarmistes habituels, le film montre un lieu où l’on grandit, doute, découvre, questionne et apprend sans craindre l’échec vu comme constructeur.
Dans l’intimité de cette classe, la cinéaste invite le public à partager le quotidien des enfants qui apprennent les petits rituels que leur dispensent, toujours avec bienveillance, les enseignant.es, les apprentissages des mathématiques, des règles du français, mais aussi de l’écoute, du respect et du partage. Certes, il peut y avoir des disputes mais elles deviennent tremplin pour des échanges constructifs et fédérateurs. Dans le groupe scolaire Anton Makareno, la violence de la cour est discutée et fait place au dialogue, aux échanges, à la découverte de l’Autre et de ses différences, dans le respect. Apprendre à lever le doigt, à lire, écrire, compter, à se tromper ou pas, à chercher les encouragements de l’enseignant.e, à chanter, à jouer aux dames, à se parler dans la cour plutôt que de se battre. Apprendre à vivre ensemble car ces enfants sont « les citoyens.nes de demain » comme le souligne la cinéaste. Une société bigarrée, de cultures, de langues maternelles et de religions différentes, qui partagent sans juger ni cataloguer sa voisine ni son voisin.
Avec sa caméra légère, à hauteur d’enfants, sans commentaire en voix off, la réalisatrice livre un univers scolaire de manière simple, épurée, et saisit tous ces petits moments de ce microcosme social qui se déroule dans un huis clos où les enfants et les adultes partagent la même envie : apprendre, un verbe au sens double si bien illustré ici. Si certains professeurs et parents n’ont pas souhaité participer au documentaire, le directeur et sept professeurs d’école ont été particulièrement accueillants à la présence de la cinéaste, de sa caméra et de son preneur de son, en finissant par oublier qu’ils et elles étaient filmé.es.
Le groupe scolaire Anton Makarenko entretient un partenariat avec l’école privée parisienne L’Alsacienne autour de la musique. Un partenariat souhaité par les enseignant.es et les parents d’élèves de Makarenko et qui a permis à la cinéaste de constater que le fossé social persiste.
Présente à Genève à l’occasion de la sortie de son film, Claire Simon est venue accompagnée par deux enseignantes : Halima Hocine et Sophie Axus. Rencontre:
Firouz E. Pillet
© j:mag Tous droits réservés