Avec son nouveau roman, Lisa Neumann, Michèle Kahn part sur les traces des fonds juifs en déshérence en Suisse
Lisa Neumann est la fille de Walter Neumann, héros du roman Shanghaï-la-Juive (1997), qui relate l’histoire des Juifs traqués en Europe par les nazis qui avaient trouvé refuge dans cette ville où l’on pouvait entrer sans visa. Nous sommes à Hong Kong, le 1er juillet 1997, jour de la rétrocession de la colonie britannique à la Chine. Sous une pluie torrentielle, la fête bat son plein, mais pour Lisa, impossible de participer aux réjouissances : depuis vingt-quatre heures, son père, Walter Neumann, patron d’un empire de presse au passé tumultueux, a disparu ! L’enquête du commissaire Chu piétine, sa famille le croit mort alors que Lisa est persuadée que Walter est encore vivant. À l’aide des carnets de son père, elle va mener sa propre enquête qui la mène à Zurich sur les traces d’un ancien bourreau nazi. Là, elle sollicite l’aide d’un avocat réputé, maître Stefan Meier, un amour de jeunesse. Les deux jeunes gens vont rapidement être pris dans le tourbillon d’un odieux épisode de l’histoire suisse : les fonds juifs en déshérence.
Comme à son habitude, Michèle Kahn entraîne ses lectrices et lecteurs dans la grande histoire du monde par le prisme d’une histoire personnelle. Avec Lisa Neumann, elle nous plonge dès les premières lignes dans une atmosphère de thriller-espionnage nimbée de romance. Le fond du livre est quant à lui d’une rigueur à toute épreuve, Michèle Kahn ne laissant passer aucune approximation historique, géographique ou culturelle. L’écrivaine explique « vouloir aller au cœur des êtres et des choses. Il me semble que, pour apprécier la lecture d’un roman, la lectrice ou le lecteur doit se sentir dedans. Dans les lieux, dans les situations, dans la peau des personnages. Seuls les détails peuvent donner à ressentir ces dedans ».
Le propre des écrivain.es est de pouvoir se mettre dans la peau et l’esprit de ses personnages, psychopathes compris – Michèle Kahn ne fait pas exception et endosse aussi celui du nazi qui a persécuté Walter Neumann. La romancière explique qu’elle le fait « à la manière d’une comédienne qui endosse la peau d’un personnage répugnant. » Lorsqu’on lui demande s’il n’est pas difficile de garder une distance de sécurité face à ce genre de personnage, elle ajoute : « en décrivant de mon mieux un malfaisant comme Schuler, j’ai l’impression de venger un peu ceux qui ont souffert de ce genre d’ignominies. Finalement, ça fait du bien ! »
Selon l’adage, « qui aime bien, châtie bien », l’écrivaine appuie là où cela fait mal – l’antisémitisme larvé qui refait brutalement surface lors du scandale des fonds en déshérence ou l’attitude de la Suisse lors de la Deuxième guerre mondiale, sous couvert de neutralité –, sans omettre de citer les personnes de bonne volonté et les interventions favorables faites par la Suisse. Une lecture passionnante et bouleversante.
Malik Berkati
© j:mag Tous droits réservés