Berlinale 2018 – Compétition jour #1: Isle of Dogs de Wes Anderson
Pour la première fois de son histoire, la Berlinale a ouvert la compétition avec un film d’animation, Isle of Dogs de Wes Anderson, un habitué de la Berlinale – c’est la quatrième fois que le cinéaste étasunien concours pour l’Ours d’or – et qui avait déjà fait l’ouverture de la 64e édition avec The Grand Budapest Hotel.
Le stop-motion numérique
Avec une technique déjà expérimentée avec Fantastic Mr. Fox (2009), Wes Anderson, revient après quatre ans et son plus grand succès public, The Grand Budapest Hotel, au film d’animation avec cet étrange Isle of Dogs. Étrange car l’histoire de cette île aux chiens est une fable qui nous semble bien familière. Le réalisateur cependant réfute le fait que cette histoire soit un miroir, comme nombre de films, d’une réalité présente. Il explique ce sentiment du spectateur plutôt par le fait que le travail sur le film a duré des années et « ce qui au départ n’était qu’une histoire de chiens est devenue au fil du temps quelque chose … Avec Jason Schwartzman et Roman Coppola (les coscénaristes, N.D.A.), nous voulions raconter l’histoire d’une bande de chiens abandonnés dans une décharge, ce qui je vous l’accorde, n’était pas l’idée la plus extraordinaire que nous ayons eu », explique-t-il à la conférence de presse. « Nous voulions également faire quelque chose en rapport avec notre fascination pour le Japon et son cinéma, mais en vérité le film aurait pu se passer n’importe où ! Au départ, c’est une vision fantastique du Japon mais petit à petit l’effet miroir a pris forme face à l’actualité. Nos références cinématographiques premières ont été Akira Kurusawa pour le processus d’écriture de l’histoire et Hayao Miyazaki pour la place des silences et du temps, pour l’amour des détails dans ses films d’animation, choses qui ne sont pas dans la tradition des films animés étasuniens. » L’idée première d’Anderson était de faire « un film futuriste qui se serait passé en 2007 mais depuis la perspective des années 60 ! Cela aurait fait sens également », dit-il en regardant ses coscénaristes « mais cela s’est avéré trop compliqué ».
Atari Kobay Ashi, 12 ans, est sous la tutelle de son oncle Kobayashi, maire de la ville de Megasaki. Les chiens de la ville sont atteints d’une grippe canine virulente qui serait dangereuse pour l’homme. Kobayashi signe donc un décret qui les déporte sur une île-décharge. Le jeune Atari échappe à la surveillance des autorités et se rend sur l’île afin d’y rechercher son chien garde du corps, Spots, le premier à avoir été déporté pour donner l’exemple au reste de la population. À son arrivée, il est accueilli par une bande de chiens de bonnes familles et d’un chien de rue prénommé Chief.
Comme à son habitude, Wes Anderson instille du burlesque dans son histoire, et ceci dès les premières images et le prologue qui se termine par une note aux spectateurs : « Les humains parlent dans leur langue, avec parfois une interprétation faite par un humain ou un appareil. Les chiens parlent l’anglais. » Cette structure narrative est très intéressante, certains dialogues en japonais – et tous ceux du jeune Atari – ne sont pas traduits, ce qui dans un film d’animation où le problème de la langue ne peut que difficilement être compensé par les expressions et mimiques, implique différemment l’attention du spectateur. Il serait à cet égard intéressant de savoir comment le film va être perçu par les Japonais qui eux comprendront l’ensemble du film. Il est également à espérer que dans nos contrées le film ne sera pas doublé mais sous-titré afin de garder l’expérience originelle du film, ceci d’autant plus que la distribution des voix est extraordinaire, avec une grande partie de sa « famille cinématographique » et quelques nouveaux venus. C’est ainsi que l’on retrouve les voix – entre nombreuses autres – de Bill Murray, Bob Balaban, Jeff Goldblum, Tilda Swinton, Greta Gerwig, Frances McDormand, Bryan Cranston, Scarlett Johansson, Harvey Keitel, Yoko Ono, Courtney B. Vance, et le jeune Koyu Rankin.
La première partie du film est très intéressante, enlevée, avec une belle dynamique narrative – utilisant tous les codes de l’expectative actuelle, allant de la théorie du complot au transhumanisme qui ici se transforme en transanimalisme en passant par la déchetterie qu’est devenue la terre – et ses sauts temporels très rythmiques, une belle esthétique et un humour intelligent. Malheureusement, petit à petit le film s’essouffle, en prenant un virage de plus en plus conventionnel : l’aventure qui était collective se réduit lentement à celle du jeune Atari, de Spots et Chief avec une fin des plus attendues dans une veine rédemptrice. Mais ne soyons pas chien : après tout, le monde a vraiment besoin de résilience pour peut-être ne pas courir totalement à sa perte !
Reste en tous les cas le travail extraordinaire de l’animation, composée de 130’000 images qui ont mobilisé plus de 670 équipes, avec plus de 70 d’entre eux pour actionner les marionnettes et 38 autres pour le département de l’animation. Un travail colossal qui porte ses fruits artistiques sur l’écran.
De Wes Anderson ; Royaume-Unis, Allemagne ; 2018 ; 101 minutes.
Malik Berkati, Berlin
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