Cannes 2022 : War Pony, de Riley Keough et de Gina Gammell, présenté dans a section Un certain regard, suit l’âpre chemin de jeunes Oglala Lakota vers l’âge adulte
War Pony relate l’histoire du destin entrelacé de deux jeunes hommes Oglala Lakota vivant dans la réserve indienne de Pine Ridge. À vingt-trois ans, Bill (Jojo Bapteise Whiting) peine à joindre les deux bouts. Qu’il s’agisse de siphonner de l’essence, de faire des livraisons ou d’élever des caniches, il est déterminé à se frayer un chemin vers le « rêve américain ». Mais sans formation ni diplôme, il devra surmonter de nombreuses embûches sur son chemin.
De son côté, Matho (LaDainian Crazy Thunder), douze ans, a hâte de devenir un homme. Il se fait régulièrement exclure de l’école mais y trouve son compte, fournissant et consommant de la drogue. Désespéré de l’alcoolisme et de la violence de son jeune père, Matho prend une série de décisions impulsives qui bouleversent sa vie, l’empêchant d’affronter la dure réalité du monde. Du jour au lendemain, il se retrouve orphelin et livré à lui-même, ayant été hébergé quelque temps par une tante qui le chasse vu son indiscipline.
Unis dans leur quête d’appartenance à une société qui leur est hostile et qui les stigmatise, Bill et Matho vont se rencontrer fortuitement et tenter de tracer leur propre chemin vers l’âge adulte. Mais leur rencontre est-elle vraiment due au hasard ?
War Pony, de Riley Keough et de Gina Gammell dépeint, en plongeant les spectateurs dans une totale immersion, parfois éprouvante mais toujours très poignante, dans la dure vie des Indiens autochtones dans la réserve de Pine Ridge dans le Dakota du Sud, où se déroulent les débuts en tant que réalisateurs de Riley Keough et Gina Gammell. La dimension de véracité et d’authenticité est apportée par la contribution de deux des quatre scénaristes qui sont amérindiens.
La brutalité des situations que traversent ces jeunes – qu’il soit écolier ou parent trop jeunes de tout-petits négligés et livrés aux choix imprudents de leur père – souligne l’inadéquation des populations indiennes d’Amérique du Nord, brisées historiquement dans leur intégrité et ballotés constamment dans leur vie, entre le désir de vouloir faire partie de la société américaine et le besoin de respecter et d’entretenir les traditions de leurs ancêtres autochtones.
Bill, déjà père de deux enfants en bas âge de mères différentes, se voit confronter aux demandes incessantes de sa mère, incarcérée, pour payer sa caution. L’absence de surveillance parentale, due au fléau social de l’incarcération endémique, ronge, tel un ver dans un fruit mûr, la société de la réserve de Pine Ridge. Quel brutal apprentissage de la vie à l’âge où l’on devrait être encore insouciant, causer avec ses amis mais aussi apprendre et se former pour l’avenir !
Pour Matho , l’avenir se résume au présent avec les crises d’un père accro au crystal meth qu’il doit fréquemment aller chercher dans les maisons de crack.
Au départ, le récit du film semble plutôt simple, limité aux destins difficiles de ces deux jeunes hommes. Quelques animaux surgissent au milieu d’une route… Du moins Bill croit les voir. Un bison apparaît régulièrement, peut-être pour rappeler à ces jeunes Oglala Lakota leurs ascendances et l’importance de leurs origines. Le propos dépasse ses limites narratives quand Bill et Matho deviennent proches et unissent leurs forces pour surmonter leur situation respective.
La réserve de Pine Ridge semble un lieu de désespoir et de destins brisés mais, finalement, surgit une lueur de réminiscence ancestrale qui se manifeste visuellement et spirituellement, d’une danse tribale à des tentures murales dans des roulottes. L’intention de War Pony est louable mais, malheureusement, ses protagonistes peinent à trouver la leur expression et le rythme du film en souffre.
Firouz E. Pillet, Cannes
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