Cannes 2024 : présenté à la 56e édition de la section la Quinzaine des Cinéastes, Une Langue universelle (Universal Language), de Matthew Rankin, invite à une ballade existentielle emplie de poésie
Tourné en français et en persan, le second long métrage du réalisateur originaire de Winnipeg, mêle avec bonheur diverses cultures dans un langage universel qui suscite rencontres et partage. Montréalais d’adoption, winnipegois de naissance, Matthew Rankin a co-écrit avec Ila Firouzabadi et Pirouz Nemati, élaborant un récit au cœur de la communauté iranienne de Winnipeg, soutenu par la bande-son envoûtante aux mélopées orientales mélancoliques signée Amir Amiri et Christophe Lamarche-Ledoux.
Matthew Rankin entraîne le public dans une histoire qui se déroule entre sa ville d’origine, Winnipeg, et sa ville d’adoption, Montréal. La séquence d’ouverture filme, de profil, un homme qui court et monte à vive allure des escaliers. Dans la séquence suivante, on le retrouve dans une salle de classe devant des écoliers : l’homme est enseignant et donne son cours en persan et en français. Il houspille ses élèves et semble les dénigrer. Parmi ces élèves, on suit les personnages de Nazgol et Hossein, qui veulent aider une camarade à retrouver un billet de banque iranien bloqué dans une étendue d’eau gelée afin que cette fillette puisse s’acheter une nouvelle paire de lunettes. Les rues sont emplies de neige, les tenues vestimentaires adaptées au grand froid. Les seules couleurs apparentes dans la blancheur immaculée du paysage sont les façades modernes de bâtisses que met en valeur la photographie d’Isabelle Stachtchenko. Mais aussi un protagoniste, aussi appelé Matthew Rankin, qui part de Montréal pour retrouver ses proches à Winnipeg.
Chez Rankin, tous les chemins mènent à Winnipeg. Mais les apparences sont trompeuses…
Matthew Rankin travaille très jeune pour les télévisions locales avant de rencontrer son mentor Guy Maddin et les cinéastes du Winnipeg film group. Ayant étudié en histoire du Québec à l’Université McGill (BA) et à l’Université Laval (MA). Il est le réalisateur d’une trentaine de films qui se caractérisent par le métissage des genres et une fascination pour l’histoire, notamment pour celle du Québec et ses spécificités. D’ailleurs, par le biais du personnage guide touristique, le cinéaste nous fait visiter les sites historiques importants de Winnipeg, dont une stèle qui rend hommage à Louis Riel qui fut l’élément moteur dans la création du Manitoba comme cinquième province du Canada.
Le directeur de Quinzaine des Cinéastes a apprécié le traitement spatio-temporel du récit de Universal Language :
« L’espace-temps est bouleversé dans cette comédie absurde et pince-sans-rire : architecture brutaliste, compositions géométriques des plans, humour mélancolique, Une Langue universelle porte haut les couleurs du cinéma surréaliste de Winnipeg métissé à l’univers des films iraniens du Studio Kanoun. »
Parmi la distribution, on retrouve le cinéaste lui-même, ainsi que Mani Soleymanlou (La Femme de mon frère), Danielle Fichaud (Aline), Pirouz Nemati (Another Word for Learning) et les jeunes Rojina Esmaeili, Saba Vahedyousefi et Sobhan Javadi, pour la première fois à l’écran.
Décrit comme « une comédie surréaliste de désorientation », Une Langue universelle nous entraîne dans la quête existentielle de divers personnages qui, comme le souligne Massoud, « sont tous connectés », en mettant en scène avec poésie et picturalité trois histoires parallèles qui s’entremêlent, entre Winnipeg, le Québec et l’Iran. L’humour décalé et l’excentricité de Mathew Rankin apporte une touche unique à une vision sérieuse de la vie de personnes esseulées et plus généralement de l’Histoire et de l’identité multiple canadiennes et québécoises qui devient ici protagoniste à part entière.
Firouz E. Pillet, Cannes
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