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Commémoration des 80 ans de La Révolte des Croates

Bien avant les Américains, les ressortissants de l’Ancienne Yougoslavie, des Bosniens et quelques Croates ont créé, de manière éphémère, à Villefranche de Rouergue, le premier territoire libre en France.

— Soldats de la 13ème division SS de montagne Handschar
Image courtoisie Mairie de Villefranche-de-Rouergue

Jumelée avec Pula en Croatie et la ville bosnienne de Bihac, la ville française a organisé les 17 et 18 septembre dernier une grandiose commémoration en l’honneur d’environ 2000 soldats, en majorité Bosniens, musulmans et catholiques, avec un petit nombre de Croates, emmenés par les forces allemandes et enrôlés dans 13ème SS division.
Villefranche de Rouergue reconnaissante à ces jeunes rebelles, honore leur mémoire depuis 1943, tout en rendant hommage aux populations locales qui ont, au péril de leur vie, aidés les soldats venus des Balkans pendant une très meurtrière et terrible riposte nazie. Le maire de l’époque, Louis Fontanges, était obligé d’accueillir la garnison de la 13ème division SS qui a réquisitionné les écoles Notre Dame et Penderies ainsi que l’hôtel Moderne se trouvant sur la promenade Guiraudet où les officiers avaient pris leurs quartiers.

Pourquoi parle-t-on de Croates?

La 13ème division SS était composée de soldats en formation venant de la NDH (Nezavisna Drzava Hrvatska, État indépendant de Croatie proclamé le 10 avril 1941 qui englobait la majeure partie de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine actuelles, démembré au printemps 1945, son territoire est réintégré à la Yougoslavie; N.D.L.R.) qui est attachée au Troisième Reich.
Les musulmans de Bosnie-Herzégovine, qui forment le gros du bataillon avec quelques Croates, ne peuvent pas revendiquer leur nationalité bosnienne, devenue inexistante durant la période du royaume des Serbes, Croates et Slovènes (1918-1929, de 1929 à 1941, ce territoire se nomme Le royaume de Yougoslavie; N.D.L.R.) . Méprisés et quotidiennement maltraités par les responsables allemands, sans cesse battus, humiliés, insultés, un petit nombre déserte en août 1943, malgré le danger d’être retrouvés et fusillés. Le maire, Louis Fontanges, informe le 30 août l’Obersturmführer Kunt des traitements inhumains des recrues et demande de meilleures mesures de sécurité. Le 16 septembre, deux soldats bosniens, dont les noms sont inconnus, ont pu avoir des vêtements civils et quitter le bataillon. À l’aube du 17 septembre, un groupe de soldats entre à l’hôtel Moderne attaque les officiers allemands. L’autre groupe fait irruption dans le Collège de la Douve où logeaient les sous-officiers. Plusieurs Allemands sont tués et les révoltés deviennent les libérateurs de la ville.

Le Commandant allemand de Rodez a rapidement mis en place une féroce chasse à l’homme en envoyant de nombreux hommes sur place. Les habitants se sont cachés dans les caves et la plupart des soldats balkaniques ont été capturés et emmenés au Collège. Par la suite, ils ont été conduits vers le haut de Villefranche de Rouergue et massacrés. Une véritable tuerie a été réalisée par les forces allemandes qui ont reçu un renfort extraordinaire. Leurs corps ont été brûlés ou déplacés ailleurs. À la fin de septembre, les Allemands quittaient la ville, mais pendant tout le mois d’octobre des perquisitions et des arrestations ont eu lieu pour permettre de retrouver les collaborateurs locaux.
Le courageux Maire de Villefranche de Rouergue a, par prudence, enterré les gerbes de fleurs posées par les habitants au Pré de Sainte-Marguerite ou les jeunes soldats ont été exécutés, après de terribles souffrances infligées par les Nazis. Louis Fontanges a tenu un Journal de l’occupation allemande de Villefranche de Rouergue qui permet d’en plus savoir sur cette révolte particulière, mais injustement peu connue, de l’histoire française.

— Ferid Džanić Eduard Matutinović et Nikola Vukelić, principaux meneurs de la révolte
Image courtoisie Mairie de Villefranche-de-Rouergue

La 13ᵉ division SS « Handschar » de montagne, étaient composées de soi-disant volontaires; en réalité, les Nazis ont obligé les hommes nés entre 1917 et 1925 d’entrer dans leurs rangs. Férid Djanic et Nikola Vukelic ont été les meneurs de la révolte et exécutés le 18 septembre. Bozo Jelinek a réussi à se sauver après avoir été recueilli par les religieuses de Bon-Pasteur. Il a pu rejoindre la Résistance dans le maquis de la Montagne noire. À côté des 120 morts sur place, entre 300 et 500 jeunes soldats furent déportés dans les différents camps : Buchenwald, Neuengamme ou Sachsenhauser. Seulement une dizaine a survécu. Les Allemands se sont efforcés à cacher la révolte, d’autant plus qu’Hitler a ordonné de minimiser l’événement. Les grands moyens de censure ont été utilisés pour qu’elle ne soit pas connue par le grand public.

Mémoire perpétuelle

Un an après la Deuxième Guerre mondiale, un monument provisoire a été érigé et la commémoration officielle accompagne la célébration de la mémoire de ces héros anonymes, chaque 17 et 18 septembre, depuis 1945.
Au début des années 1960, la route près du champ des martyrs a été nommée Avenue des Croates par ordonnance du Conseil municipal. Depuis le troisième millénaire, la commémoration du 17 septembre s’organise en présence de responsables bosniens, croates et villefranchois. Au fil du temps, un accord entre les trois gouvernements a permis l’aménagement d’un nouveau parc mémorial, ouvert le 17 septembre 2006.
Durant la célébration de cette année qui marque le 80 anniversaire de l’événement, les visiteurs ont pu voir une exposition intitulée La Révolte des soldats croates et bosniens à la Médiathèque de Manufacture de Villefranche de Rouergue et participer à la randonnée Mémoire d’une révolte, dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine, un circuit de 5 km sur les sites d’anciens lieux d’événement.

Djenana Djana Mujadzic, Villefranche de Rouergue

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