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Dakini (Honeygiver Among the Dogs), premier film bhoutanais réalisé par une femme, Dechen Roder, sur les écrans romands.

Dakini relate, sous la forme d’un thriller policier, une enquête onirique à travers la figure troublante d’une Dakini, « une femme qui voyage » en sanskrit, « une femme éveillée » selon le bouddhisme mais une sorcière à condamner selon les villageois du hameau où est venue se réfugier Choden. Mise à part une fillette qui se lie d’amitié avec Choden, cette dernière récolte toute la méfiance des villageois qui se livrent rapidement à la délation.

Dakini (Honeygiver Among the Dogs) de Dechen Roder
Image courtoisie Jupiter Films

Le détective Kinley (interprété par Jamyang Jamtsho Wangchuk, acteur et réalisateur bhoutanais) enquête sur la disparition d’une nonne bouddhiste. Il forme une alliance houleuse avec la principale suspecte, Choden, une femme séduisante considérée par les villageois comme une sorcière. Sous couvert d’être un simple voyageur, le détective va entamer un chemin tant géographique qu’initiatique aux côtés de cette femme à la fois mystérieuse et séduisante. Au fil des histoires que lui raconte Choden (Sonam Tashi Choden) sur les Dakinis passées (des femmes éveillées, bouddhistes, de pouvoir et de sagesse), Kinley croit entrevoir la résolution de l’enquête. Il devra cependant succomber aux charmes de Choden et à ses croyances surnaturelles pour devenir lui-même éveillé et ouvrir les yeux sur un trafic, voire une mafia qui domine l’affaire qu’il est censé résoudre.

 

Ce film est le premier long métrage de la réalisatrice et scénariste Dechen Roder, l’une des rares femmes de sa profession au Bhoutan. Comme l’a expliqué la réalisatrice lors de la dernière Berlinale 2018, dans son pays, la littérature comme les médias portent un regard masculin sur le monde et cela a encouragé la jeune femme à choisir un homme comme protagonistes de cette découverte d’un monde spirituel ainsi que d’une femme aux pouvoirs extraordinaires qui est affranchie de toutes les barrières de la société.
Précisons à ce propos que dans le bouddhisme tibétain, le terme « Dakini » a été traduit par « Khandroma » qui signifie « celle qui va dans le ciel ». Une Khandroma est une femme qui possède des pouvoirs extraordinaires, spirituels et qui accéde au ciel. Elle est souvent représentée à moitié nue, pour souligner sa liberté et son détachement du monde. C’est par les enseignements religieux, réalisés par la méditation dans les endroits secrets et  difficile d’accès, qui nécessitent une maîtrise de soi et de ses peurs, qu’une femme devient « Khandtoma ». (sources, dossier de presse; N.D.L.R.).

— Sonam Tashi Choden et Jamyang Jamtsho Wangchuk – Dakini (Honeygiver Among the Dogs)
Image courtoisie Jupiter Films

Ayant grandi au Bhoutan, la jeune réalisatrice Dechen Roder, dont Dakini et le premier long-métrage, à eu la chance d’être nourrie par des histoires sur les Dakinis, contées par sa mère durant son enfance. Dans le Bhoutan moderne, elle a pris conscience que ces histoires sur les Dakinis ne se propageaient plus vraiment et devenaient une part anecdotique du folklore ancestral alors que la culture actuelle était dominée par la masculinité. Il est alors apparue nécessaires, voire vital à Dechen Roder de prendre un tel sujet pour son premier long-métrage, elle qui auparavant a tourné des courts métrages – Lo Sum Show Sum (Trois ans et trois mois de retraite, 2015), Heart in the Mandala, 2013 et Original copy of happiness, 2011 – ainsi que des documentaire depuis 2005.

A travers une enquête policière sous forme de voyage initiatique tant pour le protagoniste que pour les spectateurs, Dechen Roder nous entraîne dans un univers méconnu, envoûtant et onirique aux tonalités douces et picturales, distillées par une  photographie délicate qui met en valeur la nature, bienveillante, protectrice et paisible, qui contraste avec le brouhaha et les dangers de la ville.

Le film a remporté le Prix des Exploitants au Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul (FICA 2018) et a été sélectionné à la Berlinale 2018, dans la section Panorama.

Firouz-E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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