Eiffel, le film de Martin Bourboulon, invite à découvrir le parcours de Gustave Eiffel à travers une fresque romanesque envoûtante
Le dernier long métrage de Martin Bourboulon plonge les spectateurs dans l’atmosphère de la fin du XIXᵉ qui voit l’essor de la métallurgie qui engendre le travail en usines, le triomphe du train et par conséquent des voies ferrées et des ponts. Pour ce faire, il faut des ingénieurs et il en est un qui a marqué son époque.
Venant tout juste de terminer sa collaboration sur la Statue de la Liberté, Gustave Eiffel est au sommet de sa carrière. Le gouvernement français veut qu’il crée quelque chose de spectaculaire pour l’Exposition universelle de 1889 à Paris mais il ne s’intéresse qu’au projet du métropolitain. Tout bascule lorsqu’il croise à nouveau son amour de jeunesse. Leur relation interdite l’inspire à changer l’horizon de Paris pour toujours.
Connu pour Papa ou Maman (2015) et Papa ou Maman 2 (2016) qui lui ont collé une étiquette de réalisateur de comédies, Martin Bourboulon s’est retrouvé derrière la caméra pour réaliser ce biopic consacré à Gustave Eiffel, un projet qui a tardé à voir le jour. En effet, Caroline Bongrand avait écrit une première mouture du scénario d’Eiffel à la fin des années 1990 alors qu’elle était étudiante à Los Angeles.
Ce film de Martin Bourboulon permet de rencontrer Gustave Eiffel au moment où il est un ingénieur et industriel français reconnu dans la conception de structures métalliques pour des ponts. En 1881, Gustave Eiffel jouit d’une réputation qui fait l’unanimité et le propulse au sommet de sa carrière, consacré par tous pour la conception de l’armature de fer de la statue de la Liberté. Le gouvernement français lui confie alors la mission de créer un monument spectaculaire pour l’Exposition universelle de 1889 à Paris. D’abord réticent, Gustave Eiffel décide alors de concevoir une tour de plus de trois-cents mètres de haut sur les plans de Maurice Koechlin et d’Emile Nouguier.
Affrontant initialement des critiques vu l’envergure de son projet qui implique des forces de travail considérables, et, inévitablement, quelques accidents, Gustave Eiffel dépense des fortunes en articles de presse et en publicités pour convaincre l’opinion de la crédibilité de son projet.
Le film de Martin Bourboulon montre Eiffel, veuf, soutenu de manière inconditionnelle par sa fille Claire (Armande Boulanger). En collaboration avec les scénaristes, Martin Bourboulon a pris le parti de mêler la dimension historique du parcours professionnel de Gustave Eiffel et de son œuvre avec une facette plus personnelle, en développant tout un pan sentimental. L’histoire d’amour occupe à part égale autant d’importance dans le scénario que la dimension historique, se révélant une remarquable fresque romanesque qui captive et séduit de bout en bout. La réalisation de Martin Bourboulon retrace ainsi la construction d’un des monuments les plus visités au monde par la reconstitution de scènes d’époque troublantes de véracité, en particulier dans les étapes successives de la construction de l’édifice.
Le cinéaste a noté pour une mise en scène méticuleuse qui met en relief chaque détail, que ce soit dans la structure de la tour comme dans les décors extérieurs de la maison bourgeoise des parents d’Adrienne Bourgès (incarnée par l’actrice franco-britannique Emma Mackey, connue pour son personnage de la rebelle Maeve Wiley dans la série Sex Education), qui interprète ici l’amour de jeunesse de Gustave. Il a peaufiné les éléments qui permettent de situer l’époque et le modus vivendi de la société : les tenues vestimentaires, les enfants qui jouent dans le parc avec leurs cerceaux, et, bien évidemment, les visiteurs qui se pressent à l’Exposition Universelle de 1889.
Les différentes étapes de construction de la Tour Eiffel sont dépeints avec méticulosité et précision, donnant place à un film à grand spectacle qui mérite d’être vu sur grand écran. Les effets spéciaux, remarquables et impressionnants, apparaissent toujours en arrière-plan, mettant en exergue les personnages du premier plan, créant par ce truchement un effet immersif.
Si le film de Martin Bourtoulon laisse aux spectateurs l’impression d’être remontés dans le temps aux côtés de Gustave Eiffel et de ses contemporains dans l’effervescence de la fin du XIXᵉ siècle, il faut aussi souligner le travail admirable et les prouesses techniques du chef décorateur Stéphane Taillasson qui a reconstitué à merveille la Vile Lumière de l’époque, enrobée par les effets visuels numériques d’Olivier Cauvet dont le travail avait été remarqué dans Blade Runner 2049. Le directeur de la photographie, Mathias Boucard, a apporté sa contribution en travaillant sur le grain des images pour créer un film d’époque très réussi.
Last but not least ! Soulignons l’excellente interprétation des acteurs, tous émérites, avec, dans le rôle principal, Romain Duris, magistral ! Le comédien avait déjà incarné un personnage ayant réellement existé dans Molière (2007), de Laurent Tirard, où il prêtait ses traits au célèbre dramaturge.
Le passage de Martin Bourboulon de la comédie au film historique est réussi, plongeant le public dans une reconstitution d’époque exemplaire, dotée d’une très belle lumière et bénéficiant d’une direction d’acteurs et d’une interprétation excellentes.
Firouz E. Pillet
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