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Elvis, de Baz Luhrmann, présenté hors compétition à Cannes, était incontestablement l’événement de cette 75ᵉ édition – Le film sort sur les écrans romands

Baz Luhrmann a habitué les cinéphiles aux grands spectacles : on songe à Moulin rouge (2001) ou plus récemment à Gatsby le magnifique (2013). Pour ce biopic très attendu, consacré à Elvis, le cinéaste a choisi de présenter la vie et l’œuvre musicale d’Elvis Presley à travers le prisme de ses rapports complexes avec son mystérieux imprésario, le colonel Tom Parker (Tom Hanks), du nom sous lequel il se présentait mais qui n’était son nom de naissance. C’est d’ailleurs avec sa voix off du Colonel Parker que le film s’ouvre, accompagnant des images montrées par le prisme d’un kaléidoscope, alors qu’il relate comment il a créé Elvis Presley, l’homme de la scène, le sex symbol adulé par toutes les femmes, et par certains hommes, à travers les États-Unis puis à travers le monde.

— Tom Hanks et Austin Butler – Elvis
© 2022 Warner Bros. Ent. All Rights Reserved

Dans une mise en scène emplie d’énergie, avec de fréquents split-screens, qui filme The King dans ses prestations exceptionnelles vues sous divers angles retranscris dans les différents cadres, le film de Baz Luhrmann dissèque les relations d’Elvis avec ses proches et avec son mentor, personnage ô combien ambigu, manipulateur et au passé trouble.
Le film de Baz Luhrmann, relate ces relations sur une vingtaine d’années, de l’ascension du chanteur à son statut de star inégalée, sur fond de bouleversements culturels de l’Amérique, en particulier par rapport à la musique et les « gestes immoraux » d’Elvis sur scène, des gestes qui relèvent de la culture noire-américaine que les bien-pensants blancs qualifient de « musique de nègre » jusqu’à l’assassinat de Martin Luther King à Memphis, la ville où Elvis avait acheté Graceland, la villa qu’il a offerte à ses parents et celle où il est mort.

Elvis, de Baz Luhrmann, était l’un des événements du 75ème Festival de Cannes; à l’issue de la projection, le film de Baz Luhrman qui fut l’occasion pour les spectateurs de découvrir la prestation rock grandiose d’Austin Butler, a été suivie d’une standing ovation. Qui mieux que Baz Luhrmann pouvait animer la Croisette ? Après l’avoir fait danser en 1992, année de la présentation de Ballroom Dancing, son premier long métrage, le réalisateur australien s’est chargé d’ouvrir les festivités du festival cannois à deux reprises : en 2001 avec Moulin rouge puis en 2013 avec Gatsby le magnifique. Neuf ans plus tard, il est de retour sur la Croisette et n’a pas déçu les attentes du public ! Loin s’en faut !

Après avoir revisité Roméo et Juliette et Gatsby avec sa lorgnette de lecture, donc avec sa fantaisie, on se doutait que le cinéaste allait en faire de même avec cette véritable icône du rock qui méritait un biopic fait en couleurs, empli d’une énergie bienvenue et communicative, à l’image des passions que le King déclenchait lorsqu’il se déhanchait sur scène et faisait voler en éclats, en réceptionnait les soutiens-gorges et les petites culottes satinées lancées par les spectatrices sur scène, les carcans de l’Amérique puritaine et ségrégationniste.

Alors que le Colonel Parker poursuit son récit, se présentant sous son meilleur jour en tant philanthrope désintéressé, le cinéaste le montre peu fiable, cupide et usurier, flambant toute la fortune qu’il gagne avec le succès d’Elvis dans le jeu. Dans un savoureux et entraînant tourbillon d’images enchaînées de manière vertigineuse, accompagnées par des sons et des musiques irrésistiblement entraînantes, Baz Luhrmann présente Elvis comme un super-héros de Marvel qu’il adulait dans sa jeunesse.

Avec ingéniosité et justesse, le cinéaste met le récit, raconté par son Tom Parker, la vie et le succès d’Elvis en parallèle avec l’histoire des États-Unis, dont il a été l’un des catalyseurs pendant les années cinquante à septante, en particulier dans le changement d’attitude face à la population noire-américaine, toujours victime de ségrégation à l’époque où Elvis perce, lui qui a été nourri par cette culture sur le plan musical.

Après Kurt Russell, Jonathan Rhys-Meyers, Michael Shannon, le mythique chanteur Elvis est incarné par Austin Butler, découvert dans les séries The Carrie Diaries, prequel de Sex & the City ou Les Chroniques de Shannara. Aujourd’hui âgé de trente ans, l’acteur américain s’est imposé face à Harry Styles, Angel Elgort, Aaron Taylor et Miles Teller pour incarner le King sur le grand écran, très certainement le rôle de sa vie. Il offre ici un jeu d’acteur admirable, mis en relief par une belle cinématographie, une photographie lumineuse et un montage pétillant avec des superpositions d’inscriptions colorées et bigarrées, clins d’œil au pop art et aux albums des héros de Marvel qu’appréciait Elvis.

Elvis de Baz Luhrmann
© 2022 Warner Bros. Ent. All Rights Reserved

Le maquillage, la coiffure et les costumes, signés Catherine Martin, cheffe décoratrice et costumière attitrée du cinéaste, sont si peaufinés qu’ils contribuent de manière troublante et déconcertante à la ressemblance. À ces éléments purement techniques vient s’ajouter la performance exceptionnelle d’Austin Butler qui a su saisir à la perfection le timbre de voix du King, son énergie sur scène, son redoutable déhanché, arme de séduction irrésistible et atour majeur de sa physicalité. Baz Luhrmann nous donne l’impression d’avoir adopté un style un brin plus sobre qu’à l’accoutumé et s’être habilement mis au service de la performance d’Austin Butler qui est sublime de bout en bout.

À souligner que les autres acteurs ne sont pas en reste et convainquent tout autant : citons, entre autres, vu l’importante distribution, Maggie Gyllenhaal en Satnin, la mère d’Elvis avec laquelle le chanteur entretient des liens fusionnels; Olicia DeJonge en discrète et résignée Priscilla Presley; Kevin Harrison offre un incroyable B. B. King ;Richard Roxburgh incarne un Vernon Presley, en père réservé, dépassé par l’omniprésence tentaculaire de Tom Parker.

Dans les scènes de concerts comme en-dehors, le résultat est tout simplement époustouflant, à tel point que l’on se demande parfois si nous sommes face à des images d’archives du véritable Elvis; les plans sont extrêmement bien retravaillés et montés, ils offrent cette impression durant tout le film qui atteint une catharsis visuelle et sonore quand Austin Butler, affichant un sourire de crooner, distille une folle énergie à travers des performances décoiffantes qui témoignent du charisme inégalé du Roi du rock.

Si Baz Luhrmann passe comme chat sur braises sur les problèmes de surdoses de médicament, de drogues et d’embonpoint d’Elvis, il incorpore de manière habile les images d’archives du King à la fin de sa carrière, le souffle court mais qui n’a rien perdu de sa voix exceptionnelle et offre une dernière prestation mémorable. Sur la mélodie de In the ghetto, les images d’archives défilent : il est impératif de rester jusqu’à la fin du générique !

Avec Elvis, Baz Luhrmann signe son meilleur opus depuis Moulin Rouge, avec un enchaînement fébrile et délirant de scènes dans un rythme ininterrompu ! Can’t help falling in love nous trotte dans l’esprit des heures, voire des jours après la projection !

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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