Entre flots extérieurs et remous intérieurs, Hors-saison, de Stéphane Brisé, ausculte la crise existentielle d’un quinquagénaire. Rencontre avec le cinéaste
Sélectionné en compétition à la 80e Mostra de Venise, Hors-saison sort les écrans romands.
Mathieu (Guillaume Canet) habite Paris, Alice (Alba Rohrwacher) vit dans une petite cité balnéaire dans l’ouest de la France avec son mari, Xavier (Sharif Andoura), et leur fille adolescente. Il caresse la cinquantaine, c’est un acteur connu. Elle a dépassé la quarantaine, elle est professeure de piano. Ils se sont aimés il y a une quinzaine d’années. Puis séparés. Depuis, le temps est passé, chacun a suivi sa route et les plaies se sont refermées peu à peu. Quand Mathieu vient diluer sa mélancolie dans les bains à remous d’une thalassothérapie, il retrouve Alice par hasard. Mais est-ce vraiment le hasard qui les réunis ?
Pour son dixième long métrage, Stéphane Brisé quitte le monde du travail et retrouve des sujets qu’il avait déjà traités avec Mademoiselle Chambon (2009), Quelques heures de printemps (2012) ou Une vie (2016). Hors-saison sent la crise de la cinquantaine à travers son protagoniste qui est peut-être l’alter ego du cinéaste. Le personnage principal, comme nombre de personnages chez Stéphane Brizé, a cru en quelque chose, puis son regard a été changé après la trahison, les désillusions, la perte des idéaux et l’abandon. Affleurent alors une clairvoyance fragilisée et le temps des questions.
Pour Hors-saison, Stéphane Brizé retrouve ses terres, la Bretagne, avec l’hôtel et la station balnéaire qui sont de véritables protagonistes à part entière. Les stations balnéaires ont beaucoup inspiré le septième : on songe à Une si jolie petite plage (1948), de Yves Allégret avec Gérard Philipe, Un homme et une femme (1966), de Claude Lelouch, La Dentellière (1977), de Claude Goretta et avec Isabelle Huppert, et récemment Thalasso (Guillaume Nicloux).
Chez Stéphane Brizé, ces lieux sont non seulement les décors, mais aussi l’expression de la psyché des personnages. La cité balnéaire hors-saison, presque dépeuplée, semble un temps suspendu, une parenthèse dans un cycle, un temps mort durant lequel le protagoniste est assailli par les doutes, les inquiétudes, les turpitudes, les regrets, peut-être les remords…
Pour donner un sentiment d’écrasement, d’oppression, le cinéaste a délaissé son habitude de filmer caméra à l’épaule pour la poser sur un pied. Venu présenter son film en avant-première aux Cinémas du Grütli, à Genève, Stéphane Brizé nous a apporté un éclairage bienvenu sur ses intentions pour Hors-saison. Rencontre.
Firouz E. Pillet
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